Dans ma grande tradition (de deux topics U_U -un ici & un là-) de lier une oeuvre quelconque à quelque phenomene de société, me revoila, fidele à moi meme, pour vous causer un poil de mon dernier coup de coeur peu de temps apres avoir vu Haruhi : NHK Ni Youkoso !
Bienvenue à NHK soit, mais ne nous meprenons pas : si le jeu de mot est evident avec la celebre “TF1 japonaise” [edit pour NdJ : “France 5 japonaise”] (Nihon Hôsô Kyôkai), il designe en verité la super grande & dangereuse organisation Nihon Hikikomori Kyôkai !! Mais qu’elle est-elle donc ? Commencons par le commencement. Tatsuhiro Satô est ce qu’on appelle un “hikikomori“, c’est-à-dire un de ces jeunes japonais qui s’enferment chez eux sans jamais sortir, préférant l’isolement total à la vie en société. Voilà donc trois ans que Satô n’est pas sorti de chez lui. Pendant ce temps, il a réfléchi à tous ses échecs et à ses malheurs. En faisant le point sur sa vie, un souvenir s’impose à lui : “Sempai”. La lyceenne un peu bizarre qui, à l’epoque, lui a mis tout un tas d’idees bizarres dans le crane. “Le monde est corrompu”. “Nous sommes bernés”. “Un complot mondial”. “Ils sont partout”… Sato etant un rien faible d’esprit, la paranoia le tenaillait des qu’il etait dans les parages de la belle, qui le fascinait. Retour au present. La TV allumée toute la journée (sur NHK, le reservoir à dessins animés [edit pour NdJ : un diffuseur important de DA au Japon]), et ce foutu air d’OST de Bishojo-Magical Girl passé en boucle du PC du voisin qui traverse les murs, lui montent vite à la tete. Mais bien sur, la voila l’essence meme de la conspiration ! : TV –> Anime –> Otaku –> degout d’autrui –> creation de Neet* & de Hikikomori ! Persuadé que connaitre cette “verité” va l’aider à affronter le monde, Sato se rendra vite compte que son enthousiasme ne tient qu’a un fil, & que le malaise (du à la conspiration, forcement) est bien plus profond que ce qu’il paraissait. Ainsi nait la Nihon Hikikomori Kyôkai. Sa vie s’annoncant sous de douteux auspices, y debarque un jour une demoiselle, Misaki, ayant un mysterieux contrat à lui faire signer… J’arrete ici pour le tableau de base (c’etait juste l’episode 1), je ne veux pas gacher le plaisir d’autrui.
Avant de la voir j’ai effectivement entendu parler de cette serie, & m’etais demandé à l’epoque quel genre de mise en scene ca pouvait etre : comique? Parodique (à la maniere d’un Otaku No Video ? Dramatique? Documentaire (car decrivant un phenomene de societe) ? Tout cela à la fois? La grosse surprise pour moi fut la reelle presence de scenario. Tout au long des 24 episodes, la trame evolue, en meme temps que le personnage principal (& les autres), les relations se tissant entre Sato, Misaki, le voisin otaku fan d’ero-games, et la sempai paranoiaque gagnent en interet & en profondeur. Je trouve que le traitement des differents sujets est bien amené : le phenomene Hikikomori bien sur, mais aussi l’otakisme “classique”, la solitude, la violence parentale, la pression familiale, le suicide bref, tout ce dont le Japon a tendance a souffrir en ce moment, affres à l’origine d’une difficile integration complete & sereine dans une société de competition. Les questionnements du heros paraissent risibles à premiere vue, mais en grattant un peu, on ne peut que se poser des questions nous aussi. Le monde dans lequel on vit ne va-t-il pas droit dans le mur ? Nous parlions de Ijime & de Freeters il y a quelques mois, je m’apercois qu’une 3e oeuvre majeure traite le meme sujet de fond, sous un angle different. Trois titres, pour trois aspects d’une meme problematique…
Techniquement la serie est tres bien menée : design un peu particulier mais au final attachant, animation correcte… Le traitement des protagonistes est tres bon : les crises de paranoia du heros sont superbement doublées, et surtout la montée du ressenti du spectateur face à Misaki : on sent que ce personnage cache une profonde peine, ce sans aucun artifice, ni artificialité. Un sourire de facade, un regard detourné, une volonté de fer etrange pour sortir Sato de son trou… Que peut-elle bien cacher derriere son foutu contrat bizarroide?
