Jour 5 : Big big smile !

0

Je n’étais pas la seule à me coucher à 4 heures du matin hier soir. Après la soirée au restaurant, certains sont allés faire un karaoké ou la tournée des bars, d’autres répétaient leur chorégraphie tandis que des malchanceux ne trouvaient pas le sommeil à cause de la climatisation ou du décalage horaire. Ce matin, c’est dur pour tout le monde. Non seulement le petit déjeuner « continental » est bizarre à avaler, mais en plus il faut réparer les costumes au dernier moment.

Lena a fait une nuit blanche : elle est malade à cause des brusques changements de température. Il fait trop froid dans les bâtiments et trop chaud à l’extérieur. Mais visiblement, nous ne sommes pas les seuls à avoir quelques problèmes d’organisation. Les Thaïlandaises ont été prévenues trop tard que leur prestation sur scène ne devait pas dépasser trois minutes. Elles doivent revoir entièrement leur mise en scène avant la finale dans deux jours. De plus, elles improvisent une queue de lapin avec une chaussette blanche en attendant l’arrivée du car. Les Espagnols ont failli ne pas partir en raison d’une grève à l’aéroport : leurs bagages ont manqué de rester en Catalogne. L’une des Singapouriennes est aphone à force de crier de joie et de chanter. Les Allemandes doivent recoudre certains éléments et les Italiens discutent de colle forte pour bricoler leurs habits.

Cette cinquième journée est consacrée aux sponsors. Le matin, les cosplayeurs vont visiter les bâtiments de Brother. La firme a commencé en fabriquant des machines à coudre avant de se lancer dans les machines à écrire et le matériel informatique. Nous regardons plus ou moins attentivement le film de promotion. Dans le noir et la tiédeur de la salle, certains piquent du nez.

Malgré nos a priori, la visite est instructive. Après tout, les cosplayeurs ont besoin de machines à coudre performantes pour fabriquer leurs costumes. D’ailleurs ils sont tous visiblement excités par un engin qui fait plein de trucs géniaux comme de la broderie d’après modèle informatisé. Le point culminant a été la démonstration d’une imprimante portable qui crée des étiquettes personnalisées avec des images de Winnie l’ourson, Snoopy et surtout Hello Kitty ! Les Françaises se sont immédiatement renseignées sur les points de vente de la merveille.

Au déjeuner, il y avait un buffet offert par Brother. Cela se voulait très chic et nous avons eu droit à des choses curieuses comme des maki au Brie. Le fromage n’avait pas trop de goût, mais le mélange était tout de même perturbant. Après le pain à la mie verte que nous avons eu dans le car, on peut dire que les goûts culinaires nippons sont aussi impénétrables que les voies de Dieu.

De retour à l’hôtel, chaque équipe bénéficie d’une heure de préparation pour les nouveaux costumes de la journée. Le résultat est surprenant, hétéroclite et chamarré. Les Françaises peuvent heureusement troquer leurs habits de lesbiennes tenniswomen masculines (pardon, « Prince of Tennis ») contre d’autres plus sexy. Les Thaïlandaises incarnent des guerrières à l’air terrifiant à qui l’on hésite à demander un massage. Les Singapouriennes sont encore plus kawaiiiiiiiii qu’au naturel. Les Brésiliens ont une fois de plus des costumes très baroques (qui reprennent ceux de Final Fantasy), alors que les Espagnols font dans la sobriété grâce à leurs costumes noirs correspondant à ceux des héros de X (Clamp). On se moque légèrement du cosplayeur italien (« Mr. Iron man » qui a commencé la série de challenges idiots de la veille) : on le compare soit à un chien soit à une femme en raison de sa longue perruque noire.

La consigne est claire : il faut sourire et faire plein de pose pour les photographes. Le traducteur anglais nous le répète tout au long du trajet : « Big big smile ! ». Le car nous amène aux locaux d’un premier journal où nous attendent deux journalistes pour une conférence de presse. Elle est suivie d’une séance de photos sur la terrasse-jardin de l’immeuble. Après cette série de sourires, nous nous dirigeons vers les bâtiments d’un autre journal. Là encore, il faut sortir son « Big smile » voire même son « Crazy smile » pour le photographe du quotidien. Autour de nous les badauds sont nombreux et il faut aussi compter sur leurs allées et venues pour ne pas rater le cliché.

La suite de la conférence de presse s’éternise un peu et les cosplayeurs en sueur attendent de pouvoir repartir. Nous avons pris un peu de retard depuis le début des interviews et séances de photo. Le car arrive à TV Aichi où se déroule une mise au point pour le déroulement de la journée de demain et pour le show de dimanche. On nous donne un plan de la scène avec l’emplacement du jury pour que nous puissions imaginer une chorégraphie qui occupe le plus d’espace possible. Puis chaque équipe a un entretien avec les équipes de TV Aichi pour essayer de coordonner les lumières et les caméras par rapport à la mise en scène des cosplayeurs.

Pendant qu’un groupe discute avec les responsables, les autres passent le temps en bavardant et en regardant la télévision. Anne-Cécile prête sa perruque rose au manager allemand, tandis que j’essaie de planter les épées des Thaïlandaises dans la perruque de Lena. Tout le monde photographie tout le monde et l’on s’échange les adresses de courriel et de sites. Il se fait tard et le buffet du matin est bien loin. Tout le monde a faim et c’est avec soulagement que nous accueillons les hamburgers que nous livre TV Aichi. Nous n’avons jamais autant apprécié MacDo.

Le retard s’est accumulé et le car nous amène cette fois-ci dans les locaux principaux de la télévision où une soirée spéciale est organisée pour les employés. Les équipes entrent successivement avec le « Big smile » et tiennent la pose durant quelques instants, le temps pour les employés de TV Aichi de prendre des photos. Après la désormais traditionnelle photo de groupe, nous pouvons entamer le buffet froid.

Comme la télévision est le principal sponsor, les cosplayeurs sont censés tout faire pour plaire à ses membres. Mais c’est une mission un peu difficile pour certains. Les cosplayeurs qui ne sont pas accompagnés de traducteurs se sentent un peu isolés, car bien des Japonais ne comprennent pas l’anglais. Et comme les managers monopolisent rapidement les traducteurs pour le bien de leur relation publique, les cosplayeurs se retrouvent plus ou moins en groupe et commencent à faire n’importe quoi. Ils parlent de leurs musiques préférées et improvisent des poses rigolotes pour les photos.

La situation dégénère lorsque Léna avale un morceau de fromage en pensant prendre un simple bonbon ! Celui-ci ressemblait à s’y méprendre à une sucrerie. Il était emballé comme tel et disposé à côté de vrais bonbons. Malheureusement, il m’est impossible de vous montrer la photo de sa grimace, car j’avais préalablement planté des baguettes dans sa perruque afro et que je tiens à la vie.

On se met à improviser des Hola sur fond de générique de Chobit, ou des permutations d’accessoires entre costumes. Les Singapouriennes et les Thailandaises nous montrent une chorégraphie à la Bollywood. La plus petite d’entre elles incarne l’arbre autour duquel un couple de tourtereaux danse. Pour être plus crédible, elle a des brins de persil dans les mains en guise de feuillage.

On nous donne ensuite l’autorisation de rentrer à l’hôtel. « It’s free time ! » Direction karaoké pour une bonne partie des équipes. Il y en a qui ne sont pas près de se coucher.

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur