Après la longue journée d’hier et la soirée non moins longue, certains ont bien du mal à se réveiller. Pourtant il faut quitter l’hôtel avant midi. Un car nous attend pour un long trajet vers Nagoya. Aussi voit-on émerger d’étranges paquets de l’ascenseur : une croix géante, des armes bizarres par la taille et la forme, divers accessoires emballés dans des cartons ou du plastique. Malgré l’affairement des cosplayeurs soucieux de faire acheminer leurs affaires à bon port, les clients japonais de l’hôtel font comme s’il n’y avait rien d’inhabituel.
L’équipe française se fait une fois de plus remarquer en réclamant à corps et à cris d’aller faire du shopping alors que d’autres vont visiter la Tour de Tôkyô. Certes, le tourisme intéresse les Français, et loin de nous l’idée de réduire la Tour de Tôkyô à une copie de la Tour Eiffel… non, le problème est que nous n’avons toujours pas de nouvelles de nos bagages.
Du coup, les cosplayeuses se font un devoir d’être à la dernière mode japonaise. Elles arrivent même à négocier une heure de shopping au lieu des trente minutes prévues. Lena dévalise une boutique et seuls les habits restant sur les mannequins et les vendeuses échappent à sa vorace envie. Grâce à ces divers achats, l’équipe française peut se targuer d’être à la pointe de la mode et se faire photographier en tant qu’icônes « fashion » à défaut d’être admirée pour ses costumes (toujours en transit dans les soutes d’un avion de la Lufthansa).
De retour à l’hôtel, tous les bagages ont été rangés dans le car et nous n’attendons plus que les Brésiliens encore plus en retard que les Françaises. Notre guide nous annonce alors six longues heures de trajet avec seulement trois arrêts. Et chacun se dit alors « Ah, c’est pour ça qu’il n’y que ce trajet au programme de la journée ! ». Pour passer le temps, à chacun sa technique. Les Brésiliens feuillettent avidement les romans de Final Fantasy, les Chinois dorment, les Allemandes s’occupent de leur journal intime ou dessinent les autres passagers du car. L’une des Françaises lit tandis que l’autre essaie d’apprendre des mots dans chaque langue.
Tout le monde prend des photos de tout le monde dans une ambiance bon enfant. On s’échange les adresses de blogs, de sites et bien des blagues, plus ou moins compréhensibles dans une bouillie d’anglais bien sympathique.
Lors de la première pause, les Françaises choisissent d’acheter des goodies Hello Kitty au lieu de manger. Lors de la seconde, le conducteur nous invite à imaginer le Mont Fuji derrière l’épaisse brume qui recouvre le paysage. Nous passons en bord de mer et dans plusieurs vallées très vertes qui contrastent avec l’urbanisme anarchique de Tôkyô.
Le trajet est égayé par des projections de vidéos : on y voit différents concours de cosplay, dont le championnat chinois qui impressionne tout le monde par la qualité des prestations sur scène. Le gouvernement a financé en partie cet événement qui a été retransmis sur une grande chaîne de télévision. Le show dure assez longtemps et les costumes sont superbes. On nous montre aussi le World Cosplay Summit 2005. Vu le niveau de la compétition, les Françaises se disent qu’il va falloir répéter et rafistoler les costumes rapidement.
À proximité de Nagoya, nous faisons connaissance avec un phénomène que les Franciliens connaissent bien : les embouteillages. C’était bien la peine d’aller si loin pour se retrouver à nouveau dans les bouchons ! Nous arrivons fourbus à l’hôtel. À peine le temps de déposer les valises dans le hall (pour ceux qui en ont), que nous sommes attendus pour une conférence à TV Aichi. Toutes les équipes, à l’exception des Japonais sont au rendez-vous. Les présentations se font dans une ambiance décontractée. Le représentant allemand arbore un bandeau où l’on peut lire « Moe » (terme devenu à la mode pour parler par exemple de la relation sentimentale particulière des otakus avec les femmes). Les Japonais s’amusent à montrer leur anglais approximatif en riant de bon coeur. J’explique que je ne suis pas un homme contrairement à ce que dit la fiche récapitulative. Après la réunion, tout ce petit monde se dirige vers le restaurant où un phénomène étrange se produit.
Vu le grand nombre de personnes présentes, il y a trois tablées. Celle du milieu réunit une partie des Japonais, les Singapouriens et les Italiens. Le mélange doit être particulièrement explosif car ils se sont très vite mis à se lancer des défis idiots. Le cosplayeur italien a avalé une soucoupe remplie de divers types de piments sous les applaudissements du reste de la salle. Puis tout s’est emballé. Ce fut l’escalade vers les Darwin Awards (qui récompensent les morts les plus stupides de l’univers).
Après le cocktail de piments, il y eu une pinte de bière descendue cul sec suivie d’un plongeon et d’un crawl à travers la salle, l’engloutissement d’une bougie d’anniversaire, et d’autres choses plus ou moins dangereuses pour l’estomac. Ma seule angoisse était qu’on demande à la délégation française de relever le défi. En effet, mis à part les Brésiliens qui se sont fait discrets, toutes les équipes sont entrées dans cette compétition un peu folle. Pourtant on n’avait bu que deux bières. Je n’ose imaginer ce qui se passera lors de la soirée finale où il n’y a pas d’impératif d’horaire pour le lendemain.
De retour à l’hôtel, nous avons la bonne surprise de retrouver nos très chères valises ! La joie est de courte durée. Certains costumes ont été abîmés lors du transport et les filles ne se souviennent pas bien de la chorégraphie. Du coup, je leur prête l’ordinateur pour qu’elles puissent répéter dans ma chambre en regardant une vidéo en ligne.
Après cela, rangement, douche, rapport du jour et dodo à 4h du matin, heure locale. Qui a dit que c’était un voyage tranquille ?
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