Les ambiances sont egalement tres reussies : les palettes de couleurs changeantes alliées à des musiques passant du rock saturé, agressif & oppressant (des relents de Lain ?) à des themes plus legers (on respiiiiiiiiire!!) ou sacrement melancoliques (ideal pour faire un point sur sa vie justement, ou pour profiter d’un joli coucher de soleil !). Les airs de guitare accoustique sont splendides. L’humour est aussi present, generalement de maniere bien efficace (ah, cette scene de MMORPG ou la fille qu’il draguait arrive à son palier reel : hilarant!). Concernant l’OST, mention speciale à deux titres : la chanson bishojo (Puru puru pururin !!) qui arrive à concentrer en 3 minutes toute l’essence meme du moe -voix toute kawaii, musique rose bonbon, petit rire qui fait fondre, personnage magique ne demandant qu’a se faire proteger…- ; et le generique de fin, joli mais surtout à textes tres revelateurs, pour les passionnés hard core, mais aussi plus generalement pour nous autres animefans. D’ailleurs je ne resiste pas à l’envie de mettre une traduction des paroles ici tellement je les trouve chouettes :
Ils sont aimés equitablement.
Alors pourquoi quand ils grandissent,
Leurs destins sont separés si cruellement?
Regarder & ne pas regarder dans les yeux des gens,
Connaitre ou ne pas connaitre l’amour…
Si c’est ca la realité, je ferai mieux d’etre
Un bébé jusqu’a la mort : un adulescent.
“Ah, quel joli bébé !
Ca me donne envie de t’aimer !”
Comme j’avais prevu !
Ca marchera parfaitement !
Mais le bébé qu’elle tient actuellement
Est en fait un adulescent.
Derriere ses “ababa” innocents,
Il sourit en coin.
Tu devrais en devenir un aussi.
C’est pratique & genial, un bébé humain.
Pour parler plus generalement du phenomene, il faut savoir que c’est quelque chose qui a tendance à toucher un nombre croissant de personnes, souvent de jeunes adultes. On parle d’un peu moins de 1 pour 100 de la population : c’est enorme. Cette notion est par contre à differencier de celle d’otaku en tant que tel. En fouillant un peu j’ai trouvé quelques infos interessantes :
– Contrairement à ce que je croyais, les hikikomori n’ont pas tant recours que ca au suicide : en effet le cocon qu’ils arrivent à se construire via leur cyberculture leur sied tellement qu’ils n’ont plus l’idee d’en finir avec la vie.
– Si l’ijime peut amener à cet etat, c’est une cause minoritaire apparemment : c’est plus la rigidité toute entiere du systeme (famille / education / monde actif) qui n’evolue & ne s’adapte pas face au fleau nouveau qu’est le chomage qui installe le malaise. On peut lier le phenomene freeters à cette cause egalement.
– Autre lien avec la société en plus de la pression : son rythme. Les gens ont besoin de lacher la soupape de temps en temps (surtout avec 1 semaine de vacances par an). Les hikikomori ne seraient que des gens qui se lachent, mais poussant le vice à l’extreme. Un autre symptome revelateur de ce besoin : rester chez ses parents jusque tard dans la vie. Ces nombreux Tanguy nippons n’ont peur que d’une chose : prendre leur envol…
– Surtout : des solutions peuvent exister pour tenter de sortir ces victimes de leur torpeur. Le dialogue en est la principale. Les faire rencontrer entre eux peut etre un moyen relativement doux. D’ailleurs n’est ce pas cette notion de dialogue avec quelqu’un de comparable qui sauvera Sato dans l’anime?
Je tire ces quelques infos de cette interessante page web. N’hesitez pas à aller fouiner si vous vous interessez au sujet, des liens potentiellement utiles sont en bas de page.
Edit : 2e lien sympa parlant du sujet : ici.
Vous souhaitant bon visionnage si vous en avez l’occasion,
KP
*Neet : Not currently engaged in Employment, Education or Training : designe les gens sans emploi ni formation, ne faisant en general pas grand chose de leur vie… A differencier des freeters, donc.
Edité par Kaiser Panda le 23-09-2007 à 21:07