AnimeLand : Votre première rencontre avec King Kong a été déterminante. Qu’est-ce qui vous a impressionné au point de choisir le métier que vous exercez ?
Ray Harryhausen : Vous ne pouvez savoir à quel point ce film m’a influencé. J’étais assis et je me suis dit « Eureka, c’est exactement ce que je veux faire ». Je savais que ce ne pouvait être des hommes dans des costumes de gorille et encore moins de dinosaure. Peu de personnes connaissaient en 1933 la technique de stop motion employée. J’ai fini par découvrir ce qu’il en était après 6 ou 7 ans et j’ai voulu expérimenter cela dans mon garage. Après des années de tâtonnement, j’ai fini par transformer une passion en un métier.
AL : Vous avez appris par vous-même, tout seul ?
R.H. : Tout à fait. Et cela est valable pour mes films, j’ai réalisé seul, pour la plupart, l’animation, les prises de vue… Et pas seulement ça, j’ai eu souvent plusieurs casquettes. J’ai découvert tardivement que la modestie est un vilain mot à Hollywood, et bien que je travaillais avec le réalisateur et le scénariste, bien des projets ont débuté avec mes dessins, comme sur le 7e voyage de Sinbad. Le scénariste incluait les scènes que je décrivais dans son texte et celle-ci devenaient alors ses idées. Mais à l’époque je m’en moquais et je pensais qu’il était plus important de faire en sorte que le film sorte sur les écrans plutôt que d’insister pour être crédité pour les idées en question.
AL : Pouvez vous nous parler de votre rencontre avec votre mentor, Willis O’Brien et ce qu’il a pu vous apprendre ?
R.H. : Ce n’est pas tant ce que j’ai pu apprendre auprès de lui que le fait d’observer son travail. Il n’y avait aucun livre sur ces sujets. J’ai du faire des test sur une caméra 16 mm pour découvrir par moi même ces techniques. Je filmais des dinosaures dans mon garage, j’avais même un projet de film que j’aurais appelé Evolution. Puis j’ai découvert Fantasia de Disney, et il n’était alors plus question de continuer (rires).
AL : Mais comment avez-vous pu approcher ces personnes du monde du cinéma ?
R.H. : Quand j’étais au collège, j’ai aperçu une jeune fille qui tenait en main le script de King Kong arborant ce grand singe et Faye Wray. Elle m’avoua que son père avait travaillé avec Willis O’Brien, qu’il travaillait à la MGM. Trépidant, je l’appelais et il m’invita très gentiment à découvrir sa préparation pour un film en studio. Nous sommes resté en contact et je n’ai véritablement travaillé dans ce domaine que bien des années plus tard. Mon premier vrai travail a été sur les Puppetoons de George Pal. Mais c’était une technique différente. Il s’agissait de remplacer, image par image, des pièces ou une figurines toute entière, sculptée en bois sur des modèles de dessins, avec une animation identique à celle qu’on obtient pour les cartoons. Et vous aviez 25 personnages aux attitudes différentes rien que pour une étape et vous répétiez ces mouvements sans cesse. Avec des poupées si stylisées, vous ne pouvez obtenir un certain réalisme, J’étais plus attiré par les techniques de Willis OBRIEN ou vous avez une figurine articulée par des jointures qui rend l’animation plus créative.
Après la guerre ou j’ai eu la possibilité d’utiliser une caméra, j’ai rejoint Willis OBRIEN et travaillais avec lui presque un an avant le tournage de Mighty Joe Young.
AL : Qui décidait au final des séquences qui devaient être animées ?
R.H. : C’est à partir du script que tout était décidé. Pour éviter une perte de temps, il était important que je participe au travail d’écriture. Je ne dessinais que ce que je pouvais produire bien évidemment. Et je n’ai jamais, pour cause, pu refuser d’animer une séquence puisque tout était calibré pour correspondre au budget et à nos capacités. J’étais limité par le budget, jamais par les techniques.Le 7e voyage de Sinbad, qui date de 1958, que vous verrez pendant le festival, n’a coûté que 65.00 $. Vous pouvez à peine vous payer un costume dans un film à ce prix de nos jours (rires). J’ai toujours dû faire des compromis tout en donnant le meilleur de moi même à l’écran. C’était mon travail de tous les jours et celui de Charles H. Schneer en tant que producteur était de veiller à ce que je respecte le budget.
AL : Et quelles ont été vos inspirations, vos influences ?
R.H. : Je devais faire beaucoup de recherches. Par exemple tous les concepts classiques sur Médusa, la gorgonne, inclut toujours des serpents en guise de cheveux au personnage. Mais je ne voulais avoir à animer des vêtements sur une femme, d’ou mon choix d’un aspect reptilien. Ensuite j’ai dessiné son visage, très laid, de manière à ce que l’on puisse croire que d’un regard elle puisse transformer les gens en pierre. Ce sont des libertés que vous devez prendre et dont vous devez tirer partie dans un film fantastique qui doit clouer le spectateur sur son siège pendant une heure et demie.
Au départ, dans Jason et les argonautes, les squelettes qui sortent de terre devaient être des corps en décomposition. La censure était très forte à l’époque et comme nous voulions un film pour toute la famille, nous avons décider de faire cette scène en plein jour et avec des squelettes bien propres, pour éviter de trop choquer.
Parmi les artistes qui m’ont le plus influencé, il y a Gustave Dore. Il a même influencé Willis O’Brien pour King kong. Charles Knight est important aussi pour moi, il a été le premier à décrire et dessiner les dinosaures, en travaillant avec les paléontologues pour le muséum d’histoire naturelle de New York. Désormais on décrit certains dinosaures avec la queue en l’air plutot que par terre. Cela fait bizarre, je trouve que cela leur donne l’air constipé (rires).
AL : Quelle est votre créature préférée ?
R.H. : J’aime les plus compliquée, comme Medusa, mais j’ai aussi beaucoup aimé travailler sur la séquence des squelettes dans Jason, parce qu’il y avait 7 d’entre eux à animer en même temps, en prenant en compte les mouvements des comédiens, faire en sorte que tout collait. Il n’a fallu que 2 semaines pour filmer les acteurs mais il m’aura fallu presque 4 mois pour l’animation corresponde avec le combat et les mouvements d’épée.
AL : Que pensez-vous de l’annonce d’une nouvelle version de King Kong par Peter Jackson ?
R.H. : Je n’en pense que du bien parce qu’il aime le film d’origine autant que moi et qu’il a du goût. Il en fera certainement une interprétation différente, et certainement très bonne. Je le connais et j’apprécie ce qu’il fait. Il a certainement contribué à faire reconnaître la Nouvelle-Zélande sur la carte du monde. Mais pour moi il n’y aura qu’un seul King Kong. J’ai d’ailleurs eu une merveilleuse expérience il y a un mois, quand j’étais à New York, de pouvoir monter au sommet de l’Empire State Building avec Faye Wray, l’actrice du film qui a maintenant 96 ans.
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