Kawaii ! MURAKAMI Takashi expose…

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Les deux expositions, qui se tiennent du 26 juin au 29 septembre, ont été conçues par l’artiste japonais MURAKAMI Takashi. La première, Kaikai Kiki, est consacrée aux oeuvres récentes de l’artiste : sculptures monumentales, peintures, papiers peints et un gigantesque ballon, réalisés spécialement pour l’occasion. La seconde, Coloriage, rassemble des oeuvres d’artistes, mangaka, designers, mêlant sans distinction art contemporain et culture pop. Ce panorama, où Gundam côtoie les artistes japonais à la mode, se veut un manifeste pour une nouvelle forme d’art contemporain, qui ne ferait plus de distinction entre culture et ” subculture populaire “. De quoi nous enthousiasmer !

MURAKAMI Takashi, né en 1962, est l’un des artistes contemporains les plus populaires au Japon. Représentant d’une génération imprégnée de l’imaginaire des manga, il se destine à l’origine à la réalisation de dessins animés mais c’est finalement à un cours de peinture traditionnelle qu’il s’inscrit en 1986. Au début des années 90, il commence à s’affirmer avec des peintures et des sculptures influencées par l’esthétique des dessins animés, et crée, en 1993, Mr Dob, personnage fétiche inspiré d’un manga des années 70, qui est décliné en peintures, figurines, T-shirt, montres, et devient sa signature. Admirateur d’Andy WARHOL, MURAKAMI est le représentant d’un art ” Néo-Pop ” typiquement japonais, qui fait passer la nouvelle culture populaire et la sous-culture Otaku dans le champ de l’art. Les oeuvres présentées à la Fondation Cartier frappent par leurs couleurs hallucinogènes : peintures et sculptures mettant en scène des champignons géants décorés d’une multitude d’yeux, des champs de fleurs, ou Kaikai et Kiki, deux petits monstres plutôt sympathiques. Conçues par ordinateur, mais réalisées de manière traditionnelle à l’acrylique, les peintures monumentales de MURAKAMI impressionnent par le foisonnement de petits éléments dans des compositions qui dégagent une impression d’étrangeté presque gênante. Ludiques, volontairement ” mignonnes ” et colorées, les oeuvres de MURAKAMI créent pourtant un univers où l’agressivité et la monstruosité ne sont pas absentes.

Au sous-sol de la Fondation Cartier prend place Coloriage, qui offre un panorama, en forme de fourre-tout jubilatoire, d’une nouvelle forme de Pop-art typiquement japonais. Dès la descente des escaliers, le ton est donné avec une escouade de Zaku (ces fameux robots géants, adversaires des Gundam, dans la série du même nom) d’1 mètre 50 ! Ces jouets, présentés grâce au concours de Bandai, ne détonnent finalement pas d’avec un art contemporain japonais qui a fait des robots et autres créatures issues de la bande dessinée et des dessins animés, des motifs récurrents. Mais l’animefan n’est pas au bout de ses surprises, puisque les Pokemon et Digimon sont aussi de la partie, sous forme de figurines et d’un gigantesque panorama mural, tandis que d’autres formes de l’art populaire sont aussi représentées : les jouets cadeaux (les tanks et animaux en plastique issus de Choco QTM, le KinderTM japonais), les coloriages (les dessins de TSUTAYA Kiichi, un des plus grands artistes du genre), les personnages-concepts (les Digi-charat et Tare Panda, le ” panda pendant ” illustrant à l’origine une ligne de papeterie, décliné depuis en peluches et dessins animés), les couvertures de magazine et bien sûr le manga avec le bestiaire issu de la BD culte de MIZUKI Shigeru : Gege no Kitarô.

Pour illustrer cette influence constante de la ” sous culture ” sur l’art ” noble “, on notera les photographies de SHINOYAMA Kishin, (qui immortalise depuis plusieurs décennies les écolières, idoles et autres cosplayers, brossant ainsi à travers les âges un portrait de la jeunesse japonaise) ou les oeuvres de AOSHIMA Chiho et AIDA Makoto. La première crée sur ordinateur de troublantes compositions mettant en scène des jeunes filles hantées par le rêve et la mort, entre style ” Kawaii ” et atmosphère morbide. AIDA Makoto, qui passe librement du manga à la peinture, de la vidéo à l’installation , est considéré comme un représentant de la culture Otaku, et livre ici une vision très personnelle du combat entre un membre de la brigade d’Ultraman et King Gidora, un cousin de Godzilla… On admirera également les troublantes photos de poupées de KATO Mika ou les toiles de KITANO Takeshi, aperçues notamment dans Hana-bi, mises ici en parallèle avec ses édifiants shows télévisés…

Coloriage incite donc à une meilleure appréciation de l’influence des ” sous-cultures ” japonaises sur l’inconscient de tout un pays. Un inconscient dont les artistes contemporains se font ici les médiateurs. Paradoxalement, ce sont les ” puristes ” de cet art populaire, dessins animés et manga notamment, qui risquent d’être décontenancés par sa récupération dans la sphère de l’art contemporain… Au contraire, ne boudons surtout pas l’occasion que nous offrent MURAKAMI Takashi et la Fondation Cartier de porter un regard nouveau sur la culture pop nippone.

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