Tout commence avec le strip
A l’origine de ce dessin animé, on trouve un strip (manga comique en quatre cases) publié pour la première fois en février 1999 dans le magazine Dengeki Daioh. Ce magazine de pré-publication édite des titres comme Gundam 0079, Comic Party, G-On Riders ou encore Happy Lesson. La cible est donc visiblement un public masculin amateur d’histoires raffraichissantes mettant en scène des jolies filles.
L’auteur d’Azumanga Daioh s’appelle AZUMA Kiyohiko. Le titre de sa série est donc un jeu de mot fondé sur son propre nom, le mot manga, mais aussi sur le titre du magazine. Cet auteur, peu connu chez nous, a créé le character design des anime Mahô Yûgi et Mahô Yûgi 3D pour Pioneer. Son oeuvre principale en manga semble être Azumanga Daioh. A l’origine destiné à divertir le lecteur entre deux histoires, le strip acquiert de la popularité et se trouve publié en tankôbon . Il y aura quatre tomes édités en tout, reprenant l’intégralité des strips publiés dans Dengeki Daioh. Depuis, l’auteur a lancé une nouvelle série en grande pompe, Yotsubato, dans le numéro de mars de Dengeki Daioh avec un récit de pas moins de quarante-huit pages !
Une adaptation bancale
Azumanga Daioh met en scène une classe d’un lycée quelque peu spécial. En effet, on y entre sur concours (ce qui n’a rien de surprenant), mais ensuite, les élèves sont libres de travailler plus ou moins à leur rythme selon l’université dans laquelle ils souhaitent s’inscrire, ce qui explique que leur aptitude ne soit pas toujours exemplaire. L’histoire commence en première année de lycée avec l’arrivée de la petite Chiyo, une fillette surdouée de dix ans. Cette dernière se trouve dans une classe dont le professeur d’Anglais, Tanizaki Yukari, est aussi le professeur principal. Là, elle fait connaissance avec un groupe de filles qui va très vite l’adopter et avec qui elle va passer ses années de lycée.
La série télé a été produite en 2002 par Genco (Millenium Actress) et compte 26 épisodes de 30 minutes environ. Un film de cinq minutes a aussi été produit (avec des design quelque peu différents) -projeté avant le film de Sakura Taisen– et un court-métrage de même durée a aussi été produit pour le Net. Le réalisateur, NISHIKIORI Hiroshi, s’est illustré précédemment sur la série télé d’Angelic Layer où il devait, là aussi, développer un manga très court pour une série télé longue. L’animation a été supervisée par J.C. Staff qui a travaillé sur les séries de Da ! Da ! Da ! et Bleu Indigo, inspirées des manga éponymes sorti chez Soleil et Pika. La musique a, quant à elle, été composée par KURIHARA Masami et interprétée par le KuriCorder Pop Orchestra (qui regroupe des membre du KuriCorder Quartet, groupe musicale et de musiciens spécialement engagés pour la série télé).
La principale difficulté pour le réalisateur NISHIKIORI Hiroshi, aura été de transformer une succession de strips en un épisode de 26 minutes. Ainsi, chaque épisode est découpé en différents segments thématiques qui lient plusieurs strips ensembles. On songe évidemment au film Mes Voisins les Yamada de TAKAHATA Isao qui est un long-métrage qui, lui aussi, adapte un strip célèbre publié dans un quotidien japonais. TAKAHATA a choisi, tout comme NISHIKIORI, de respecter le design original du strip. Mais la grande différence réside dans le fait qu’Azumanga Daioh est dessiné, à la base, avec un style « animé », alors que TAKAHATA a du exploiter les ressources de l’ordinateur pour restituer le visuel du strip.
On constate que les deux réalisateurs se sont heurtés à une difficulté inhérente à ce genre : celui de l’humour. Le strip fonctionne en effet sur un principe de rupture : la première case introduit, la seconde annonce, la troisième amène et la quatrième marque la chute. Chaque strip respecte toujours le fait que la quatrième case marque une rupture, et donc un effet comique semblable aux dernières cases des manga de TAKAHASHI Rumiko (Ranma ½, Maison Ikkoku). Or, dans une série télé comme dans un long métrage, le rythme est en tout point différent. Un épisode de 26 minutes est divisé habituellement en deux segments (Le premier segment est suivi de la publicité et le deuxième du générique de fin) de 13 minutes qui doivent chacun se terminer sur un cliffhanger. Or, le principe du strip s’oppose à ce découpage stéréotypé. Du coup, l’humour bête et méchant du manga se trouve dilué dans un formatage télé qui ne lui convient pas.
