Première rencontre avec le film et première déception : on retrouve le graphisme si particulier du manga avec ses corps longilignes, mais les personnages ne passent pas bien à l’écran. On croirait le sympathique Watanuki devenu un anorexique ! Idem en ce qui concerne l’animation ou même les décors. Par moment, ça ne vole pas plus haut qu’une série télé ou encore une OAV. Il faut dire que réaliser un film de 60 minutes pendant la diffusion de la série télé ne doit pas permettre à I.G. de travailler aussi professionnellement qu’ils le devraient. Donc, on fait un peu la tête, mais pas trop, parce que, déjà la musique est belle. Mystérieuse et sensuelle, elle épouse le chemin pris par notre trio de héros : Watanuki, la sorcière Yuko et le sombre Domeki.
Plongée en eaux troubles
Une jeune femme aussi ravissante qu’éteinte se présente à la demeure de Yuko et lui confie une clé. Elle lui explique qu’elle ne peut pénétrer dans sa propre maison et demande donc à la magicienne de bien vouloir régler ce problème. La sorcière accepte, mais on devine, à son expression de visage que quelque chose ne va pas. Yuko demande à Domeki de les accompagner et tous trois se rendent à la demeure. Mais entre temps, la belle fumeuse a reçu une invitation en bonne et due forme émanant d’un hôte anonyme… Arrivés dans la maison, surprise, la clé confiée par la jeune femme n’ouvre pas la porte, cette dernière se dérobant naturellement. Dans la maison, ils font la connaissance de plusieurs collectionneurs, rassemblés au salon : ces derniers ont tous été invités par le propriétaire des lieux sous le prétexte que leur collection ne sera jamais terminée sans une pièce qui leur sera présentée le soir même. Watanuki ressent de telles effluves de désirs et de suffisances émaner d’eux, qu’il se sent mal et se dirige vers les toilettes. C’est le moment choisit par I.G. pour faire dérailler le film et emmener son spectateur dans un voyage inquiétant…
Il faut accepter de se faire balader. De se perdre. Comme Watanuki, à cette seconde précise, le spectateur est entraîné dans une quête. Quête de quoi ? Il faut avoir du culot pour ne pas donner la réponse avant les toutes dernières minutes du film… Le pauvre Watanuki cherche les toilettes et avance. Longtemps, très longtemps. Des panneaux lui indiquent la direction : il faut s’enfoncer, ouvrir des trappes, se contorsionner pour rentrer dans des réduits, tomber dans une pièce sans porte… Il faut accepter de rentrer profondément dans la maison. Et profondément en soi ? Forcément. Cette descente dans le coeur de la maison est une descente dans sa propre psyché.
Plus tard, les hôtes sont invités à passer la nuit dans une chambre qu’ils ne devront quitter sous aucun prétexte. Le maître des lieux entend bien mener tout le monde à la baguette et son seul désir revient à ce que la transgression de son ordre soit accomplie ! « Ne sort pas de la chambre ! », lance-t-il tout en confrontant son résident à la vision horrible d’une petite fille hurlant à la mort. Cette injonction paradoxale conduit à la mort ou la folie. Pour ne pas tomber dans le piège insupportable, il faut raison garder. Ou plutôt, « cultiver son jardin », comme se plaisait à l’écrire Voltaire en conclusion de Candide : tout le monde tombe, sauf nos héros. Et pourquoi donc ? Watanuki travaille dur et cette vertu sera son rempart contre la folie. Domeki… Domeki est un mystère, mais ceux lisant Clamp devinent aisément la raison de sa présence au côté de Watanuki et ce qui du coup, le protège. Un coeur pur… Quant à Yuko : l’énigme peut-elle être résolue ? La belle prouvera au maître de la maison qu’elle reste celle dénouant les fils de l’intrigue et que les mystères l’entourant restent non seulement inviolables, mais tout autant invisible.
Et tout ce qui finit…
La conclusion du film risque pourtant de décevoir. Des zones d’ombres subsistent sur ce qui s’est passé et le destin des collectionneurs… Le spectateur ressent comme un malaise. Mais, finalement, il nous faut reconnaître que la réponse à l’énigme importe moins que la question. Le mystère, en fait, sera résolu par chaque spectateur du film, à sa convenance… Cela n’empêche pas I.G. de terminer son long métrage sur une séquence superbe. L’émotion, bien présente ne ment pas : les paroles alors échangées entre le maître du lieu et la jeune femme rencontrée au début du film aura force de réponse, mais ne résoudra pas tout de ce qui aura été suggéré. Pour cela, il faudra (re)faire le trajet seul, et donc perdre le contrôle et accepter de se faire balader – devoir descendre dans la maison. Comme Watanuki, l’angoisse sera là et elle ne trompe pas. Il faudra accepter d’ouvrir les portes et se demander : « Qui suis-je ? »
Tromper résolument le spectateur, le malmener, le faire sursauter : quel film d’animation japonais a aujourd’hui le culot d’aller aussi loin ? XXXHolic prend le pari de compter sur l’intelligence de celui qui va le regarder. Sa sortie en DVD chez Kaze devra être accompagnée de la lecture du manga chez Pika. Motif ? On ne peut rentrer dans le film sans connaître un minimum la BD, sous peine de perdre tout intérêt. C’est que, se laisser perdre dans un dédale inquiétant implique un minimum de confiance en celui avec qui on fait le chemin. Ceux n’aimant pas Watanuki devront passer leur chemin. Sans cela, le voyage sera un enfer…
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