La rose de Bagdad

Le temps retrouvé

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La rose de Bagdad est l’oeuvre, fait rare, d’un amateur, passé à l’animation par hasard, Anton Gino Domeneghini… Notre homme a écrit, produit et réalisé son film entre 1941 et 1949 ; ce volontaire de la première guerre mondiale, était « un intellectuel vorace, secrétaire personnel du poète et héros de guerre Gabriele d’Annunzio. » Mais, Domeneghini était aussi un homme à paradoxe, puisque « entrepreneur sans scrupules et philanthrope ».

Il crée la première société publicitaire, la IMA, mais lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, l’interdiction de tout travail publicitaire poussa Domeneghini à employer « son équipe d’illustrateurs, dessinateurs et concepteurs-rédacteurs (…) pour improviser un long métrage d’animation. » Le film, achevé en 1946, souffrit d’un problème de pellicule périmée. « Domeneghini envoya [alors]tous les décors, les cellulos et les feuilles d’exposition en Angleterre, où le film fut tourné à nouveau en Technicolor. »

En 1949, le public italien découvre La Rose de Bagdad et I fratelli Dinamite à Venise. Les deux films « se partagèrent les lauriers de premier long métrage d’animation italien et de premier long métrage en couleurs du cinéma italien tout court. » Suite à ce tour de prouesse, Domeneghini retourna pourtant à la publicité et ses animateurs à l’illutration ou encore la bande dessinée(1). Cette première tentative d’animation en couleur resta donc la seule et unique.

Un tour de force visuel, mais un scénario problématique

Situé dans l’univers des Mille et une nuits, La rose de Bagdad met en scène Amin, un enfant des rues qui a le bon goût de jouer merveilleusement bien de la musique. Il accompagne souvent la belle princesse Zeila à la guitare, pendant que cette dernière enchante le palais de sa voix. Le sinistre Jafar veut faire sienne la princesse. Son magicien, le terrible Burk, crée une bague destinée à rendre la princesse amoureuse de lui. Amin découvre leur complot et dérobe la bague, mais malheureusement pour lui, Burk le capture…

La première grande force de ce long métrage vient de l’exceptionnel travail accompli sur les décors: d’une précision impressionnante, ils donnent un cachet réaliste à la cité du Calife Oman et enchantent le regard. Quant aux personnages, ils se meuvent avec une fluidité et un naturel confondants. A tel point qu’on serait tenté de croire à l’utilisation de la motion capture !

Toutefois, ces prouesses techniques ne sont malheureusement pas au service d’un scénario bien construit. A la différence des films de Walt Disney, La rose de Bagdad semble avoir été écrit à partir de différents canevas scénaristiques, mais sans choisir une direction bien claire. Le métrage met du temps à démarrer et oscille entre romance (mais Amin et Zeila pourraient tout aussi bien être des amis), fantastique (voir le mage Burk et l’apparition inopinée de la lampe d’Aladin sortie de nulle part) et comique (avec les trois ministres du Calife qui occupent beaucoup de temps à l’écran, sans finalement servir à faire avancer l’histoire). On remarque, en corollaire de cette difficulté à circonscrire l’action, l’absence de tentation moralisatrice : le film n’entends pas donner de réelle leçon d’éducation aux enfants, mais plutôt à le divertir. De plus, une certaine cruauté est à l’oeuvre : les tourments de Amin ou encore les pouvoirs de Burk sont particulièrements sombres et encore aujourd’hui, le film choque par moment.

La poésie du chant

La rose de Bagdad est avant tout un film ludique. Les séquences de chants occupent une place importante dans le métrage et le but est avant tout de faire voyager les enfants dans un monde exotique, mais aussi le faire rire ou l’effrayer. Si aujourd’hui, ce film a tout de même pas mal vieilli, sa restauration n’en reste pas moins un événement : l’occasion pour le public de redécouvrir un film remarquable dans sa technicité et qui a donné le coup d’envoi au cinéma d’animation italien. Espérons une sortie en salle ou en DVD pour cette Rose méritant d’être cueillie.

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