Annecy et Yvan WEST LAURENCE

Le comité de présélection

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Présent dans le comité de présélection des films, Yvan WEST LAURENCE a bien voulu nous éclairer sur la façon dont s’organise ce travail un peu particulier. Comment les films sont choisis ? Sur quels critères ? A quelles difficultés sont confrontées les personnes chargées de la sélection ? Il vous dit tout.

Yvan, pourrais-tu te présenter brièvement à nos lecteurs ?

Yvan WEST LAURENCE : Je suis le fondateur et le rédacteur en chef d’AnimeLand (magazine). En plus de mes activités au sein du mensuel, je m’occupe souvent de conseiller des personnes sur le monde de l’Animation et du manga, j’anime ainsi des avant premières, des colloques ou des rencontres autour de ces sujets. Enfin je fais office de spécialiste du produit dérivé au sein du magazine Dixième Planète auquel je collabore régulièrement.

Dans quelles circonstances t’es-tu retrouvé contacté par le Festival d’Annecy ?

YWL : Je connais le festival d’Annecy depuis 1993 mais ce ne sont que ces dernières années que j’ai eu l’opportunité de travailler de manière plus directe avec eux. Ainsi l’année dernière m’avait on déjà chargé de m’occuper d’une table ronde autour de l’adaptation de BD ou de livres pour enfant en dessin animé. J’ai modéré le débat, fait le lien entre les deux thèmes et sujets abordés (l’adaptation se faisant dans les deux sens). Cela n’avait rien d’évident d’autant que pendant ce temps là je manquais cruellement de temps pour voir le festival en lui même. Heureusement le reste de mon équipe veillait au grain et j’ai pu m’occuper de tout cela sereinement. C’était une expérience formidable et le contact c’est excellemment bien passé avec les personnes d’Annecy, Joelle CHAUSSEMIER en premier lieu… C’est donc peut être aussi pour cela que cette année j’ai été contacté pour faire partie du comité de présélection pour les programmes du Festival 2005.

En l’occurrence, quelle a été ta fonction précise sur le lieu ?

YWL : J’ai fait partie du comité chargé de sélectionner les oeuvres correspondant aux séries et aux spéciaux TV, ainsi que pour les clips et les publicités. On nous a chargé aussi de faire une première sélection parmi les nombreux dossiers envoyés pour le concours de projets, dont j’animerai la remise de prix justement au festival mercredi 8 à 17h30 à l’Impérial Palace.

Quelles autres personnes composaient le jury ?

YWL : J’étais entouré de deux charmantes jeunes femmes, Sarah COX, réalisatrice anglaise, et Anna Lisa LIBERI, responsable d’achat de programme enfant en Italie. Nous formions une très bonne équipe, vraiment européenne et nous parlions pour l’essentiel en anglais, même si chacun pouvait s’exprimer en français… Ce devait être assez surprenant à écouter, mais nous nous sommes tout de suite très bien entendu et ce qu’il y avait surtout de formidable c’était que chacun d’entre nous connaissait son sujet, l’animation n’avait aucun secret pour nous et nous jugions en connaisseurs, en spécialistes. C’était vraiment rafraîchissant.

Combien de films avez-vous visionnés en tout et dans quelles catégories ?

YWL : C’était plutôt des courts… Et des moyens… Des centaines. Cela a duré toute la semaine, à partir d’un dimanche ( ! !) sachant que nous avons commencé par certains épisodes de certaines séries, puis les spéciaux, enfin les clips, les pubs, les annonces de festivals pour terminer sur le plus difficile, les concours de projet, qui n’était qu’un amas de dossier, sans éléments à visionner. Pour ce dernier point, on a sous estimés le temps pour tout lire, « imaginer », d’autant que la majorité des dossiers ne représentaient pas le moindre intérêt.

Sur quels critères vous êtes vous basés pour faire votre choix ?

YWL : On nous demandait de noter chacun des programmes présentés, sachant que nous allions de 2 à +2 en passant par 0, ce qui équivalait à une note neutre. Cela permettait de revenir plus tard sur ces programmes si nous n’en avions pas sélectionné suffisamment. Mais d’habitude cela allait relativement vite, avec des avis sinon tranchés sinon discutés rapidement, pour prendre une décision. Ce qui était le plus agréable c’était que nous avions la possibilité d’arrêter la projection en cours si nous nous entendions tous sur un choix négatif. Chose que l’on ne peut pas faire en plein festival (rire). Bien que nous laissions leur chance à tous, dans certains cas il semblait évident que de voir en entier des titres qui variaient entre quelques minutes et une demi-heure ne ferait pas plus pencher la balance en leur faveur.

