Il y a cinquante ans, les librairies nippones étaient prises d’assaut : en moins d’une semaine, le premier tome du Clan des Poe était en rupture de stock ! Retour sur un chef d’œuvre fondateur.
Edgar et Marybelle Evans, enfants illégitimes d’aristocrates anglais, sont abandonnés au fond d’une forêt – il faut garder bonne figure dans l’empire britannique du 18e siècle ! Ils sont alors recueillis dans le village de Poe aux somptueuses roseraies. Au bout de quelques années, le clan local, dirigé par sa matriarche Hannah, révèle sa vraie nature : il s’agit de de vampanellas, des êtres immortels qui se nourrissent de sang humain. Le clan des Poe préfère attendre qu’Edgar et Marybelle aient atteint l’âge adulte pour les transformer à leur tour, mais le destin en décide autrement. Suite à une attaque de villageois, Edgar devient vampanella à seulement 14 ans et, bien malgré lui, doit faire connaître le même sort à sa petite sœur, puis à son ami Allan Twilight. Piégés à jamais dans leur corps que le temps n’altère pas, ils voyagent à travers l’Europe et les siècles. Mais attention : si le temps ne les atteint pas, rien ne les empêche d’être assassinés…
Depuis ses débuts en 1969, Moto Hagio a du mal à s’imposer dans le milieu. Alors que ses éditeurs, en particulier Kôdansha, exigent des histoires accessibles et axées autour du sport, la jeune autrice de vingt ans aimerait s’aventurer dans d’autres domaines, proches de la littérature qu’elle apprécie : science-fiction et fantastique. C’est donc dans le Bessatsu Shôjo Comic de Shôgakukan qu’elle publie en 1972 le premier chapitre du Clan des Poe. Alors que, jusqu’ici, Hagio n’avait créé que des nouvelles indépendantes, elle tisse, au gré de courtes histoires, la trame globale de son œuvre. S’affranchissant de la chronologie, chaque chapitre propose une ambiance différente, même si le romantisme gothique domine tout au long des pages. Il suffit d’avoir raté un numéro du mensuel de Shôgakukan pour se retrouver largué !
La sortie du premier volume relié du Clan des Poe, le 28 mai 1974, est donc un double événement. Tout d’abord, d’un point de vue éditorial, puisqu’il s’agit du premier shôjo que Shôgakukan décide de publier en librairie. Mais aussi pour les lectrices, qui attendent de pied ferme cette occasion de se replonger dans l’univers de Moto Hagio et de relier entre eux les événements et les époques autrefois parus de manière disparate. Au final, ce premier volume se retrouve en rupture de stock en quelques heures – pour le plus grand désespoir de lectrices comme Rumiko Takahashi, passionnées par ce titre novateur. Un deuxième volume, en 1976, viendra compléter la saga avec de nouveaux chapitres… sans pour autant la terminer. En effet, grâce à sa structure narrative, Le clan des Poe ne connaît ni début ni fin. Et Moto Hagio se fait un plaisir de prolonger l’aventure quarante ans plus tard, en 2016, avec de nouveaux chapitres publiés dans le magazine Flowers. Pour en savoir plus sur cette œuvre toujours en cours, cinquante ans après ses débuts, jetez-vous sur l’AnimeLand X-Tra 72 et sur le beau livre 100 mangas qui ont marqué l’histoire ! aux éditions Ynnis !
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