Particularité de cette année, une importante délégation japonaise était attendue pour former un pont entre l’Asie et l’Europe (conférence fort justement intitulée « Building relations with asian partners »). Cette présence s’est matérialisée par deux séances, deux rencontres le mercredi 4 février.
Journée nipponne
En fin de matinée, c’est un défilé de représentants japonais qui se présenta, en langue anglaise ou japonaise, dans cet atelier initié par monsieur KAWAUCHI Takayuki, président de http://www.emex-club.com/mfa” class=”lienvert” target= “_blank”>Media Forum, une association qui a pour but de trouver des partenaires commerciaux au Japon et qui défend les intérêts de l’industrie de l’animation japonaise (Studio Ghibli étant un bon exemple de ce qu’il y a de mieux à défendre, semble-t-il) et du jeu vidéo (avec un gros souci sur les produits pirates venus de Chine).
Ainsi, M. SAKAI Tsuneo présenta-t-il le développement du cinéma numérique au Japon, mais surtout en Asie, en insistant sur les possibilités offertes par la Chine, les moyens mis en place pour sécuriser les contenus numériques envoyés par satellites vers les cinémas équipés du matériel adéquat (qui reste encore trop onéreux). C’est sur ce sujet que M. SAKAI Hiroyuki (aucun lien de parenté) prit la parole pour présenter les nouvelles caméras numériques développées par Panasonic pour le marché professionnel du film et de la vidéo. Des techniques et du matériel qui tendront à se démocratiser et devraient faire baisser singulièrement les coûts – pour l’instant très importants – des productions en numérique. Pour finir, une société dirigée par des Japonais basés en France, http://www.lepivot.com” class=”lienvert” target= “_blank”>Le Pivot, présenta son travail dans les domaines variés que sont les publicités, les jingles TV, les clips commandés par des pays du monde entier. Peu de personnes semblent avoir assisté à cette présentation, qui était pourtant une main tendue, libre d’être saisie par des partenaires potentiels. Mais c’est visiblement le manque d’informations sérieuses sur le marché que représente l’animation japonaise en Europe qui empêche pour le moment d’agir et de se concerter sur les efforts à venir avec les européens.
Amano
C’est en milieu d’après-midi qu’une rencontre fut proposée avec AMANO Yoshitaka, artiste célèbre dans le monde entier pour son travail sur les illustrations des jeux Final Fantasy, mais que nous connaissons surtout pour ses débuts, très jeunes (il avait 15 ans) au studio Tatsunoko sur des séries comme Gatchaman, et plus récemment ces illustrations pour le roman et les adaptations animées de Vampire Hunter D. C’est vers ses 30 ans que AMANO décide de quitter le monde de l’animation et la société Tatsunoko pour se lancer en free lance dans le monde artistique, désirant par ce biais faire découvrir au public son travail directement, sans passer par des intermédiaires. Désormais, outre ses illustrations sur différents sujets, ses expositions dans le monde entier (il a un studio à Paris, mais aussi à New York, où il se rend régulièrement pour y chercher l’inspiration), et ses travaux de commande, il a également imaginé des costumes pour un opéra. Dernièrement, après avoir travaillé avec ses amis américains sur un court métrage animé sur les 1001 nuits, et illustré une histoire de Greg RUCKA mettant en scène les personnages Elektra et Wolverine (lire notre article), sa dernière oeuvre consiste dans la création d’êtres imaginaires, inspirés des formes des légumes de sa cuisine, ce qui donna naissance à N.Y. Fairy Salad (La fée des salades). Ces étranges personnages très « kawaï » ont d’ailleurs pris vie dans un film pilote animé par Digital Media Lab.