Les premiers épisodes de la série souffrent ainsi d’un problème de construction et d’un humour sympathique, mais mal géré. Très vite, l’optique première d’adapter le strip va évoluer vers quelque chose de plus conventionnel, mais non moins intéressant. Les producteurs vont se concentrer sur le récit de la vie de tous les jours d’une classe de fille tout en gardant une structure segmentée (1) et des gags du manga.
Des filles pas comme les autres
La série se déroule ainsi pendant les trois ans de la scolarité lycéenne. Une optique relativement surprenante (mais pas inédite comme le prouve Maison Ikkoku) lorsque l’on sait qu’un animé suit habituellement le rythme de l’année et qu’une saison de la série équivaut à une année scolaire. On pourrait d’ailleurs croire que ce rythme plus délié permettrait de faire évoluer les personnages, mais il n’en n’est finalement rien puisque ces derniers restent fidèles à eux-mêmes au cours de la série.
Dès lors, que se passe-t-il d’intéressant dans les épisodes ? Eh bien en fait… pas grand-chose ! Qu’il s’agisse d’une compétition sportive, d’un après-midi studieux chez une amie ou d’un voyage à la maison d’été de Chiyo, nul danger ou malheur ne vient troubler nos héroïnes. Toute la série repose en fait sur leurs personnalités, les interactions entre elles et leurs disputes. Pour intéresser le spectateur, il fallait donc des personnages avec une personnalité forte et/ou un caractère sexy. De même, on imagine que quelques histoires romantiques viendraient ajouter un peu de piment dans leurs histoires. Curieusement, il n’en n’est rien du tout !
Loin de surfer sur la vague des séries typées érotiques léger comme Love Hina ou Bleu Indigo, les producteurs évacuent tout garçon de l’histoire (mis à part le professeur Kimura, il n’y a PAS d’hommes dans l’histoire), tout élément érotique et même toute idée de réalisme. Le groupe est constitué de filles délirantes et enjouées qui croquent la vie à belles dents. Chiyo, la cadette est une adorable fillette intelligente mais qui garde des comportements de petite fille (peur du noir). Osaka, sa meilleure amie, nommée ainsi parce qu’elle vient de la région d’Osaka et qu’elle s’exprime différemment d’une japonaise de Tokyo, est tout le temps dans les nuages et semble être sous anesthésie ! Tomo a quant à elle une énergie terrible et se livre à des bêtises plus insupportables les unes que les autres. Sakakisan est une jeune fille solitaire et silencieuse fascinée par les chats et les animaux. Yomi est une élève très studieuse toujours inquiète de ses kilos superflus. Kagurasan est membre du club de natation et se fait un devoir d’être aussi délirante que Tomo. Quant à Kaorin, elle idolâtre Sakakisan et fuit les avances perverses du professeur Kimura, obsédé par les shorts de sport. On trouve aussi le professeur d’Anglais Yukari qui s’occupe de nos héroïnes et qui est râleuse, portée sur l’alcool et souvent de mauvaise foi. Enfin, il y a le professeur de sport Minamo, amie d’enfance de Yukari, adorée de ses élèves et d’une grande gentillesse.
