L’arrivée de la nouvelle série télé de Spider-man est l’occasion parfaite pour vous faire découvrir le studio d’animation Mainframe et la façon dont ces derniers ont donné vie au tisseur de New-York. Rencontre avec Steven WENDLAND, le responsable du projet Spider-man auprès de Mainframe.
AnimeLand : Avant de parler de Spider-man, pouvez-vous présenter Mainframe à nos lecteurs ?
Steven Wendland : Mainframe Entertainment Inc. est un studio canadien apparu en 1993 et il est surtout connu pour avoir été un pionnier de l’animation par ordinateur sur la série Reboot. Mainframe est l’un des producteurs d’animation assistée par ordinateur le plus prolifique au monde. Nous travaillons sur des titres diffusés à la télévision, édités directement en vidéo mais nous avons aussi une branche qui réalise des images de synthèse pour les films, les publicités et les loisirs interactifs.
AL : C’est donc vous qui étiez au poste de producteur de l’animation sur Spider-man. Qu’entend-on exactement par là ?
S.W. : En fait, j’étais ce qu’on appelle un producteur créatif, c’est-à-dire responsable de tous les visuels que nous créions pour Sony. Avant Spider-man, j’avais déjà produit le dessin animé Heavy Gear, toujours pour Sony. J’ai aussi travaillé sur d’autres projets pour Mainframe tels que Transformers et War Planets…
AL : Comment Mainframe s’est-il vu confier l’animation de Spider-man ?
S.W. : De nombreux autres studios étaient en lice pour ce poste. Sony nous a fait passer des essais d’animations. Bien que plusieurs de nos concurrents aient fait un travail formidable, plusieurs choses ont joué en notre faveur. La première, c’est que nous réalisons de très bonnes expressions faciales, quelque chose de difficile à tenir avec les délais de la télévision. La seconde, c’est que nous avons su donner un style 2D très convaincant à nos visuels, grâce à nos responsables logiciels et lumières. C’était ce que Sony recherchait.
AL : Est-ce que Mainframe a participé au développement de l’histoire ou au design des personnages ?
S.W. : Pas en ce qui concerne les histoires développées. Nous avons simplement fait valoir des revendications techniques auprès de Sony quand cela était nécessaire. Pour le design des personnages, j’aime à penser que notre travail a eu une influence sur la façon dont Sony a pensé leur apparence. Toutefois, celui qui doit en récolter les lauriers n’est autre que David HARTMAN de Sony, il a fait un travail formidable.
AL : Combien de personnes ont travaillé sur ce projet et avec quel délais ?
S.W. : Au total, il y avait près de 100 personnes avec des animateurs, des responsables de logiciels, des responsables lumière… Sur chaque épisode, nous avions entre 6 et 8 animateurs, réunis en une équipe supervisée par un réalisateur, un superviseur de l’animation et un responsable d’équipe. Barbara ZELINSKI (co-productrice, ndlr) et moi-même nous occupions de 5 équipes d’animations, chacune travaillant sur un épisode différent, ainsi que de 2 autres équipes de pré-production. Chaque épisode nécessitait un total de 14 semaines pour être animé, avec pas moins de 4 semaines de pré-production. Et je ne compte pas le travail de design des bâtiments qui devait être prêt avant que l’épisode entre en phase de pré-production.
AL : Les différents réalisateurs qui ont oeuvré sur la série travaillaient-ils avec vous à Mainframe, ou étiez-vous en contact par mails ou téléphone ?
S.W. : Nous avions aussi nos réalisateurs maisons qui étaient chargés de rendre aussi réalistes que possible les personnages de la série. Le problème, c’est qu’il pouvait y avoir 45 animateurs différents pour travailler sur un seul personnage de la série. Garder un travail constant était donc un enjeu majeur sur ce projet et c’est pourquoi nous avons créé de nouveaux outils pour nous y aider.
AL : Savez-vous pourquoi Sony était intéressé par l’utilisation de la 3D ?
S.W. : Ils voulaient conserver l’esthétique 2D du comics, mais en lui ajoutant la dynamique 3D qui était si excitante et réussie dans le film live. Ce qui est formidable avec l’animation 3D, c’est que vous n’avez pas besoin de donner l’illusion d’un changement d’angle sur le mur du building que grimpe Spider-man. Cette fois-ci, il est réel. Je pense que cet effet ajoute une dimension supplémentaire nécessaire à la série de Spider-man.
