La légende de la forêt

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Enfourchant son sac à dos, animeland.com est allé par delà les sentiers quêter dans toutes les librairies de Gaule, à la découverte des proses de nos confrères sur l’oeuvre du garde-champêtre TEZUKA!

Sorti sur nos écrans ce 27 novembre 2002, La Légende la Forêt se fait plutôt discret dans nos médias. Une chose est sûre, tous les journalistes ayant répondus présent à l’appel de la Forêt s’accordent pour présenter TEZUKA Osamu comme LE précurseur de l’animation nippone. Injustement méconnu en France, on fait alors moult rappels historiques sur sa carrière : Astro Boy, Le Roi Léo, etc… histoire de resituer le bonhomme dans nos mémoires de nostalgiques accros aux GloubiboulgaNights. Il reste que La Légende de la forêt, ce florilège de courts métrages aussi hétéroclites qu’insolites, est une petite merveille reconnue quasiment à l’unanimité ! Même Le Voyage de Chihiro n’avait pas soulevé un tel engouement. Reste que le caractère “sélection Art et Essai” de l’oeuvre confine celle-ci à une médiatisation quasi confidentielle, mais néanmoins présente pour qui veut chercher derrière les broussailles…

Le Sentier dit du Flâneur :

C’est un sentier rectiligne et sans relief apparent. Les journalistes qui l’empruntent signalent l’existence du film en quelques lignes (bref descriptif de l’oeuvre et du curriculum vitae de son réalisateur). Tous ces “mini” articles se terminent par une petite phrase élogieuse. Ainsi, le journal L’Humanité joue les découvreurs : “On ne connaissait pas ce cinéaste, voici une lacune comblée”. Le Canard Enchaîné (réputé très sélectif !) insiste sur la qualité graphique “remarquable” de l’ensemble. Le Figaro Scope résume par : “un plaisir pour les yeux et l’intelligence. (…) et toujours l’audace dans le coup de crayon. Un régal.” Tout est dit. Néanmoins, le summum du dépouillement rédactionnel revient au magazine Studio qui colle ce florilège d’images animées dans une rubrique de news “underground”. La critique est certes élogieuse… encore faut-il la trouver !

Le Sentier dit de L’Aventurier :

C’est le chemin de la découverte ou l’on flâne sans pour autant rechigner à l’effort. Les rédacteurs l’empruntant préfèrent compléter leurs descriptifs par des argumentaires brefs mais efficaces. Exemple type : L’Officiel des Spectacles concluant que La légende de la Forêt résume à lui seul l’heureux éclectisme de TEZUKA Osamu : “minutieux, enchanteur, humaniste et bourré d’humour”. Première aime aussi les formules qui font mouche : “Ces cinq petits récits animés où le merveilleux le dispute à l’absurde et à la fantaisie sont l’oeuvre d’un créateur de génie”. Même son de cloche à Ciné Live sous la plume de Marc TOULLEC, ex-membre de Mad Movies : ” En deux actes, La Légende de la Forêt tend autant vers la parodie pince-sans-rire du Fantasia de Disney que vers les prémices du Princesse Mononoké de MIYAZAKI. (…) La Légende la Forêt constitue la meilleure illustration qui soit au génie d’un TEZUKA virtuose et caméléon”. Le rédacteur insiste ainsi, comme d’autres, sur la polyvalence des styles employés et “l’extraordinaire pluralisme” du réalisateur. Un pluralisme qui fait que chaque court métrage est une oeuvre à part entière que l’on pourrait attribuer à autant de cinéastes différents ! Notons une dernière remarque du rédacteur qui décrit TEZUKA comme étant un insoumis à tous les dogmes et carcans du cinéma d’animation ! Rappelons tout de même que ce dit expérimentateur à aussi créé le fameux style académique des mangas nippons (les “Groszyeux” !) et popularisé l’animation limitée au Japon pour l’adapter aux contraintes budgétaires de la télévision. Paradoxal, non ? Finissons ainsi par L’Ecran Fantastique : “Si chaque film s’apparente à un exercice de style parfois naïf, anecdotique ou laborieux, il faut également prendre en compte une dimension plus complexe, axé sur l’essence même du septième art.” Bref, l’oeuvre de TEZUKA se mérite !