Relayées en anglais par Bruno BEUSCH, heureux d’accueillir une telle icône de l’animation et du jeu vidéo, les demandes d’explications ou de développement sur certains sujets n’en ont pas moins été éludées par une traductrice bien en mal de donner les bons titres de dessins animés (il y eut clairement confusion entre Hatchi, l’abeille de Tatsunoko, et Maya l’abeille de Tôei, ainsi que sur le titre américain de Gatchaman, Battle of the planets et non G-force en 1978 : lire à ce sujet notre revue de presse). Il en résulta néanmoins une rencontre riche en émotions pour les nombreux étudiants impatients de demander une dédicace, demande qui trouva concrétisation au stand Master Jeu vidéo, ou était proposée la vente d’art books dépassant, et de loin, le budget des jeunes gens.
La surprise Ryan
C’est lors de la présentation, le jeudi matin, de l’excellent travail sur Finding Nemo, suivie plus tard par celle de Weta Digital sur Le Seigneur des anneaux, que Chris LANDRETH, réalisateur canadien indépendant, présenta l’état de son travail sur un projet qu’il avait déjà évoqué l’année précédente à Imagina. Tout d’abord ingénieur (recherches sur la mécanique des fluides), LANDRETH s’est lancé dans une seconde carrière, celle de l’animation, ce qui le mena à réaliser plusieurs courts métrages, dont The End (1995) et Bingo (1998).
Actuellement, LANDRETH est sur le point de terminer un court de 12 minutes, une sorte de documentaire en 3D sur la vie d’un animateur canadien excentrique, tombé dans la misère et l’oubli : Ryan LARKIN. Autrefois promis à une carrière et une reconnaissance que n’avait jamais rencontré jusqu’alors aucun animateur, Ryan était ce qu’on pouvait trouver de mieux à l’ONF en 1970. Mais 35 ans plus tard, Ryan fait la manche sur le boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Alcoolique, ancien drogué, Ryan pourrait faire partie de ces nombreux laissés-pour-compte, mais LANDRETH, en le rencontrant, décide qu’il se doit de parler de lui, et autrement que par un simple documentaire filmé.
Il développe alors l’idée de psychoréalisme – en opposition au photoréalisme qu’il a lui même développé durant des années – s’inspirant de certains artistes peintres qui figuraient une ambiance et des sentiments, donnant à l’image un côté surréaliste, déformé… Son documentaire animé est donc réalisé à partir des dialogues enregistrés qu’il a eu avec Ryan – ou avec ses proches, qu’il a rencontrés lors d’interminables voyage à travers le Canada. Ses personnages sont donc des représentations psychoréalistes de gens existants, avec en fond sonore une « ambiance libre », qui rend d’autant plus vivante et captivante l’expérience. Cela donne des caricatures, parfois à peine ébauchées quand un personnage apparaît, livre son témoignage sur la vie de Ryan, tandis que Chris et l’ancien animateur apparaissent sous des formes incomplètes : une bonne partie du visage de Ryan a disparu, symbolisant les nombreuses pertes et étapes de la déchéance qui ont jalonné sa vie, tandis que LANDRETH se retrouve avec des cheveux aux couleurs changeantes et aux mouvements aléatoires…
Ici, rien n’est beau. Mais ces personnages disgracieux prennent vie et s’inspirent non seulement des dialogues enregistrés, mais aussi des mouvements des protagonistes… Chris LANDRETH appuie d’ailleurs – par plusieurs exemples tirés de films et de son propre documentaire – le contraste et l’ambiguïté entre la réaction du corps et l’expression des visages, élément qu’il a volontairement repris pour son animation, plutôt que de surjouer les personnages comme c’est trop souvent le cas dans les productions « classiques ».
Produit avec les moyens du bord, aidé par l’ONF, le Canada council of the art et Copperheart pictures, avec du matériel du Seneca College à Toronto, cet événement unique est réuni autour d’un seul nom : Sparechange Films Ltd (Sparechange étant le terme utilisé pour le mot monnaie, terme fréquemment utilisé lorsque Ryan fait la manche pour obtenir les quelques sous qui lui permettront de s’acheter une bière fraîche).
À suivre avec attention : Chris LANDRETH, réalisateur de Ryan, une personne qui va à tout jamais changer l’image de la 3D !
Remerciements à Françoise Guirand.
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