Si les petites conventions se multiplient dans les villes de France et de Navarre depuis quelques années, Japan Expo a gagné au cours de 6 années d’existence la place de première convention française, rendez-vous incontournable de tout anime fan, depuis la défection de son principal concurrent Cartoonist. Cela fait déjà 3 ans que la convention investit le CNIT de La Défense, certainement pour la dernière fois. En effet, devant le succès grandissant du Festival des Loisirs Japonais, le CNIT a désormais du mal à contenir le flot de visiteurs : 38 000 festivaliers sur 3 jours (contre 29 000 l’an dernier), c’est beaucoup. L’équipe a même failli être en rupture de stock de billets le dimanche !
Alors oui, les files d’attente ont été pharaoniques : 3h d’attente dès le samedi après-midi. Mais c’est là la rançon du succès, et l’équipe s’est efforcée de prendre de nouvelles mesures pour gérer au mieux cette foule : entrée spéciales pour les pré ventes, sorties définitives dès le samedi, pour permettre un meilleur roulement de festivaliers, placement dans les salles et les amphis. Appréciable : le staff de la convention lui-même en appelle aux témoignages des festivaliers sur le Forum du festival, pour tenter de tirer un bilan de cette édition 2004 (http://forum.japan-expo.com/).
Les invités
Au rayon des invités, Japan Expo a tapé fort cette année : KATSURA Masakazu le papa de Video Girl Aï – était attendu, mais, de manière étonnante, l’amphi n’était rempli qu’à 70 ou 80 % pour la conférence du mangaka star. Les autres invités, quant à eux, ont rameuté les fans pour des conférences souvent matinales de ABE Hisashi à KANEMORI Yoshinori, en passant par Andy SETO ou encore WATARI Hiroshi sans oublier bien sûr les sempiternelles dédicaces.
Petit séisme ce fut le déluge de gothiques le dimanche, pour la venue de Mana, la star du Visual Rock ! Fans éplorés en pleurs, surtout lorsque leur idole leur lâcha au micro impensable pour la star qui protège sa voix au point de chuchoter à l’oreille de son traducteur en interview un « Merci, je vous aime », en français qui plus est.
La très lookée star de la musique a abattu ses 230 dédicaces comme prévu, tandis que les auteurs coréens estampillés Tokebi, en bon stakhanovistes de la dédicace, ont signé à bras raccourci pendant 3 jours d’affilée. En effet, à Japan Expo comme ailleurs (Angoulême, Annecy), la Corée a tenté une percée en force, à travers notamment le stand Tokebi et ses sacs gargantuesques (de quoi y placer un jambon de Bayonne).
Les Conférences
Point fort, Japan Expo ne se contente pas de faire venir des artistes, mais tente aussi de répondre aux attentes de ses visiteurs sur des thèmes précis à travers de savoureuses conférences, encore trop peu fréquentées : le vendredi, on y causait des 10 ans de l’éditeur Kaze – avec notamment l’annonce de diffusion de GTO sur Canal + dès la rentrée prochaine (lire notre news pour plus de détails) avant d’attaquer durant le reste du week-end des angles variés et informatifs, à destination d’un public de passionnés de culture japonaise et… d’animation.
Ainsi, l’association Yutaka a renseigné les Français désireux de partir au Japon, dédoublant ses conférences par rapport à l’an dernier pour mieux traiter chacun des thèmes abordés, et proposant même des initiations à la langue japonaise de 45 min. Du côté professionnalisant, une passionnante conférence sur le parcours de deux élèves sortis des Gobelins, qui ont subi une destinée un peu idyllique, était donnée le samedi matin (lire le compte-rendu dans la suite de notre dossier). Le principe de la Master Class, initiée l’an dernier avec le dessinateur Trantkat, était cette année renouvelée avec Andy SETO.