Le Sentier dit du Pèlerin :

Périlleux sera le chemin du pèlerin le menant vers de gros dossiers de plusieurs pages, hélas réservés pour la plupart aux publications spécialisées…
Coyote consacre autant d’encadrés que compte la sélection de La Légende la Forêt. Une solution qui offre un panorama complet et documenté de l’oeuvre. Ainsi on apprend que le court La Sirène aurait pu inspirer Terry GILLIAM pour son film Brazil, suite à sa description d’un personnage en proie aux doutes émis par son entourage jusqu’à subir un lavage de cerveau ! Pourquoi pas… Suit La Goutte ou l’on apprend que TEZUKA à réalisé ce petit bijou d’humour noir tout seul et en une semaine ! Quant au film même de La Légende de la Forêt, le rédacteur confronte son contenu à priori simpliste et à priori politiquement correct à une thématique réaliste de la mort chère à TEZUKA. Une fois n’est pas coutume, Otaku remercie le distributeur Les Films du Paradoxe (Goshû le violoncelliste, etc…) pour le risque commercial encouru à sortir une telle sélection en salle ! Celui-ci insiste sur l’importance de ne pas passer à côté de ce bijou qui sera forcément sous-médiatisé comparé au dernier blockbuster Disney. Si les analyses sur les différents courts ressemblent à ce qui à déjà été écrit ailleurs, il est amusant de constater que chaque rédacteur interprète de manière différente sa vision de certaines oeuvres comme Le Saut ! Si dans Otaku on y voit une parabole satirique sur la course à la sur-technologie, chez Mad movies, on y voit plutôt une parabole sur la sagesse acquise sur la distanciation des choses ! Comme quoi une caméra sauteuse… peut mener loin ! Chez Mad Movies justement, on débroussaille les mémoires en rappelant que l’inventeur des premiers vrais manga se nomme KITAZAWA Rakuten (1876-1955). TEZUKA n’étant « que » celui qui révolutionna considérablement cette littérature alternative (ce qui est déjà pas mal…). Le rédacteur nous raconte alors sur un ton quasi romanesque les multiples aventures du génie nippon. On apprend que celui-ci faillit être amputé des deux bras lors de son service militaire ! Seule la ténacité d’un médecin lui sauva (nous sauva ?) ce qui allaient êtres les instruments d’une révolution culturelle mondiale ! Puis au lendemain de la Guerre du Pacifique, le jeune TEZUKA se fait molester par un soldat américain saoul dont il ne comprend pas ce qu’il lui veut. “Cet incident, ou la violence fut engendrée par une déficience du processus de communication, resta gravé dans le coeur de TEZUKA, et devint l’un des thèmes récurrents de son oeuvre”. Vient ensuite l’évocation des fameuses rencontres entre TEZUKA et DISNEY dans les années 60. Ce dernier aurait alors déclaré :” J’aimerais énormément réaliser un film sur un sujet aussi novateur qu’Astro Boy. Des séries comme celle-ci et le Roi Leo sont formidables. TEZUKA est un grand créateur, un grand cinéaste, il faudrait qu’un jour nous puissions travailler sur un projet communs. Je suis certain que le résultat serait formidable”.

Quant à Stanley KUBRICK, il semblerait que suite à la diffusion d’Astro Boy sur NBC en 1964, il commanda des centaines de croquis à TEZUKA en vue de la pré-production de 2001 L’Odyssée de l’Espace. Mais en 1965, leurs relation tourna court. Ainsi, le rédacteur n’hésite pas à tisser un lien entre la collaboration TEZUKA/KUBRICK et le fameux script original du film A.I. réalisé beaucoup plus tard par SPIELBERG ! Comme les deux premiers intéressés sont morts, difficile alors d’avoir ou non confirmation de la chose… Le rédacteur enfonce le clou et revient sur l’affaire du plagiat des studios Disney pour Le Roi Lion et précise que la série TV originale fut effectivement diffusée aux USA sous le titre de Kimba, The White Lion. Mad Movies continue ainsi à lister les différentes oeuvres de TEZUKA, ses déboires financiers (on ne peut être doué en tout) mais s’arrête sur une des oeuvres les plus fascinantes du maître : Black Jack. Le rédacteur n’hésite pas alors à tracer un parallèle aussi osé qu’intéressant entre ce récit de fiction et la vie même de l’auteur, c’est à dire un praticien de génie en bute à l’establishment mais libre de toute hiérarchie ! Le rédacteur conclut sa chronique par une critique du film même de La Légende de la Forêt avec quelques piques à l’encontre… d’Hayao MIYAZAKI :“Ces films apportent la preuve irréfutable qu’Hayao MIYAZAKI à tord. Tord d’affirmer que TEZUKA Osamu a tué la “japanime”. Au contraire, en imposant à cet art la narration par l’image, le plan et le montage plus que par les mouvements exubérants des personnages, TEZUKA apprit à tous les animateurs nippons à faire du cinéma plus que de l’animation”.