AL : Quelles étaient les choses les plus importantes, d’un point de vue visuel, que vous vouliez contrôler ?
S.W. : Pendant la phase de développement de la série, le plus important était de créer un style 2D solide et exploitable. Exploitable, dans le sens où il est facile de créer une jolie image dans un style, alors qu’il est beaucoup plus difficile d’animer cette image en gardant son apparence. C’est même encore plus dur d’animer 500 plans par épisodes en gardant une même cohérence. Donc, je pense que d’une manière générale, la réponse serait : « constance de la qualité ». Heureusement, nous avons une équipe incroyablement talentueuse sur cette série qui a fait un très bon travail.
AL : Etait-ce difficile de donner vie à Spider-man, ainsi qu’aux autres personnages ? Avez-vous utilisé pour ce faire la Motion Capture (1) ?
S.W. : En général, nous ne nous sommes pas servis de la Motion Capture pour le personnage de Spider-man. Il n’y a en fait que quelque plans dans la série sur lesquels nous avons utilisé ce procédé afin de le faire ressembler et agir comme un être humain. Nous avons passé un long moment à faire en sorte que le personnage de Spidey bouge dans une large gamme de mouvements, comme nous le faisons pour tous nos personnages d’ailleurs. La différence avec Spider-man, c’est que nous avons développé ses mouvements et limites juste au-delà du seuil d’un être humain. La difficulté résidait dans le fait que ses mouvements ne devaient pas apparaître comme étant ceux d’un humain, mais rester naturels malgré tout. Ainsi, nous avons fait des animations tests pour établir les poses les plus dynamiques du personnage. Nous avons même créé une bibliothèque de poses, afin que les animateurs puissent s’y référer et donner une meilleure qualité à leur travail.
Pour les autres personnages, il y a eu un mélange entre une animation classique et la Motion Capture. L’animation classique a été utilisée pour les expressions faciales, les cheveux et l’animation des mains, ainsi que pour une bonne quantité de mouvements corporels. La Motion Capture a été utilisé pour donner à la série une impression de véritable mouvement.
AL : À l’origine, Spider-man était supposé utiliser un nouveau style d’animation révolutionnaire. Mais, nous avons en fait l’impression que vous avez utilisé la technique connue du Cell-shading (2). Pouvez-vous nous en dire plus ?
S.W. : La technique du Cell-shading, contrairement à ce que certains pensent, ne consiste pas à appuyer sur le bouton d’un ordinateur. Cela prend un certain temps pour créer des logiciels qui prendront en compte les bonnes lignes de définitions de l’image (par exemple, les lignes de contours qui vont donner une impression de distance vis-à-vis de la caméra, ou encore le choix de la focale). De même, copier le rendu lumineux d’une animation réalisée sur cellulo n’était pas aussi simple qu’il y parait. Le visuel de cette série repose sur des personnages qui ont une ombre, une chose très difficile à rendre en 3D.
Je pense que ce qui a été qualifié de révolutionnaire n’est pas tellement le rendu visuel de l’animation ou l’éclairage, mais la combinaison de ces éléments en un seul. Si nous avions animé cette série sans ombre portée, ou avec une caméra fixe ou qui ne bougerait que sur un axe linéaire, ou avec une animation 100% traditionnelle, alors le résultat serait apparu comme trop traditionnel. Nous pensons que la combinaison de tous ces éléments offre un résultat jamais vu dans une série réalisée pour la télévision auparavant.
AL : Spider-man est un projet très important. Avez-vous ressenti une certaine pression ?
S.W. : Je peux vous dire que Spider-man a toujours été l’un de mes personnages préférés. Plutôt que parler de pression, je préfèrerais donc parler d’excitation. Nous avons vraiment fait de notre mieux, tenant compte de tout ce qui avait été fait auparavant en comics et séries et même sur le film.
AL : Pour finir, pouvez-vous nous donner un aperçu des futurs projets de Mainframe ?
S.W. : De nombreux projets de Mainframe sont prêts à être diffusés. Parmi eux, vous trouverez le troisième film consacré à Barbie et un spécial télé appelé Scary Godmother (3) que nous avons d’ailleurs produits. Nous avons d’autres projets en cours, mais il est encore trop tôt pour en parler.
Remerciements à Kristi BLICHARSKI de Sony et à Steven WENDLAND.
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