La galerie des héroïnes est composite et avec la personnalité de chacune il y a matière à bon nombre de gags sur les mauvaises notes, les concours sportifs ou les moqueries échangées pendant les intercours. Parmi tous ces personnages, on peut facilement remarquer que deux personnages sont régulièrement mis en avant : Chiyo et Sakakisan. Chacun de ces personnages se base sur un gag récurrent qui en fait tout son charme. Ainsi, Chiyo est représentée avec ses couettes comme une fillette Kawaï (mignonne). Mais, ce côté Kawaï est parodié, dans l’animé, comme quelque chose de parfois exaspérant. L’exemple le plus amusant survient dans un épisode qui relate la fête culturelle du lycée. La classe de Chiyo est transformée en café et Chiyo sert les clients, engoncée dans un costume de pingouin. Et, elle est TELLEMENT mignonne que ses amies sont pris d’une peur presque panique et hurlent : « Non ! Je ne succomberais pas à ce petit visage adorable ! » avant de lui envoyer un uppercut qui la cloue au sol. Avec un second degré fort à propos, l’équipe semble envoyer un clin d’oeil à ses spectateurs en leur disant « Vous n’êtes pas dupes, nous ne sommes pas dupes, nous avons voulu faire le personnage le plus mignon possible pour vous attirer et vendre des goodies, mais c’est bon aussi d’en rire ».
Ensuite, il y a Sakakisan. Elle est sans doute le personnage le plus charismatique de l’histoire et donc mise régulièrement en scène. Au début de la série, tout le monde la prend pour une bad girl à cause de son attitude très cool (elle passe les cours à regarder par la fenêtre et ne parle presque pas. Qui plus est, elle est grande et fait très adulte). Progressivement, les autres personnages vont se rapprocher d’elle et devenir ses amies. Sakakisan est physiquement un croisement entre la kendoka Motoko de Love Hina et Madoka de Kimagure Orange Road (Max et Cie.). Très belle, elle garde une attitude distante, sauf quand il s’agit des chats. Elle est en effet obsédée par les matous et cherche toujours à caresser un chat gris, Kamineko, qui se repose sur un muret et qui, systématiquement, dévoile une dentition de fauve et lui mord la main. De plus, dès qu’une peluche de chat ou une image de chat apparaît dans son champ de vision, elle fait tout pour l’obtenir bien que cela se retourne généralement contre elle.
Rendre extraordinaire une histoire ordinaire
Notre petit groupe apprendra à se connaître grâce à Chiyo qui réunira, sans le vouloir, les autres personnages autour d’elle. Chaque épisode sera l’occasion pour ces jeunes filles de travailler ensemble, de faire du sport, d’aller se promener ou de suivre les cours (au moins 70% des histoires se déroulent dans le cadre du lycée). Nos héroïnes passeront aussi du temps avec les deux professeurs féminins que nous avons évoqué plus haut et avec lesquelles elles vivront de rocambolesques vacances ! Très vite, les relations entre les personnages vont être définies et la série suivra un rythme régulier, sans faire de vague. Ce n’est que sur sa dernière ligne droite que la série va évoluer. Les personnages deviennent plus adultes, l’arrivée des examens d’entrée les pousse à se dépasser et l’héroïne qui aura le plus de difficulté à obtenir son examen ne sera pas celle que l’on croît. Le dernier épisode, très beau, montre des jeunes filles sympathiques et sensibles partir vers de nouvelles histoires. Aucune d’entre elles ne paraît inquiète des lendemains car elles savent qu’elles peuvent compter les unes sur les autres.
Toute la force de cette série aura ainsi été de rendre extraordinaire une histoire à priori totalement ordinaire. En privilégiant les relations entre les personnages et en cherchant à retranscrire la vie d’une classe japonaise, la série a touché un public de lycéen/lycéenne qui aime se voir mis en scène et retrouver ce qui fait leur quotidien. Toutefois, il s’agit d’un quotidien détourné, de la même manière que High School Kimengumi (Un collège Fou Fou Fou) le représentait. Bien qu’Azumanga Daioh ne soit pas aussi non-sensique que son illustre prédécesseur, il n’en reste pas moins un formidable exutoire à la frustration des lycéennes et célèbre un lycée où les barrières professeurs/élèves seraient tombés et où l’amitié serait le moteur de la vie.
Des chiffres! On veut des chiffres
Azumanga Daioh a été classé second meilleur dessin animé 2003 au 25è Anime Grand Prix japonais 2003. Le personnage de Chiyo a été classé 11è et celui d’Osaka, 7è.
Pour plus d’information sur l’Anime Grand Prix, n’hésitez pas à vous reportez à l’AnimeLand 93 qui publie les résultats complets avec une analyse.
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