De son côté, Anima remet les compteurs à zéro et se veut accessible au grand public avec des mots simples et quelques encadrés sur les oeuvres majeures du maître. On y apprend que curieusement, TEZUKA s’est violemment opposé au mouvement qui vit naître les premiers gekigas, autrement dit : les premiers mangas pour adultes. Paradoxal pour celui qui dessina nombres de manga matures comme Black Jack et produisit le premier long métrage d’animation érotique du monde ! On y met aussi les points sur les I concernant le style “grozyeux” qui contrairement à la croyance populaire n’est pas la résultante d’un complexe des yeux bridés chez les japonais. En fait si TEZUKA à crée les “grozyeux”,… c’est par hommage à Disney ! Anima parle aussi et en détail de l’influence du langage cinématographique (narration, rythme, cadrages, etc…) sur l’oeuvre de TEZUKA. Celui-ci ira même transformer ses héros en “acteurs” que l’on retrouvera dans différentes oeuvres, à l’image des héros de MATSUMOTO Leiji (Albator, etc…). Anima continue ensuite à énumérer nombre de cinéastes qui furent influencés plus ou moins directement par le maître (George LUCAS est cité !). Parmi tous ses guides de la forêt, subsiste néanmoins un seul magazine grand public : Télérama ! L’ardent défenseur de l’animation japonaise de qualité ne pouvait ainsi rester insensible à la magie de la légende, ainsi qu’à celle de son auteur dûment surnommé : “le Hergé Japonais”. Télérama consacre ainsi une pleine page à la vie du maître ! Forcément moins complet que ses confrères spécialisés, le rédacteur de Télérama à au moins le mérite de s’adresser au grand public profane tout en vantant les multiples qualités du maître : “Comment trouve t-il le temps de satisfaire une telle frénésie de création (tout en menant à bien ses études de médecine, qu’il termine par une thèse sur… les spermatozoïdes mal formés) ? (…) Toute sa vie, il dormira moins de cinq heures pas nuit. (…) Six ans après Hiroshima, TEZUKA montre que l’énergie atomique peut avoir des débouchées pacifiques. (…) Même Disney lui doit quelque chose. Le Roi Lion est entièrement inspiré de L’Empereur de la jungle.” Décidément, les journalistes semblent avoir la dent dure contre le pauvre Simba ! Quant à la critique (élogieuse) du film en lui-même, elle ne nous épargne pas quelques phrases choc tel que : “Dire que les charmants écureuils de TEZUKA sont le chaînon manquant entre Tic et Tac et les Pokémons ne rendrait pas justice à ce qu’il y à ici d’intensément gracieux !” Il fallait oser.

Laissons ainsi le maître champêtre (disparu trop tôt pour le magazine Brazil) finir cette revue de presse par une de ses ultime réplique tirée de Télérama : “Ce que j’ai cherché à exprimer dans mes oeuvres (…) tient tout entier dans le message suivant : Aimez toutes les créatures ! Aimez tout ce qui est vivant !”
Chapeau l’artiste… Pardon… Béret, l’artiste !

Note : Certains journalistes sont encore aujourd’hui dubitatifs sur la véracité de certaines anecdotes concernant les rencontres entre TEZUKA, DISNEY et Stanley KUBRICK. Mais il s’agit ici d’un autre débat…

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Kara