Qu’est-ce qui a été, pour toi, le plus difficile dans la prise de choix. En d’autres termes, quelles ont été les questions qui ont taraudés tes choix ?

YWL : Certains programmes étaient vraiment difficiles à évaluer, soit parce qu’ils avaient été envoyé sans sous-titre (nous avions souvent dans ce cas le script en main), soit par la qualité déplorable du support, qui variait d’un titre à l’autre (cela passait de la Betacam, au DVD en passant par la simple K7, dans tous les standards possibles, un véritable challenge pour le jeune homme chargé de nous envoyer ça sur l’écran de télévision). Cela venait vraiment du monde entier avec, pour certaines sociétés, un choix artistique ou thématique très marqué, notamment en ce qui concernait des pays du Moyen-Orient. C’était intéressant de voir tout cela, mais dans la majorité des cas il était évident que certains programmes ne pouvaient pas passer. Par exemple, un des programmes, dont nous tairons le nom par décence, exposait clairement des idées très violentes. Il s’agissait d’un clip d’un groupe de rap français, dont les paroles n’étaient vraiment pas dans l’esprit du festival.

Il y avait aussi la question de « qu’est-ce que l’animation ». Pouvait on considérer un clip avec des effets spéciaux très limité (un matt painting) comme de l’animation ? Il y a des limites à ne pas dépasser et quand certains programmes ne proposaient au final que des mouvements de caméra et des décors dans lesquels évoluaient des personnages notre décision était sans appel. Cela ne pouvait pas faire partie de la sélection, ne serait-ce qu’en respect de ceux qui faisaient vraiment appel à des techniques d’animation et non de montage ou d’effets.

Quoi qu’il en soit nous avons été le plus objectif et les plus justes possibles, quelque soit la provenance ou la nature même de l’animation. C’était parfois difficile mais menait souvent à des débats d’un très grand intérêt.

Personnellement quel regard portes-tu sur cette année, aussi bien au niveau de tout ce que tu as vu, mais aussi de ce que vous avez retenu ?

YWL : La production mondiale est ahurissante. On pourrait croire que l’annualisation, récente somme toute, du festival d’Annecy, aurait limité les choix ou même l’envoi d’oeuvres animées. Il n’en est rien et même si dans tout ce que nous avons vu (rappelons qu’il s’agissait d’un programme TV, clips, pubs, bande-annonce, par de courts métrages d’auteurs !) il y avait des choses innommables il y avait aussi des choses excellentes, drôles, émouvantes, intéressantes… L’animation en tant que media est quelque chose d’incroyable et avec les moyens actuels on peut absolument tout réaliser, même sans forcément savoir dessiner. On trouve donc de tout. Mais cette année je suis sûr que des courts comme ces petites histoires africaines sur l’origine des étoiles ou du croissant de lune, ou encore du croassement du crapaud, tout autant que l’épisode pilote de l’excellent Ponpon, sauront retenir l’attention du public. Mais ce sera au jury du festival de décider… Et il y aura forcément des contestations à ce niveau, comme tous les ans.

Pour finir, quelles sont, selon-toi les choses à ne pas rater cette année sur Annecy ?

YWL : Ma prestation en tant qu’animateur de remise des prix (rires). Non je plaisante. Ne venez surtout pas pour vous moquer de moi (mais venez soutenir les joyeux gagnants !). Tous les programmes seront intéressants. Annecy est un vivier ou il faut savoir puiser, ou l’on peut découvrir le meilleur comme le pire, mais en une semaine on peut se faire une idée, un peu faussée, mais réelle, de ce qu’est la production animée mondiale. Si le public, et le jury, apprécie la sélection que nous avons réalisés, Sophie, Anna-Lisa et moi même, j’en serai vraiment ravi. De mon côté je suis content du travail que nous avons fait et surtout j’assume tout à fait nos choix. Si on ajoute à cela l’expérience très positive de cette semaine passée là bas on peut vraiment dire que je suis très content d’avoir participé au Festival d’Annecy 2005 de cette manière.

J’invite du coup nos lecteurs à me confier leur avis, au détour d’une projection au festival du 6 au 12 juin. Venez nombreux !

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