Ra : IN

Rock’n Roll ain’t noise pollution

0

Il devait y avoir quoi ? 150, 200 personnes peut-être ? La salle de l’Elysée Montmartre, déjà pas bien grande, était pourtant clairsemée ce soir du 5 juin. Mais à 20h30, lorsque Ra : IN monte sur scène, ils sont salués par une clameur impressionnante. S’il y a peu de personnes présentes, ce sont des fans. Ils hurlent le nom de leur idole : « PATA ! PATA ! »… Sur scène, arrive un batteur décoloré et nerveux, MUKAIYAMA Tetsu (ancien Red Warriors et CoCCo) ; un bassiste maigre comme un chat sauvage, SUZUKI Michiaki (ex-Loudness) et enfin, ISHIZUKA Tomoaki, alias PATA… Ces messieurs jouent un rock lourd et sauvage, très blues, très rock’n roll. Rien à voir avec du Visual Key : ici, on parle de hardos à hardos. Pas de chant d’ailleurs pour égayer un peu la musique : le public assistera à 2h00 d’instrumentaux non stop.

Première surprise, PATA le fameux PATA ! manque quand même de charisme. Coiffé d’une crinière longue à la Dave MUSTAIN (Megadeth) toute droit sortie des années 80, on voit un petit homme pas très agressif, moulé dans un t-shirt brillant et recouvert d’une chemise noire à fleurs ! Beaucoup plus intéressant, le bassiste MICHIAKI. Très poseur, faisant réagir la foule au quart de tour, il met l’ambiance, faisant voler sa basse au dessus de sa tête ou se secouant comme un beau diable… Si l’on excepte quelques problèmes sonores bien désagréables (larsens, son beaucoup trop fort : 105 décibels au compteur…), le résultat fait vraiment plaisir à voir ! Ra : IN dégage quelque chose de vrai. Loin de ces groupes préfabriqués, le trio joue avec son coeur et ses tripes et se fait autant plaisir à lui, qu’à son public.

Bio sommaire

PATA, certains s’en souviennent, faisait partie du plus grand groupe de hard-rock japonais, X-Japan. Connu auprès des anime fans pour la bande son de l’OAV de X de CLAMP, le groupe, créé en 1982 a livré une poignée d’albums magistraux. Et PATA a d’ailleurs profité de cette période pour entamer déjà ! une carrière solo sous son propre nom, sortant deux albums : Pata et Raised in Rock… Finalement, l’aventure X-Japan se termina tragiquement. Après un cinquième album dont l’accouchement fut difficile, le leader du groupe, YOSHIKI, saborda la formation. Quelques temps plus tard, HIDE, l’autre guitariste du groupe, se suicida, laissant les fans en deuil…

En tout cas, Ra : IN est pour l’instant un tout jeune groupe : formé durant l’été 2002, ces Japonais ont produit un premier album sorti le 7 novembre 2003, The Line, composé d’une dizaine de morceaux, et un maxi-single, The Borders. Actuellement, un deuxième album serait en préparation… Suite à la sortie de The Borders, le groupe part en tournée au Japon et fait plus de cent dates dans le pays. On les retrouve aussi dans des festivals hommage au Who avec le Commemorative Live for John Entwistle of The Who de Yokohama. Ra : IN fait partie de ces groupes heureux de jouer ailleurs que dans leur propre pays. Il est aussi surprenant de constater que le live de l’Elysée Montmartre de ce groupe encore confidentiel a déjà été annoncé pour une sortie en DVD ! Il faut dire que Ra : IN ne souffre pas de la barrière des mots ou de la langue : la sainte trinité rock, basse/guitare/batterie s’entend d’un bout à l’autre de l’Europe.

