George Akiyama a adapté en manga la Bible et des films érotiques. Il a été censuré et banni, mais également l’auteur d’un succès sur quarante ans. Retour sur une vie hors norme, qui vient de s’achever.
Quelques mois après sa naissance, en 1943, George Akiyama et sa famille sont évacués de Tokyo, en proie aux attaques américaines. Pendant son enfance dans la préfecture de Tochigi, il se passionne pour le dessin, au point de créer son premier manga à l’école primaire. En sortant du collège, l’adolescent décide de retourner à la capitale pour y trouver un travail et soutenir financièrement sa famille – quatre frères et sœurs et un père Coréen ostracisé. Admis dans la pépinière d’auteurs autour de Maetani Koremitsu, pionnier du manga, il fait ses premières armes dans le marché des livres de location. Une brève expérience dans l’animation lui permet de rencontrer des responsables de Kôdansha, qui l’envoient en formation pendant un an et demi. En 1966, à 23 ans, George Akiyama publie Gaikotsu-kun, sa première série professionnelle !
Suite à ce succès, l’auteur reste dans la voie du gag manga jusqu’à la fin de la décennie. La violence du choc est donc décuplée quand les lecteurs du Shônen Magazine découvrent, le 2 août 1970, le premier chapitre d’Ashura et ses scènes de cannibalisme : une mère y dévore ses propres enfants ! Le scandale est tel que le numéro est banni dans plusieurs préfectures ! George Akiyama émigre dès l’an suivant dans le Shônen Sunday de Shôgakukan, où il propose chaque semaine des confessions intimes crédibles en diable… mais démenties comme étant de la fiction dans le numéro suivant. Une fois sa série Kokuhaku terminée, le dessinateur annonce prendre sa retraite et quitte l’industrie du manga… pour y revenir trois mois plus tard.
Rarement décision aura été aussi judicieuse. Dès1973, les tranches de vie d’une famille hédoniste de l’ère Edo (le père passe son temps à courir les jupons) réjouissent les lecteurs du Big Comic Original… pendant plus de quarante ans ! Il faudra attendre 2017 pour que le mangaka ne mette un point final à Haguregumo, fresque de 112 volumes – une jolie performance pour un auteur jugé scandaleux trois ans plus tôt. Sans jamais abandonner sa série au long cours, George Akiyama explore tous les genres, même les plus inconciliables! Il adapte ainsi des films érotiques de la Nikkatsu en manga au début des années 80 et, vingt ans plus tard, fait de même avec la sainte Bible en 2005. Cette production protéiforme se ressent dans le maigre échantillon parvenu en France aux éditions Lézard Noir, deux titres diamétralement opposés, le cynique Jintaro, le caïd de Shinjuku et le tendre Anjin San. Avec son décès le 12 mai, c’est l’un des derniers électrons libres du manga qui disparaît.
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