Si HAN Sanjung a été appelée pour tenir la conférence sur la BD coréenne pour filles, ce n’est pas par hasard : actuellement en train de terminer sa thèse sur le sujet, elle travaille aussi comme correspondante pour la version coréenne de Newtype : une légitimité l’autorisant à évoquer ce sujet encore trop mal connu.
Son approche, lors de cette présentation a pourtant été quelque peu surprenante : en effet, plutôt que de chercher à donner une vision objective et analytique du sujet, HAN Sanjung a préféré introduire son sujet par quelques généralités sur l’origine du manhwa, et ensuite de montrer un certain nombre de planches d’auteurs les plus représentatives du genre.
Le manhwa ou le manga ?
Le manhwa est directement lié à l’histoire de la Corée : la BD du pays du matin calme a vu le jour avec la naissance de l’imprimerie ! Les premiers journaux coréens proposaient en effet des reproductions de gravures du Xe siècle racontant des histoires.
En 1910, le Japon envahit la Corée, et occupe son territoire jusqu’en 1945. Durant cette même période, l’envahisseur influe nettement sur la culture du pays asservi et bouleverse un peu son vocabulaire, en lui imposant ses propres mots. Ainsi, naît le terme de manhwa, simple dérivé du japonais manga…
La naissance de la BD féminine
La diffusion de Candy à la télévision donne le coup d’envoi de la BD pour filles au Japon. Des shôjo manga sont ainsi édités pour surfer sur la vague, mais présentés comme des oeuvres coréennes. De leur côté, les auteurs locaux s’amusent à singer leurs homologues nippons… Apparaît entre autre HWANG Min-na, née en 1961 et considérée comme la mère du manhwa pour filles. Son oeuvre la plus célèbre, Agnus Dei compte 3 volumes édités en 1982.
Autre étape charnière, la naissance de la revue 9e mythe, éditée de 1983 à 1987. Ce magazine annuel ne compte que 3 numéros, mais reste un objet des plus singuliers. Ainsi, il a été fondé par l’association des dessinatrices coréennes et auto-produit (au moins pour ses 2 premiers numéros). Tout est l’oeuvre des auteurs, y compris la distribution du magazine et le courrier des lecteurs ! La naissance de ce journal va en fait contribuer à modifier l’attitude de bon nombre de lecteurs : jusque là, ces derniers se contentaient de louer les manhwa ou de les lire dans des cafés publics. Le rayonnement de 9e mythe va finalement faire réaliser l’importance de l’objet auprès du lecteur : pour lire le magazine, il faut l’acheter, et posséder les BD chez soi renforce le lien avec le lecteur… Malheureusement, le magazine ne survit pas : il faut en effet beaucoup de travail aux auteurs pour le créer, et durant cette période, elles ne peuvent travailler, d’où l’arrêt finalement rapide de ce projet à contre-courant.
Finalement, le succès de 9e mythe poussa à la création de nouvelles revues plus segmentées en fonction de l’âge (pour jeunes filles, adolescentes et jeunes femmes) qui perdurèrent jusqu’à la fin des années 1990. En effet, la crise économique de 1998 bouleverse le marché coréen et la plupart des magazines disparaissent.
L’existence du manhwa
Ce qui surprendra le plus le lectorat français reste finalement l’idée que, pour un Coréen, il n’y a pas de différence majeure entre le manhwa et le manga. Si le premier raconte exclusivement des histoires se déroulant en Corée, il n’y a pas d’opposition formelle ou narrative évidente avec le travail d’une Japonaise… Qui plus est, la plupart des revues manhwa ont aujourd’hui disparu, et en terme de volume, davantage de manga sont édités sur le marché coréen que de manhwa… Dès lors, se pose une question légitime : la bande dessinée coréenne existe-t-elle réellement en tant qu’objet, ou se conçoit-elle uniquement comme un démarquage de la BD japonaise ?
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