Sur MIYAZAKI Hayao, on a tout écrit ou presque. On a célébré le réalisateur, on a loué sa poésie bucolique, son intelligence dans l’écriture, sa maîtrise de l’animation. Pour tous, MIYAZAKI incarne inconsciemment ou pas , une alternative forte à Disney et à sa morale bien pensante. Et pourtant… Si les deux derniers films de MIYAZAKI (Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro) ont réalisé des scores d’entrés exceptionnels au Japon les plus gros succès de l’histoire du box office nippon ! , il s’agit paradoxalement de ses oeuvres les moins intéressantes. Porco Rosso se posant, en substance, comme le dernier chef d’oeuvre du maître.
La sortie du Château ambulant (Howl’s Moving Castle) avait donc de quoi réjouir. En s’attaquant à l’adaptation d’un livre pour enfant à grand succès (Le château de Hurle de Diana WYNNE JONES, lire notre interview), MIYAZAKI se donnait les moyens de livrer son Harry Potter. Car Le château de Hurle s’inscrit bien dans cette veine de la nouvelle littérature anglaise pour la jeunesse. Pour une fois, le maître ne serait pas l’auteur de son histoire et donc, pourrait puiser dans un matériau à la qualité confirmée ce dont il a besoin pour se renouveler.
Mais où suis-je ?
Adapter un livre à succès en film tient d’une certaine gageure (voir à ce sujet les critiques essuyées par les deux premiers films de Harry Potter, justement) : il s’agit de respecter l’essence du livre, en condensant, coupant et réécrivant le texte de façon à faire tenir le roman dans la place offerte par la bobine du film… Dans Le château ambulant, MIYAZAKI se plante de manière magistrale, livrant un film dont le scénario n’a aucune rigueur : ellipses narratives, trous scénaristiques béants, personnages à peines esquissés, scènes absurdes. Un véritable catalogue de ce qu’il ne faut pas faire… Ainsi, l’héroïne Sophie, se trouve, suite au sortilège d’une méchante sorcière, transformée en vieille dame de 90 ans. Admettons. Seul problème : Sophie n’est pas définie lorsque le film commence, et on ne sait rien sur elle. On a donc à peine le temps de s’intéresser à elle qu’elle se transforme déjà en une petite vieille au caractère enjouée et dynamique, là où Sophie était assez rangée. Ce changement de personnalité n’est en rien justifié et on se demande bien en quoi passer de l’adolescence à la vieillesse peut donner le moral…
Sophie décide alors de se rendre au château ambulant du magicien Hauru pour que ce dernier la sauve. Comme elle n’a pas le droit de parler de son maléfice, elle s’invite comme femme de ménage du château (et on appréciera cet élément bien machiste : une femme ne peut évidemment que servir comme bonne dans un château magique. Le sortilège de nettoyage ne devait pas être disponible dans le livre de Hauru…). Elle fait alors connaissance avec le très dandy Hauru, avec lequel s’entame une relation assez tendre. Mais en toile de fond de ces heureux évènements plane le spectre de la guerre : guerre de qui et pour quoi, on n’en saura rien. Qui est Hauru, et en quoi est-il lié au conflit ? On n’en n’aura pas l’ombre d’une explication. Et c’est pareil pour la sorcière, le château ambulant et tous les autres personnages du films : simples figures qui passent, ils alimentent le film de leur présence mais ne le nourrissent pas.
Sans logique
Techniquement, le film est en dessous de Princesse Mononoké ou du Voyage de Chihiro. La mise en scène manque le plus souvent à l’exception des scènes d’action de force émotionnelle, et seule la musique somptueuse de HISAISHI Joe sauve le tout… On sort donc de ce film avec une sensation cuisante d’inachevé. On ne comprend non seulement rien à l’histoire, on se moque aussi de ce qui va arriver aux personnages puisqu’on ne sait rien sur eux… Quant à la fin du film, elle se révèle d’une mièvrerie absolue.
MIYAZAKI semble, sur Le château ambulant, avoir été dépassé par son sujet et visiblement plus pressé de se faire plaisir que de livrer un film satisfaisant. Le succès monstrueux du film au Japon (plus de 100 millions de dollars de recettes après seulement 7 semaines d’exploitations) nous apparaît donc comme un mystère total. Pour nous, on va voir le dernier MIYAZAKI comme d’autres se rendent à la messe le dimanche : sans y croire, mais parce qu’il faut bien…
A lire : notre interview de Diana WYNNE JONES, l’auteur du Château de Hurle ..
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