Pour qui n’a pas vu les versions live, Histoire de fantômes chinois met en scène les aventures d’une Chine de magie et de légende : l’histoire qui nous intéresse est tirée d’un recueil écrit sous la Dynastie Qing. Mais en l’occurrence, est-ce vraiment le scénario qui nous intéresse ? Les bases de l’histoire sont posées un peu rapidement, quitte à nous égarer : Ning, jeune collecteur d’impôts, parcourt la Chine en compagnie de son chien Lingot d’or. Perdu de nuit dans un temple abandonné, il subit l’attaque de spectres, avant de plonger finalement dans une cité peuplée de fantômes. De là démarrent toutes sortes d’aventures, de combats, de rencontres incongrues, avec en toile de fond une histoire d’amour impossible avec la jolie Qian, femme fantôme.
Une fois passé l’agacement de ne pas avoir de véritable scénario à se mettre sous la dent, on comprend vite que l’histoire au sens strict n’a que peu d’importance : elle est plutôt prétexte à un déferlement d’images, tantôt choisies et délicates, tantôt fortes à tendance grand spectacle. oe partir du moment où l’on est en ville fantôme, c’est l’humain qui est l’étranger, et tout devient possible. On se laisse alors porter par l’ambiance doucereuse et onirique qui berce tout le dessin animé, et donne naissance à des scènes réellement fascinantes : des idées poétiques (train aérien qui parcourt le ciel à la manière du chat bus de Mon voisin Totoro ; marteaux à l’orée de la Porte de la Réincarnation qui s’attaquent à la mémoire des fantômespour effacer tout souvenir des vies passées), de jolies images (Ning qui parle à Qian cachée sous l’eau), et des scènes absolument irrésistibles, comme l’apparition du fiancé de Qian, un démon géant caractériel, coquet et égocentrique.
Cependant, la grosse fausse note du produit fini reste l’emploi d’images de synthèse, pour les fonds d’écran et les personnages 3D. A une période où son utilisation était encore peu courante(Toy Story n’était pas encore passé par là), la question de son intégration à de l’animation classique était controversée, au point qu’une équipe de production taïwanaise se retira du projet. Dans Histoire de Fantômes Chinois, le décalage est flagrant : les personnages en 2D ne se fondent pas dans les décors, ils ressortent définitivement en sur-impression. Le plus dommage, c’est que ces maladresses sont plus choquantes durant les scènes les plus surprenantes : un époustouflant démon arbre qui ne cesse de croître, un train aérien qui parcourt le ciel, l’attaque d’un étrange robot taoïste, tout ceci laisserait le souffle coupé si la technique avait suivi.
L’animation était pour Tsui HARK le meilleur moyen de laisser libre cours à sa fantaisie et à ses délires. Souhaitant remettre l’animation au goût du jour à Hong Kong, il s’est fait un plaisir de gamin en s’attaquant à la réalisation du film : “Je n’arrivais pas à croire que c’était moi qui réalisait un film d’animation”, confie-t-il dans l’interview qui se trouve sur le DVD. Le genre étant mineur, voire inexistant, à Hong Kong, c’est un studio japonais qui s’est chargé de la partie animation, en collaboration avec des Coréens et des Indiens. Le maître n’a pas failli à sa réputation de despote maniaque, attentif au moindre détail, au point de devenir lui-même doubleur du chien Lingot d’or, puisqu’il ne trouvait aucune voix à son goût !
Concernant le DVD, le produit est tout à fait acceptable. Le film est disponible en VO sous-titré français, qui sera toujours préférable – malgré quelques maladresses au niveau des sous titre, comme pour certains caractères spéciaux – à la version française assez détestable. Le menu interactif, assez classique, permet d’avoir accès à un chapitrage du dessin animé. Les suppléments sont relativement peu nombreux : quelques clichés du film regroupés dans un diaporama, une biographie succinte du réalisateur et sa filmographie. Le principal intérêt du produit réside dans une interview de Tsui HARK : l’entretien de 29mns est découpé en séquences thématiques, ce qui permet d’accéder directement aux sujets choisis. Si la clause d’exclusivité de l’interview est plutôt alléchante, le résultat est un peu frustrant, car les sujets les plus intéressants (la situation de l’animation à Hong Kong, les collaborations au niveau technique) sont traités de manière très sommaire. On peut retrouver les mêmes thèmes, abordés de manière plus détaillée, dans l’Animerica de novembre 99.
Si aujourd’hui on peut juger le film assez sévèrement au regard de ce qui s’est fait depuis, rappelons tout de même qu’à son époque, il obtenait le prix du meilleur film d’animation aux Golden Horse Awards (l’équivalent des Oscars à Taïwan), et faisait partie de la sélection officielle du Festival International du Film de Toronto en 97 et de celui de Rotterdam en 98. Il faut également garder à l’esprit que ce film était destiné au public de Hong Kong, habitué à une mise en scène excessive qui ne lésine pas sur les effets. Il était donc logique que Tsui HARK use de tous les moyens à sa disposition pour reproduire les mêmes effets dans le monde de l’animation. A noter que l’animation permettra peut-être aux occidentaux de se familiariser d’une manière plus évidente avec Histoire de Fantômes Chinois – véritable condensé du patrimoine chinois – que les films live, qui peuvent se révéler assez déroutants.
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