Citation (Reiichido)
Voilà, j’étais tranquillement en train de lire le 4eme tome de Planète lorsque tout à coup j’ai été pris d’une angoisse existentielle concernant les intentions de l’auteur (Bon, j’exagère un poil). Je m’explique.
C’est la scène qui suit l’accident de moto de Fee. Lorsqu’elle se repose à coté du champ de fleurs, et qu’elle commence à joindre les mains pour faire un voeu devant les étoiles filantes, le chien se met soudainement à aboyer, sans aucune raison apparente.
Cette scène, de par sa construction graphique, a l’air de véhiculer quelque chose d’important. Avez-vous compris l’intention de l’auteur ? Auriez-vous des interprétations ? Moi je sèche….
Le symbolisme dans planètes : vaste programme.
Petit retour en arrière.
Chaque personnage semble être affublé d’un symbole précis :
Hachimaki, c’est un chat blanc.
Tanabe, un chat noir.
Yuri c’est une boussole.
Chaque fois qu’un personnage a franchi un pas en avant dans son mûrissement, celui-ci s’est séparé de son objet-symbole. Yuri a renvoyé sa boussole dans l’espace. Tanabe a été abandonné par Kuro à ses parents, puis, avant d’ouvrir son cœur à Hachi, le nouveau kuro s’est enfui loin d’elle, celle-ci se métamorphosant alors sous les yeux ébahis de son père en femme accomplie ( « l’intuition féminine ! » ). Hachi, lui, a dit adieu au chat blanc.
Quid de fee ?
Son animal à elle c’est le chien. Si on restait sur les logiques précédentes, elle devrait s’en séparer pour franchir elle aussi une étape importante. Au lieu de quoi elle le ramène chez elle. S’agit-il d’une régression ? ou alors de tout à fait autre chose ?
Donc, fee trouve un chien égaré auquel elle retire le collier qui l’étouffe trop, puis, lève les yeux au ciel et commence à prier, sachant pertinemment que ces étoiles filantes là ne sont que des chimères.
Sur le moment, elle plonge complètement dans un autre monde et se détourne alors du chien qu’elle vient de libérer de son collier. Celui-ci l’interpelle en lui disant, je suppose, « hey ! je suis là moi ! je ne suis pas une chimère ! j’ai besoin de toi ! ». L’échange de regard chien/fee qui suit est éloquent : il renvoie directement à l’échange avec son oncle qui se détourne d’elle enfant ( développé deux fois: quand elle demande pourquoi sa mère se met en colère quand elle dit que plus tard elle sera comme son oncle et après l’incendie de la cabane ).
Deux possibilités :
1/ le chien symbolise l’oncle. Il vit seul en marginal mais veut changer ( c’est ce que dit son oncle avant l’incendie de la cabane puis de disparaître ). Fee ramerait donc le chien dans sa maison pour le sortir de sa marginalité, lui offrir un foyer où s’épanouir, sans avoir à subir les contraintes de la société. Toutefois, son oncle cherchait à s’intégrer à la société, pas à sa famille qui le rejette ( sauf sa mère ) et finalement a tourné le dos et à la société, et à sa famille.
2/ le chien symbolise fee enfant. Et là c’est bien plus intéressant.
La famille de fee était tout ce qu’il y avait de plus éclaté : grand-mère dans le missipi, pas de père présent, un frère marginal, une mère avocate, que l’on devine très occupée ( elle a des domestiques et semble très impliquée dans son boulot d’avocat ) et elle-même fille unique de surcroît. Elle adorait son oncle mais celui-ci n’était pas un adulte ( il adore huckleberry finn ). Donc pas un père de substitution, donc pas possible de fonder un foyer avec ce personnage qui refuse de se lier à ce point et qui l’abandonnera elle enfant sous le prétexte des dures réalités de ce monde. Fee en restera sans voix, face à cette décision irréfléchie.
Aujourd’hui adulte, quel est son foyer à fee ? L’espace ? Non, à cause des attentats elle est obligée de redescendre sur terre. Son appart avec cet homme qui joue le rôle de la mère ? Elle était souvent absente ( comme sa mère ) et ses relations avec son fils sont difficiles.
C’est là le nœud du problème : elle est mère de famille. Elle s’est conduit en enfant et a fait ce qu’elle a voulu jusqu’à maintenant ( yuri dit : « à son âge, je pense que ça a de la classe » ), croyant agir pour le bien de la société ( elle récupère des débris dangereux, sa mère défendait des marginaux, même attitude finalement ). Quand elle pense se conduire en adulte, son fils lui ne comprend pas son attitude et elle reconnaît qu’elle s’y prend mal. Mais il faut sortir de cette impasse.
La rencontre avec ce chien est déterminante. Elle est prête à tout lâcher comme son oncle, face aux dures réalités du monde, et à se réfugier dans des chimères. « Comporte-toi en adulte » semble lui dire le chien. C’est ce qu’aurait voulu dire fee enfant à cet oncle qui lui a
tourné le dos, l’a abandonnée et l’a privée de foyer. C’est cette violence longtemps contenue qui éclate au grand jour, celle d’une petite fille abandonnée.
Finalement, elle ramènera le chien avec elle dans SON foyer, là où il a sa place. Et non pas dehors à vagabonder à la merci d’une moto ou d’un camion qui aurait tôt fait de l’achever. La voilà définitivement consacrée maman, même si pour cela, la liberté est devenu un poids ( celui de la moto qui est maintenant cassée et qu’il faut pousser jusqu’en haut de la côte ). Et enfin elle peut demander à son oncle s’il garde toujours son cœur d’adulte en même temps qu’un cœur d’enfant. Elle, elle n’a pu faire un autre choix qu’en se libérant de ce souvenir obsédant.
La petite fille ne pouvait retenir l’oncle, la mère ne le pouvait-elle peut-être pas plus. L’oncle est seul coupable de son sombrement.
Et pour conclure, un extrait d’un rite chez les Bantous du Kasaï:
Toi, chien, et toi, léopard, regardez bien!
Toi, chien, flaire de quel côté est venu la mort de cet homme.
Tu vois les âmes, tu vois les sorciers,
Ne te trompe pas quant au fauteur de la mort de cet homme!
Edité par bub le 30-04-2005 à 18:27