Une convention active
De fait, ce qui est plaisant chez Japan, c’est que le festivalier n’est pas considéré comme un simple consommateur. Et s’il est désormais devenu commun d’accepter sans broncher la vente forcée pratiquée par certains éditeurs pour permettre au festivalier d’obtenir une dédicace de son artiste favori manoeuvre discutable sur un événementiel le public de Japan est avant tout actif, que ce soit pour un tour de chant, un quiz éphémère, ou des activité plus pérennes : sur les 120 stands, 75 étaient alloués à des fanzines (ou des créations amateurs).
Si nous n’avons pas noté l’apparition de nouvelles activités pour cette édition 2004, on décelait en revanche une intensification et une meilleure mise en valeur de celles déjà présentes les autres années.
Ainsi, l’Espace Culture et Traditions, non seulement a doublé de volume (1 000 m2 cette année), mais de plus s’est intégré au centre de la convention, alors qu’il était un peu excentré l’an dernier. Ce qui a permis une meilleure fréquentation des stands (origami, massage, jeu de go, mah jong, art martiaux…), mais aussi des spectacles (magiciens de rue, démonstrations d’arts martiaux, défilés de kimonos, cérémonie du thé…).
À l’opposé, se situait le bruyant stand de jeux vidéo, qui comptait quelques jeux en avant-premières, et toujours le sempiternel Dance Dance revolution, talonné de près cette année par le Para Para Paradise (même principe que DDR : le joueur est invité à reproduire des mouvements de danse diffusés sur écran – les capteurs étant cette fois situés au niveau des bras, et non plus des pieds).
Au rayon moderne toujours, la reprise du concept Star Academy adaptée à la J pop, pour une finale JE Academy nous révéla un nouveau talent, Momo, en très grande forme pour interpréter la chanson de X ! Attentifs également à diversifier les genres, Japan Expo a invité pour la 2e année consécutive les Romanesques (lire notre article à l’occasion de Japan Expo 5e impact) : la troupe a gagné du galon, et était cette fois chargé d’animer le pré cosplay, dans un amphi bondé et pas forcément acquis à la cause de ces Japonais iconoclastes. Une prise de risque à saluer !
Au rayon des incontournables – de ces activités qui remplissent l’amphi de 1 200 places – nous avions l’inénarrable Sushi Quiz (qui confrontait cette année les « anciens » et les « nouveaux » de Game One, avec un Jean Pat très en verve), et évidemment… l’incontournable cosplay. Pour tenter de juguler la frustration des festivaliers laissés sur le carreau, un écran géant devant l’amphi retransmettait les spectacles en direct. Le plus par rapport à l’an dernier : la présence de son, là où nous avions un simple mur d’images l’an dernier.
Un cosplay de très haut niveau…
À l’image des autres activités du salon, qui n’ont plus d’ « amateurs » que la dénomination (à lire bientôt sur le site : un tour d’horizon du fanzinat), le cosplay joue désormais dans la cour des très grands, au point même de décourager les quelques participants venus en dilettante !
Que leur fabrication ait recquis une semaine ou 8 mois, les costumes très originaux (héros Looney Tunes en peluches, héroïnes Disneyennes…) furent un ravissement pour les yeux. Chorégraphie à couper le souffle (le groupe Tekken), parodie (défile de mode War of Genesis, Ferme des célébrités Naruto…), la sauce prend de plus en plus, et on se creuse désormais autant les méninges sur le thème du spectacle, la réalisation du costume que sur la mise en scène !
Nouveauté de l’édition 2004, le cosplay s’est doté d’une section Visual Rock (ravissant la plupart des festivaliers, mais causant l’agacement des irréductibles fans d’animation purs et durs), et d’un concours Goth Lolita. Inauguré à l’occasion de la venue de Mana, ces événements devraient être pérennisées pour les éditions à venir.
… qui ne tolère plus aucun écart
Parmi les deux cosplays qui ont déclenché des standing ovations, le groupe Transformers s’est surpassé. Réitérant une belle performance après leur coup d’éclat Ken (lire notre article à l’occasion de Cartoonist 2002), le groupe s’est cette année fendu d’un cosplay magnifique, véritables transformations live et combats à l’appui ! (voir notre vidéo dans la suite du dossier). N’ayant malheureusement pas respecté le règlement en vigueur (dépassement du temps malgré 1min10 de rab accordée par l’organisation, usage de confetti, dangereux pour les cosplayers suivants), le groupe a été disqualifié.
