Les jalons historiques de l’histoire du manga ne sont pas tous des chefs d’œuvre immortels. Pionnier oublié du marché français, Flag Fighter est ainsi, avant tout, un pur produit de son époque.
Boxe, karaté, catch… à travers le monde, des millions de sportifs canalisent leur énergie combative grâce aux arts martiaux. Certains, néanmoins, se laissent emporter au point d’être définitivement bannis par leur fédération. Devant ce constat est apparue une organisation secrète, qui organise un gigantesque tournoi clandestin : le Flag Fight. Chaque concurrent, à son inscription, reçoit un drapeau, qu’il devra concéder à quiconque le battra en duel. Plus il remportera de victoires, plus sa collection s’étoffera et celui qui parviendra à accumuler un total de mille drapeaux deviendra le maître du monde ! Malgré sa petite taille, Reppa est un Flag Fighter bien décidé à remporter le tournoi pour accomplir la vengeance qui le motive…
Avec son championnat à échelle mondiale et son objectif démesuré, Flag Fighter pose dès la parution de son premier volume, le 2 juin 1995, ses ambitions de manga-fleuve. Patatras ! Le titre prendra fin seize mois plus tard, au bout d’uniquement cinq tomes. Cet échec s’explique rapidement : le manga est avant tout un titre calibré par le marketing de Kôdansha pour coloniser le lectorat de Dragon Ball, qui s’est achevé en mai 1995. Le scénario, sans prise de risque avec la structure éculée du tournoi, se teinte d’une atmosphère de baston de rues qui surfe sur le triomphe de Street Fighter II. C’est d’ailleurs vers Masaomi Kanzaki, qui a adapté le jeu vidéo de Capcom en manga en 1992, que Kôdansha se tourne pour dessiner Flag Fighter. Malgré son investissement (notamment dans le découpage, efficace et dynamique), le mangaka ne trouve pas le supplément d’âme qui démarquera sa série. L’échec de Flag Fighter est cependant riche en enseignements pour les éditeurs nippons, : en évitant ces mêmes erreurs, Shueisha fera trois ans plus tard un succès de Shaman King !
Mais alors, pourquoi célébrer les 25 ans d’une série a priori mineure ? Car Flag Fighter évoque immanquablement un souvenir nostalgique aux premiers lecteurs de manga en France ! Sur ce marché encore balbutiant à la fin du 20e siècle, les éditeurs expérimentent, aussi bien dans leurs achats de licences au Japon (les goûts du public sont encore à définir) que dans leurs parutions. Manga Player, qui deviendra peu après Pika Editions, parie ainsi sur un magazine mensuel de prépublication : la lecture épisodique de Flag Fighter lui insuffle alors un suspense… qui disparaît à la version reliée. Rétrospectivement, ce semi-échec prend un nouvel intérêt, incarnation des tentatives et essais du marché manga français, qui comptent autant dans ses fondations que les succès historiques.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.