La réédition de la série au Japon fut l’occasion pour moi de réfléchir un peu sur cette très très belle série de Leiji Matsumoto.
Dvdanime.net vient de publier ma critique (légèrement modifiée toutefois) du box, dans laquelle j’ai exposé quelques-unes de mes idées, notamment :
– PRESENTATION :
Galaxy Express 999 est l’un des cycles essentiels dans la carrière de Leiji Matsumoto (célèbre en France pour les séries sur Albator), qui est constitué de plusieurs mangas, de films et téléfilms, ainsi que d’une série de 113 épisodes diffusés à la télévion japonaise entre septembre 1978 et mars 1981. Après la réédition l’an dernier au Japon, en dvd, des films, beaucoup attendaient celle de la série, d’autant plus que seule une partie des épisodes avaient été diffusés en télévision française…
– LE PITCH : 5 étoiles
En l’an 2XXX, les habitants de Megalopolis peuvent vivre des centaines d’années en se faisant remplacer les parties du corps défectueuses par des prothèses ultra-sophistiquées. Mais tous ne peuvent pas se le permettre : nombreux sont les malheureux qui peinent à survivre, dans l’obscurité et le froid. Pour eux, il n’y a qu’un espoir : s’embarquer à bord du Galaxy Express 999 et aller sur la fameuse planète où, dit-on, ils pourront à leur tour être transformés en homme-robot. C’est le rêve que caressent une mère et son fils qui se dirigent vers la ville enneigée lorsque, soudain, des robots les attaquent : c’est que la chasse à l’humain est alors un loisir fort prisé parmi la gent mécanique ! Tetsuro Hoshino verra sa maman succomber entre ses bras. Une jeune fille à la beauté mystérieuse (Maetel) le recueille et lui propose un étrange marché : elle lui offrira un billet gratuit pour le Galaxy Express 999, à la condition qu’il fasse le voyage avec elle…
– BILAN ARTISTIQUE :
Galaxy Express 999 est unique en son genre. Il ne s’agit absolument pas de space opera (comme le sont les séries du Capitaine Harlock avec leurs combats spatiaux…) mais plutôt d’une somme d’influences fort diverses, au point qu’on a parfois pu la décrire comme un panaché improbable d’une nouvelle à la Ray Bradbury et des meilleurs westerns européens, quoique l’argument de départ s’inspire d’un récit poétique de Kenji Miyazawa (Train de Nuit dans la Voie lactée).
Les épisodes se déroulent selon un schéma plus ou moins semblable : il y a souvent une partie dans le train suivi d’un arrêt sur une planète inconnue pour Tetsuro qui sera l’occasion pour lui de rencontrer des gens, de confronter des expériences, et à chaque fois de retirer de ses observations une leçon nouvelle sur l’humanité. A la manière de Sliders, il y a un aspect ‘découverte d’un monde parallèle’ (telle planète est entièrement couverte d’eau, telle autre est peuplée d’hommes-lucioles, les habitants d’une autre ont des sens hyperdéveloppés, ailleurs on organise des guerres juste comme spectacle pour distraire les visiteurs étrangers,…) : naturellement, il ne s’agit pas de faire du tourisme et tout cet exotisme sert de cadre à un récit original et varié dont la fin est souvent tragique. Une aussi longue série n’évite pas les répétitions et on relèvera quelques constantes : les confrontations humains/robots, le personnage solitaire en marge de sa société, les vols du billet de Tetsuro (convoité par à peu près tout le monde, dirait-on), les courses pour ne pas manquer le départ du train,…
Un autre intérêt vient directement des personnages eux-mêmes. Maetel est très mystérieuse : alors qu’on ignore tout de son but, de sa nature, de son statut (Pourquoi l’accueille-t-on partout avec tant de déférence et de respect ?), de la personne avec qui elle semble communiquer de temps en temps… elle va se révéler au fil des épisodes être un personnage tout à fait exceptionnel, une sorte d’idéal de beauté, d’intelligence (sans être trop bavarde cependant) et de femme d’action, qui sait se battre. Quant à Tetsuro, c’est l’orphelin classique des dessins animés japonais (C’est quelque chose de typique que les enfants sont un peu livrés à eux-mêmes. J’ai l’impression que c’est un peu à dessein. Ce qui est amusant, c’est que les orphelines deviennent souvent des filles décidées, conscientes de leur ‘mission’ de sauvegarde de la paix du monde ou ce genre de choses (Nausicaa, Utena, Asuka,…) tandis que les garçons dont la mère est absente deviennent généralement des indécis, incapables de prendre des décisions (citons les exemples de Tetsuro (Galaxy Express 999) qui hésite entre un corps d’humain et un corps mécanique, Shinji (Evangelion) qui a peur de tout, ou encore Max/Kyosuke (Orange Road/Max et Co) et Ranma, partagés entre deux filles) . Encore un de ces clichés de la japanimation…), orphelin qui agit à l’instinct, souvent de manière irréfléchie (mais c’est encore un enfant qui est plein d’espoir et de rêve, et non une des ces figures froides et solitaires comme Harlock ou Emeraldas, qui sont épris de liberté mais plutôt pessimistes, tristes).
Certains y ont vu une allégorie du passage à l’âge adulte (Maetel en étant une sorte de guide), mais c’est bien davantage : c’est une véritable réflexion sur l’humanité qui nous est offerte ! Matsumoto alterne avec brio les moments d’action intense et ceux de poésie, les scènes de joie et les scènes tragiques,… où, finalement, dans la rencontre de l’autre, c’est surtout soi-même qui se dévoile et qu’on apprend à mieux se connaître. Et ici, la guerre, la politique, la solitude, la faim, la pauvreté, la vieillesse ou la mort ne sont pas tabous : à chaque instant l’influence du contexte japonais des années 1960 se fait sentir (le souvenir de la guerre, le pouvoir confisqué par le PLD (parti unique institué par le Département d’Etat américain), les mouvements contestataires contre la prégnance sociale et familiale, le partage inégal des richesses, les bidonvilles et la lutte permanente pour la faim (d’où l’importance des ‘lamen’, simple soupe aux nouilles dont se régale pourtant Tetsuro), la dénonciation du racisme et du colonialisme, le succès des westens italiens, les Jeux Olympiques de Tokyo, la conquête spatiale, l’introduction de nouvelles technologies, les gains de productivité et le taylorisme, la modernisation de la société, la déshumanisation des villes, la pollution,…). Matsumoto est un auteur engagé, aux oeuvres susceptibles de plusieurs niveaux de lecture, au ton souvent adulte, mais dénué de violence gratuite, de vulgarité et de scènes racoleuses, chose devenue rare aujourd’hui.
– CONCLUSION
Un achat ‘leijitime’ ?…