Dans l’AnimeLand 80, KISHIRO expliquait les problèmes qu’il avait rencontrés pour créer la suite de son oeuvre-phare. Déçu par le jeu vidéo qui devait servir de conclusion à Gunnm, il a donc repris ses crayons pour fournir une fin fidèle à sa vision.
Sur Zalem, deux scientifiques redonnent vie à un cerveau endommagé, lui procurant un corps mécanique d’un niveau technique encore jamais atteint. Jim Roscoe réalise alors le génie de son maître, le professeur Desty Nova, revenu une fois de plus de la mort. Pendant ce temps, Gally (car c’est bien elle) retrouve des fragments de mémoire enfouis au plus profond d’elle-même, réveillés par sa résurrection. Une fois qu’elle a repris conscience, la guerrière martienne réalise que pendant l’année où elle a été absente, bien des choses ont changé. Et, découvrant son nouveau corps, elle n’aura de cesse de retrouver son passé : son enfance, à travers les souvenirs fragmentaires qui reviennent à sa conscience ; mais aussi des traces de sa vie passée, à travers Lou Collins, son amie de Zalem, qu’elle recherche assidûment.
Mais tout a changé dans la ville céleste. La révélation faite par Desty Nova concernant les citoyens de Zalem, qui se font décérébrer puis implanter une puce crânienne lors de leurs 19 ans, a provoqué une véritable révolte. Désormais, une guerre sanglante oppose les enfants et les adultes, ces derniers étant quasi éradiqués de la surface de la ville.
Si le scénario semble prendre une toute nouvelle tournure dans cette nouvelle série, on y retrouve toujours les thèmes chers à KISHIRO. Dès le début, on a l’impression de lire les premières pages de Gunnm. Certes, ce n’est pas Ido mais Nova qui ressuscite Gally. Certes, les souvenirs qu’elle retrouve sont plus anciens, et promettent de plus amples révélations. Néanmoins, on est en territoire connu, et KISHIRO pose plus aisément les bases de sa nouvelle saga. Il en va de même avec la guerre qui règne, encore et toujours. Ce n’est plus un affrontement décharge / Zalem, mais une guerre civile dans laquelle notre cyborg préférée se retrouve. Et là encore, KISHIRO décrit sans prendre de gants la violence des affrontements. Ainsi, dans l’antépénultième planche du manga, on voit un membre de Zalem mourir de manière plus qu’atroce, broyé dans la main d’un robot géant, à grands renforts de tripe et d’hémoglobine.
Un robot géant, vous avez bien lu. Si dans Gunnm, seul Den/Kaos était une créature cybernétique démesurée, dans Last Order, KISHIRO laisse libre cours à sa fantaisie, proposant de nombreux mecha, comme cette énorme araignée destructrice, premier ennemi que va devoir affronter Gally, découvrant ainsi les pouvoirs de son nouveau corps. Par la suite, elle rencontrera certains Tuned, vestiges de la gloire de Zalem non disparus, et incarnations d’un passé que Gally veut oublier.
C’est là tout l’intérêt de Last Order. Reprenant les thèmes de la série d’origine, KISHIRO les pousse à l’extrême, atteignant d’emblée un climax émotionnel. Plus violent, le manga n’en est pas moins plus intimiste : les interrogations de Gally n’ont jamais été plus poussées, et celle-ci a rarement été dessinée de manière aussi poétique.
Le dessin a d’ailleurs lui aussi évolué, en sept ans. Si on retrouve toute la finesse du trait de KISHIRO, celui-ci utilise désormais avec efficacité l’outil informatique, tant pour certains effets lors des combats, que pour les textures (la carapace de l’araignée, la couverture de Gally). Néanmoins, rien n’a changé, et les scènes de combat sont toujours aussi découpées, et les massacres toujours aussi sanglants.
Quant à la version française… Glénat reste fidèle à sa politique. Un sens de lecture occidental, des onomatopées toujours aussi grosses (heureusement, elles sont très rares dans ce premier tome), et des fautes d’orthographe scandaleuses (« on dirait qu’elle t’obéis » !). Cependant, de même que pour Man machine interface, l’éditeur a pris soin de traduire les nombreuses notes de bas de page, qui prouvent que si KISHIRO écrit une oeuvre de pure fiction, ses inventions sont basées sur des réalités techniques et scientifiques d’actualité.
Avec ce manga, KISHIRO laisse donc libre cours à ses envies, et, tout en reprenant l’histoire dans sa continuité, peut enfin la conter de la manière qu’il désire, touchant d’autant plus le lecteur grâce à son honnêteté, comme il le fit autrefois avec Ashman. On attend donc avec impatience les prochains tomes, afin de voir comment tout cela va évoluer, dans cette atmosphère à la fois zen et furieuse, mêlant intiment l’arme et le rêve (Gun n’ dreaM).
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