« De toutes manières, ça n’a pas pénalisé vraiment le groupe, puisque le jury, composé de 4 cosplayeurs ne faisant pas partie du staff Japan Expo, n’avaient pas récompensé ce groupe », précise David, le responsable du cosplay. « Nous ne pouvons pas nous permettre de dépasser les horaires, de peur de devoir payer une journée supplémentaire de location de l’amphi. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre des dérives tendancieuses : Japan Expo s’adresse à un large public, certaines scènes osées n’ont pas été du goût de tout le monde ». Si les mimes potaches de copulation de certains robots Transformers ne sont plus de rigueur, gageons donc l’équipe saura rester vigilante quant aux prestations tendancieuses qui ont pu émailler les cosplay d’autres conventions les années passées (par exemple, le sulfureux groupe Miyuki chan in Wonderland de Cartoonist 2002).
En effet, Japan Expo prend de l’ampleur, et ne peut plus se permettre de jouer l’amateurisme. « Je me refuse à opérer une sélection, pour ne pas verser dans la “Cosplay academy” », tempère David. « Toutefois, si je suis toujours responsable du cosplay l’année prochaine, il faudra que je veille à davantage surveiller en amont les prestations, pour voir si elles collent à l’esprit de notre convention ».
Les Momos d’or
Comme l’an dernier, les prix cosplay étaient scindés en plusieurs catégories (originalité, prestation, costumes, ressemblance…), pour coller au mieux à la réalité d’un show pluridisciplinaire.
Enfin, parmi les nouveautés qui ont émaillé la très hollywoodienne (show et projections à l’appui voir le savoureux Vis ma vie de cosplayer proposée par Une case en moins, décidément sur tous les fronts) cérémonie des Momos d’or, on aura noté : la remise d’un prix Virus Manga attribué à MATSUMOTO Tayio pour l’ensemble de son oeuvre ; la création d’un prix AMV pour récompenser le meilleur montage d’images d’anime sur musiques originales – décernée par Fantasy Movies (voir le site www.fantasy-movies.net/).
Enfin, parmi les moments d’émotion (l’incontournable Cham, déguisé cette année en Candy, annonçant qu’il ne présenterait plus le cosplay), on retiendra avec amusement l’air effaré de KATSURA Masakazu – venu en personne remettre le prix du cosplay groupe – devant la précipitation de ses fans transis à lui arracher des bises !
Essayant de coller au mieux aux attentes du public, en diversifiant les centres d’intérêt comme les activités, travaillant ses points forts et ses points faibles, Japan Expo défend haut et fort les couleurs de sa passion. Passerelle entre le grand public et les fans (on remarquait cette année une tendance à la diversification du public comme des media venus couvrir l’événement), la convention tente de s’acquitter au mieux de son rôle de portail d’un univers. Organisée à ses débuts par l’association Jade, la convention s’est mutée au cours des années en rendez-vous incontournable, générant au passage la création d’une société, une augmentation de budget de fréquentation, bref, un changement de statut et de responsabilités. La sauce prend plutôt bien, et pour la 2e année, la convention est bénéficiaire.
De quoi certainement résorber quelques soucis pour la prochaine édition (espérons par exemple que les bénévoles n’auront plus à payer leur assurance), et tenter de gérer au mieux le grand écart qui risque de se creuser entre les attentes d’un public de spécialistes et de néophytes. Un signe qui ne trompe pas : pour la première année, les festivaliers eux-mêmes prennent la défense de l’équipe organisatrice sur les forums contre les râleurs ! Et c’est sans doute cela le plus important : la reconnaissance de son public.
A noter : En attendant le 7e Impact, dans un lieu encore inconnu (on parle de la Porte de Versailles, de Le Bourget ou de Villepinte…), on pourra retrouver dès septembre la patte Japan Expo à l’occasion d’ événements ponctuels, comme La Nuit du cinéma, et peut-être un cosplay durant l’année.
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