Réunis dans le Hard Rock Café parisien, le lendemain du concert, le groupe a joué, face à quelques courageux journalistes dopés à la Corona (partenaire de l’évènement). Pourquoi « courageux » les journalistes ? Simplement, parce que les membres de Ra : IN jouent fort, très fort même, et que selon l’un des organisateurs, seul le règlement leur interdisant de monter le volume encore plus haut les a retenu de fracasser les oreilles de l’assistance. Selon le groupe, « en concert, il faut écouter notre musique très fort, c’est indispensable. » Détail ne trompant pas : bon nombre d’usagers sortaient du Hard Rock Café en se bouchant les oreilles… La conférence de presse ne fut malheureusement pas un grand moment. Dommage, c’était l’occasion pour Ra : IN de se dévoiler à la presse ; mais, les conditions du rendez-vous se sont révélées comme assez rocambolesques. Premièrement, les journalistes se tenaient au bar, donc surélevés par rapport au groupe (comprenez : très difficile de faire des photos) ; la traductrice, visiblement mal à l’aise, avait beaucoup de mal à faire comprendre les questions posées, et tout autant de mal à retranscrire les réponses ; cerise sur le gâteau, elle parlait d’une voix inaudible, nous privant de plusieurs réponses…

On aura toutefois réussi à glaner que le groupe trouva « très chaleureux l’accueil du public français », ce qui ne surprend guère vu la ferveur de la veille. Par ailleurs, question référence et philosophie musicale, le groupe concéda aimer « les chansons jouées dans les bars. » Pressés de donner des noms, ils avouèrent un penchant pour « Black Sabbath et les Who. » Question éthique musicale, le groupe annonçait sur son site Ra : IN Rock and Inspiration : « il faut voir cela comme le nom du groupe, et le désir de regarder vers l’avenir. L’inspiration, c’est ce qui se fait sur le tard, qui vient sur le moment en fait… Il s’agit de faire ressentir le rock tel que nous le faisons. Voilà le plus important pour nous ! » (Comprenne qui voudra…) Par ailleurs, information intéressante, Ra : IN penserait à « dégotter un chanteur. Mais, nous n’avons pas encore trouvé la voix adaptée à notre musique. » Problème, là encore de traduction ? Il semblait à votre serviteur que le groupe évoquait la possibilité de prendre un chanteur français…

10 ans de réflexion

Fin mars, Moi Dix Mois venait jouer en France. Aujourd’hui, Ra : IN fait l’Elysée Montmartre. On sent bien un frémissement à ce niveau. De là à dire que ce frémissement pourrait déboucher sur une réelle ouverture à la musique rock japonaise en France, il y a un pas que nous aurons la prudence de ne pas franchir. Toutefois, on ne peut nier la place de plus en plus singulière occupée par la J-Pop ou le Visual Key en France… Il semble y avoir un réel appétit des fans français pour ces genres musicaux. Et aussi pour le rock comme le prouve le passage de Ra : IN ! Difficile, toutefois de quantifier cette ferveur et cette attente : combien de fans français ? Quel poids ont-ils ? La sortie d’un album de rock japonais sur une major serait-il rentable ? UTADA Hikaru a sorti son premier album américain, mais on ne l’entend pas pour autant sur les radios.

Il y a donc une énigme de la musique japonaise : depuis maintenant dix ans, la musique pop et rock japonaise a droit de cité dans les boutiques de japanimation. A l’origine, on trouvait uniquement des BO de dessins animés. Mais, l’intérêt pour les génériques de débuts et de fins a poussé certains consommateurs à repérer les artistes talentueux et essayer d’entendre plus de morceaux d’eux… X-Japan, Luna Sea ou encore Dir en Grey ont alors ainsi fait les beaux jours de certaines boutiques il y a de cela quelques années. Aujourd’hui, HAMASAKI Ayumi, AMURO Namie ou Moi Dix Mois font battre le coeur des fans. La venue de Ra : IN a donc une grande importance. Au-delà du nombre de fans présents à leur concert, l’arrivée de ce groupe symbolise aussi la volonté de certains groupes japonais de sortir de leur pays. Car, pour importer, il faut l’offre et la demande. On peut donc espérer que ces concerts français, ou la récente volonté de Mabell d’éditer des albums de rock japonais, sont le signe déclencheur d’une réelle évolution des mentalités… Après tout, Rome ne s’est pas faite en un jour.

Le site français de Paris Visual Prod

Le site de Ra : IN

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur