Le 5 mai 1993, une production Ghibli inédite était diffusée non pas au cinéma, mais à la télévision. Titre méconnu du grand public, Je peux entendre l’océan fête aujourd’hui ses 30 ans !
Sur le quai d’une gare de Tokyo, un jeune homme, Taku, aperçoit une jeune femme qui lui semble familière… mais disparaît hors de sa vue. En route vers Kôchi, sa ville natale perdue à la pointe sud de l’île de Shikoku, il se remémore ses souvenirs de lycée, avec son meilleur ami Yutaka. Et surtout l’arrivée d’une nouvelle élève venue tout droit de la capitale, Rikako. Belle, intelligente, sportive, elle s’attire aussitôt les faveurs des garçons et la jalousie des filles. L’adolescente traverse pourtant une crise et, après avoir floué plusieurs personnes, s’échappe vers Tokyo… en compagnie de Taku. Il découvrira alors des facettes insoupçonnées et peu flatteuses de la jeune fille, qu’il considère comme une peste. De quoi le fâcher avec Yutaka, fasciné par Rikako…
Puisqu’elle finance les longs métrages, et a l’exclusivité de leur diffusion télévisuelle, la chaîne NTV est un partenaire privilégié de Ghibli. Quand elle lui demande la réalisation d’un téléfilm, le studio accepte pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est l’opportunité pour Miyazaki et Takahata de laisser une équipe jeune s’exprimer et faire ses preuves. Deuxièmement, le studio peut se frotter à un nouveau processus de production, guidé par trois consignes : économique, rapide, et qualitatif – sans surprise, les deux premiers critères ne seront pas respectés, le produit final étant rendu hors délai et hors budget ! Le choix du projet se fait par ricochets : Je peux entendre l’océan est à l’origine un roman de Saeko Himuro publié dans le magazine Animage, publication de Tokuma Shoten, société-mère du studio Ghibli… et illustré par Katsuya Kondô, directeur de l’animation et chara-designer sur Kiki la petite sorcière.
Grand connaisseur de l’œuvre de Saeko Himuro, et réalisateur de séries mettant en scène des adolescents (Creamy, merveilleuse Creamy, Max & Cie…) et des relations humaines réalistes (Maison Ikkoku), Tomomi Mochizuki est sélectionné pour réaliser le téléfilm. Sous sa houlette, Je peux entendre l’océan se fait le reflet du virage social que prend le Japon en entrant dans la crise et de l’évolution des femmes. Accédant désormais au monde du travail, elles cherchent à être traitées sur un pied d’égalité, ce que le téléfilm offre au travers d’une scène de gifle rendue dont la violence tranche avec les habitudes du studio. Cette émancipation est également évoquée à travers le thème du divorce, ou la cuite que prend Rikuko malgré son jeune âge. Tranchant radicalement sur le fond avec cet ancrage social revendiqué, Je peux entendre l’océan se distingue également par sa réalisation, conçue avant tout pour le petit écran. Film mal-aimé dans le catalogue Ghibli, il est resté inédit pendant près de trois décennies avant d’être accessible en support physique via Wild Side et en streaming via Netflix. Pour ses trente ans, quoi de mieux qu’une séance de rattrapage ?
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