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Lord-Yupa
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Lord Yupa le #500240

Grâce à ta précision Xanatos sur le dernier album Lucky Luke scénarisé par Goscinny, je me le suis procuré :
Le Fil qui chante
Un très bon album comme je les aime, avec un prélude historique soigné, passionnant (et drôle !) sur la lenteur extrême du courrier, sur le Pony Express, et sur la décision de Lincoln de relier enfin l’Est et l’Ouest par le télégraphe (1861). Les minutieux le remarqueront, l’avant-dernier album goscinnien L’Empereur Smith se déroulait 5 ans plus tard puisque sous la présidence de Grant, “l’usurpateur” selon Smith. On est dans un flash-back de la vie de Luke, le plus ancien datable en fait.
L’intrigue de base, la course d’obstacles au télégraphe entre deux ingénieurs, rejoint une autre course à obstacles, celle entre les deux capitaines de En remontant le Mississipi. Mais dans cette dernière, un des deux concurrents est un filou qui envoie successivement 4 crapules contre le concurrent honnête. Ici plus subtilement les deux chefs d’expédition Gamble et Creighton sont parfaitement loyaux (et attestés historiquement), et le filou est seulement l’adjoint Bradwell visant la prime. Dans le saloon “de rigueur” ce dernier passe un marché mais avec une seule crapule ; celle-ci nous reste invisible, le cadrage identique sur 8 cases ne montrant au lecteur que le profil de l’ignoble Bradwell. Et ainsi, le traître et saboteur dans l’équipe de Gamble et Luke restera un mystère, et pour le lecteur aussi, car une des cases au saloon lui montre la poignée de main d’un Blanc avec Bradwell, or de façon inattendue et très rusée pour masquer ses actions, le traître s’est déguisé en guide indien. Le cliché de western voulant ce genre de personnage noble et loyal (le racisme des western n’est qu’une idée reçue, pratiquement aucun ne dévalue les Indiens), la surprise est complète au final ! D’autant que le faux “Epervier Malingre” prévient efficacement la caravane d’une grande chute d’eau parfaitement réelle. Pourquoi ? eh bien il lui serait inutile de mentir, et surtout cet acte honnête dédouane l’Indien des soupçons éventuels du lecteur, qui cherche en vain l’identité du traître comme toute la caravane ! On mesure la finesse narratologique de Goscinny…
Trop d’excellents gags pour les lister ! Mais on retrouve aussi le pessimisme relatif de Goscinny : le naïf et enthousiaste Gamble dit à Luke à propos des sabotages “Les gars de l’équipe sont des types bien ! Ils ne trahiraient pas pour de l’argent !
Vous n’avez pas assez confiance dans la nature humaine !”
Notre cow-boy ne répond qu’en interrogeant tour à tour trois des ouvriers sur leur motivation, qui n’est que la prime, et n’a rien à voir avec un intérêt pour “cet imbécile de fil”. Et Luke de conclure : “En route, Gamble, mais ayons l’oeil sur la nature humaine…” Ce qui rejoint pleinement sa conclusion dans L’Empereur Smith.

A mon avis les meilleurs albums de Lucky Luke sont ceux à substrat et personnages historiques. Je ne crache pas sur un Dalton de temps en temps (les premiers), d’ailleurs cette bande des 4 a réellement existé, et c’est Goscinny qui en a fait un quatuor de “cousins” comiques, après une histoire plutôt glauque de Morris sur les vrais Dalton. Mais vraiment ils sont devenus trop répétitifs pour mon goût, surtout évidemment après le décès de Goscinny. Au moins son Lucky Luke roula toujours ses cigarettes ! C’est quoi, cette ridicule brindille au bec ?? Les Studios Hanna-Barbera prêts à lancer la série animée aux USA exigèrent ce changement de Morris en 1983, ne voulant pas d’ennuis avec les associations anti-tabac. Bien que l’animé se révéla un échec total en 1984, Morris dans la foulée supprima la clope au profit du brin d’herbe dans tous les albums suivants ; il en fut récompensé par un prix décerné par l’OMS… Morris, va donc, hé, foie jaune !