Il n’est plus un secret pour personne que la cuisine a déjà inspiré le manga plus d’une fois. Les nostalgiques se souviendront du dessin animé Petit Chef(1), diffusé sur TF1 dans le Club Dorothée, tandis que tous, attendons de pied ferme Yakitate !! Japan(2) et sa recherche du pain parfait et non perdu , prévu chez Akata/Delcourt.
Lors de sa formation de cuisinier, le jeune Makito fait la promesse à son maître Sonezaki de le retrouver dans son restaurant à Tokyo. Sauf qu’avec le nom du restaurant pour seul indice, à son arrivée dans la capitale, il met plus de trois mois avant de tomber dessus par hasard. Et à sa grande déconvenue, il apprend par sa jeune et jolie fille Yui que le maître est parti voilà cinq ans à Singapour pour améliorer ses techniques de cuisine. Depuis, les clients se sont faits de plus en plus rares, et le restaurant est donc sur le point de fermer. Pour l’amour du curry, Makito et Yui décident ensemble de reprendre l’affaire. Mais la clientèle est difficile, et le jeune cuisinier va devoir inventer toutes sortes de recettes adaptées aux différentes personnalités.
Une fausse bonne idée
Avec une telle idée narrative, la structure de Addicted to Curry devient limpide. A chaque chapitre dont le double titre est toujours une indication , Makito doit faire face à une personne, dont la méfiance envers le curry l’oblige à redoubler d’imagination sur le goût, la présentation, les couleurs : un curry au potiron pour séduire les étudiantes, un curry diététique pour une obèse en régime ou une leçon des parfums cachés du curry. Valeur ajoutée incontournable et indéniable : la recette elle-même, décrite et décomposée en un strip SD compréhensible de tous. Pourtant, les premiers chapitres se révèlent vite répétitifs et il faut attendre l’introduction de nombreux personnages secondaires (un concurrent macho, une prof sexy, le jeune premier) pour que le manga trouve son rythme de croisière. On ne peut s’empêcher alors de penser à une version culinaire de GTO, tant Makito et ses histoires abracadabrantesques rappellent Onizuka et ses virées mêlant sexualité suggérée et violence assumée.
Mais le manga laisse tout de même un drôle d’arrière goût, puisque FUNATSU Kazuki délaisse souvent son étude psychologique par le curry, pour se prendre un peu trop au sérieux. Humour et second degré deviennent des denrées rares, lorsque les enlèvements succèdent aux agressions et autres incendies. Face à cette gravité des situations, la cuisine se veut pourtant toujours la solution à tous les problèmes lors d’une prise de conscience tout en trames et clichés du genre. Une naïveté bien mal venue.
La psychologie du curry
Choix étrange a priori de faire du curry le «personnage» central d’un manga, du moins à nos yeux, et papilles, occidentaux. Les moins gastronomes, soit une bonne majorité, citeront de but en blanc le poulet au curry, ou le riz au curry, avec la vague notion qu’il s’agit d’une épice. Or, pour être plus précis, le curry est un mélange indien d’herbes aromatiques et d’épices qui peuvent changer selon le plat qu’il accompagne. On peut ainsi y trouver du piment, de la coriandre, du cumin, du gingembre, de l’ail, de la cannelle… la liste est longue. Les différents ingrédients (jusqu’à une vingtaine) sont alors légèrement torréfiés, avant d’être broyés au mortier. S’il ne tient pas toujours promesse, le fil rouge du mangaka FUNATSU Kazuki reste de faire découvrir au lecteur les possibilités infinies d’utilisation du curry, comme autant de personnalités différentes.
Formaté jusque dans son dessin et sa mise en page, Addicted to Curry est à la fois la preuve, comme prévu, de la diversité du manga, mais aussi de la mauvaise, ou du moins banale, exploitation d’une bonne idée. Reste que les fins gastronomes pourront s’amuser à faire des fiches cuisine.
Addicted to Curry de FUNATSU Kazuki (Shueisha, 15 volumes actuellement)
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