La voie du samouraï

Envie d’un Japonais ?

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Dans un Japon médiéval fantasmé, l’Empereur envoie une petite armée défier celle, immense, de son voisin. Le commandant de la petite armée prie les dieux pour que la victoire soit sienne : ces derniers marquent son corps d’un symbole étrange, lui conférant une quasi invincibilité. Malgré ses nouveaux pouvoirs, le commandant se voit défait sur le champ de bataille, par des dieux visiblement ennemis des siens. Son frère, le moine Obo-san, se porte à son secours, récolte la marque de son frère, et terrasse un des dieux en retournant une de leurs armes contre eux. Mais sa foi est morte, en même temps que son frère. De retour à la cour, il se rebelle contre l’Empereur et accompagné de deux amis, il part se réfugier dans son monastère. Le Seigneur du Japon, devenu fou de rage, envoie son armée prendre le monastère d’assaut.

La voie de la citation

Lorsque la BD de Lone wolf and cub de KOIKE Kazuo et GOJIMA Koseki sort aux Etats-Unis en 1987 chez First Comics, elle a déjà bouleversé un artiste du nom de Frank MILLER. Ce dernier a refaçonné le personnage de Daredevil (1981) ou Wolverine (1982), et créé le comics Ronin (1983), très influencée par Lone Wolf. Alors que le manga reste encore un territoire inconnu aux Etats-Unis, MILLER s’investit pour assurer la promotion de Lone Wolf and Cub, en signant les couvertures de l’édition américaine. La participation de MILLER a attiré l’attention de nombreux lecteurs et auteurs de comics, tout en permettant au style manga de faire ses premiers pas aux pays des super-héros. Près de 15 ans plus tard, le manga est devenu un phénomène de société aux Etats-Unis, et commenté dans la grande presse américaine.

Editer un manga comme La voie du samouraï n’a donc rien d’un exercice innocent. Aux commandes des dessins du titre, on retrouve un Bart SEARS dont le style de dessins épouse – heureux hasard ! – celui de Frank MILLER dans Ronin, qui épousait lui-même celui de Lone Wolf and Cub. Par la même occasion, SEARS se fend d’un découpage cinématographique redoutable, évoquant les films de sabres nippons, dont ceux de KUROSAWA Akira. L’exercice de citation, ou plutôt de filiation, prend encore plus de sens lorsque l’on croise Ittô, le héros de Lone Wolf and Cub, poussant le célèbre landau de son fils, exactement comme dans le manga. Cette volonté de placer La voie du samouraï en parallèle de Lone Wolf and Cub et du travail de MILLER a pour but de se faire comprendre de tout un pan du lectorat américain. Ainsi, La voie du samouraï n’est plus seulement un énième titre surfant sur la vague japonisante, mais s’affirme comme une oeuvre hommage, et donc légitime.

Le disciple ne vaut pas le maître

Toutefois, un abîme sépare La voie du Samouraï de Ronin. Là où MILLER a créé un récit lui appartenant totalement (univers sombre et malsain, personnage féminin redoutable, héros inexpressif…), Ron MARZ, le scénariste de La voie du samouraï, a imaginé une histoire posant plus de problèmes qu’elle n’en résout. Ainsi, la marque magique apparaissant sur le dos du héros comme les dieux apparaissant sur le champ de bataille reste bien mystérieuse. Huit épisodes plus tard, aucune explication ne vient nous en apprendre plus sur le sujet. En fait, l’éditeur du comics, Crossgen (1), a développé un univers cosmopolite d’obédience fantastique, dans lequel des héros se retrouvent mystérieusement marqués en prévision d’une grande guerre. Quant aux faux dieux rencontrés sur le champ de batailles, ils sont en fait les héros du comics The First. Autant d’informations absentes, laissant le lecteur néophyte dans l’ombre.

Et sans même faire référence à ces points litigieux, l’histoire manque de force. Ainsi, la scène principale exposant la dispute entre Obo-san et l’Empereur semble expédiée à la va vite pour lancer l’histoire. On ne trouve quasiment aucun développement psychologique des personnages, et le comics s’intéresse surtout aux scènes de batailles. Le scénario ne semble là que comme un prétexte pour mettre en scène le graphisme de Bart SEARS. Les superlatifs manquent pour décrire la beauté de son trait et l’intensité de ses scènes de batailles.

Une édition française au diapason

Pour mettre en valeur les graphismes de SEARS, l’éditeur français Sémic a opté pour une édition luxueuse. Il faut en effet savoir que La voie du samouraï a été édité à l’origine sous son titre original, The Path (2), dans le magazine Crossgen Extra. Malheureusement, après sept numéros, Sémic a du arrêter la publication de Crossgen Extra, faute de lecteurs. Comprenant que le public de comics achète aujourd’hui plus en librairie qu’en kiosque, Thierry MORNET, le rédacteur en chef de Sémic, a opté pour une édition propre à séduire des lecteurs exigeants.

Ainsi, La voie du samouraï se présente sous la forme d’un album cartonné à l’italienne (format 16/9e) astucieux. En effet, les pages originales du comics se suivant deux par deux, Sémic a donc eu l’idée de rassembler deux pages sur la même planche. Le résultat donne l’impression de lire un recueil d’estampes. Du coup, cette édition s’impose comme étant largement plus belle que les différentes éditions américaines parues à ce jour… Un troisième volume paraîtra, proposant la série jusqu’à son numéro 12. La suite du comics ne permettant pas de proposer les planches à l’édition italienne, Sémic se réserve le droit de proposer les épisodes 13 à 23 sous un autre format.

Une lame, un coup

Les esthètes du Japon médiéval seront ravis de voir trôner cette édition dans leur bibliothèque : respectueuse de l’esthétisme des estampes japonaises, elle offre une qualité visuelle époustouflante. Malheureusement, l’histoire ne suit pas et le lecteur devra donc se contenter d’admirer, plutôt que de lire. Néanmoins, si l’on compare ce titre à ceux récemment proposés par la Marvel, force est de reconnaître l’envie de Crossgen de proposer un produit sérieux et adulte, loin de l’imagerie stéréotypée du Japon aux Etats-Unis.

Remerciements à Thierry MORNET de Sémic et au site de http://www.crossgen.com” class=”lienvert” target= “_blank”>Comics VF.

Le site officiel de l’éditeur http://www.crossgen.com/” class=”lienvert” target= “_blank”>Crossgen.

Lire l’interview de Thierry MORNET.

Lire notre critique de Lone wolf and cub.

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