Animeland : Qui sont les fondateurs du Studio Elude ?
SvN : Dominique ANDRE, Nostradine BENGUEZZOU et moi, les fondateurs du studio Elude, avons débuté dans les Auditorias de Saint-Cloud (anciennement groupe LTC).
Ayant pour la plupart une formation de musicien, nous sommes devenus des bricoleurs du son sur échantillonneurs (appareil qui enregistre des sons, les garde en mémoire puis les déclenche à l’aide d’un clavier musical).
Nous faisions par exemple des bruitages pour des séries américaines comme General Hospital. Nous n’avions aucune formation spécifique (contrairement aux jeunes que nous recrutons maintenant, qui ont des BTS ou des diplômes d’écoles de son). Notre structure se situait un peu à “l’avant garde”, car elle était une des premières en France qui bénéficiait d’un système permettant de jouer directement un son à partir d’un disque dur (Le synclavier Post Pro SD).
Ca peut paraître naturel aujourd’hui, mais à l’époque, c’était une révolution ! Nous avons travaillé sur des long-métrages en prises du vue réelles, puis sur nos premières séries animées Manu 1 et 2 tiré de la bande dessinée de Frank MARGERIN, Avec Jean Yves RIMBAUD – « qu’on considère un peu comme un grand frère ». En 1991, la boîte a fermé, suite à la crise économique liée à la Guerre du Golfe.
AL : Comment décide-t-on de monter un studio ?
SvN : Une des spécialités de notre studio était de fabriquer des V.I. (versions internationales), pour des films anciens. C’est à dire une version bruitée mais sans aucune voix ; on la dit “internationale” car elle sera ensuite utilisée pour les autres langues.
A l’époque, les Allemands achetaient beaucoup de films français (La Bête Humaine, Pépé le Moko…) puis les doublaient dans leur langue. Nous avons été contactés par Serge BROMBERG « patron de LOBSTER FILMS (société spécialisée dans la restauration de films anciens) et également directeur artistique du festival d’Annecy » pour fabriquer les V.I. d’un gros catalogue de films d’époque. Ça a été le début d’une collaboration régulière. On a alors créé SPICE, le département V.I. de LOBSTER Films. Un peu plus tard, Serge a créer l’émission Cellulo et ça tourne brombi pour La Cinquième. L’aventure terminée, il a fallu aller chercher du travail, c’est alors que nous avons fait les différents salons professionnels, puis nous avons recroisé Jean-Yves RIMBAUD au festival d’Annecy. Par son biais, nous avons commencé à travailler sur des séries animées comme Enigma, Le Magicien… C’est lors de ces travaux, et dans la collaboration avec d’autres studios que nous nous sommes aperçus que la séparation du travail entre différentes sociétés (montage son et mixage) n’était pas toujours satisfaisante. On a alors demandé de faire le travail du début à la fin sur les séries suivantes Gadget Boy 2, Enigma 2. Le coup d’éclat de l’époque qui nous a permis de faire reconnaître vraiment notre travail, c’est de faire le son de la série Le Magicien avec le grand réalisateur OUMAR N’DIALE (Gaumont multimédia), c’était alors une grande victoire pour la petite boîte qu’était alors SPICE.
AL : Quand est né le Studio Elude ?
SvN : En 1997, Serge nous a conseillé de devenir indépendant de LOBSTER. Comme nous voulions également avoir la possibilité de travailler sur l’image, nous nous sommes associés avec la société DIGIMAGE, aujourd’hui axée sur la haute définition, LVT (société dépositaire du sous-titrage laser), CMC (labo vidéo) et RGB (labo de copie, PAD, incrustation vidéo de bande rythmo…).
Nous avons donc emménagé dans les locaux de Boulogne avec Digimage. Cela nous a permis de traiter sur certaines séries l’ensemble de la chaîne de fabrication d’un épisode, de l’image au son. Maintenant, les studios de productions s’équipent de plus en plus en montage image et viennent faire le reste de la chaîne de fabrication du son jusqu’au PAD (prêt à diffuser), validé au préalable par le réalisateur et le producteur.Il arrive parfois qu’ Elude ne se charge que d’une étape (par exemple, on a procédé à l’enregistrement des voix définitives sur Corto Maltese).
Un studio comme Elude représente 5,5 millions de francs d’investissements.
AL : Quelles sont les étapes de travail pour le montage son d’un épisode ?
SvN : Il y a six étapes : l’ambiance, le bruitage, les effets, la musique, le doublage puis le mixage. L’ambiance représente le « tapis sonore » de l’image : c’est l’atmosphère de la scène (ex : soufflerie d’une machine, voix de fond, ronronnement d’un ordinateur, bruits de circulation…). Les bruitages sont des sons ponctuels faits par un bruiteur (comme un stylo lâché, des bruits de pas…). Les effets sont des sons ponctuels, qu’on ne peut enregistrer dans un auditorium (passage d’une voiture, atterrissage d’un avion…). En ce qui concerne la musique, on demande aux musiciens de créer une banque spécifique.. Elles sont ensuite livrées chez Elude, qui les répertorie puis les montent. La musique peut aussi être réalisée “à l’image” (ex : La Mouche de Futurikon).
Une fois que l’image est montée, la musique est composée pour chaque épisode. Mais cette solution est plus onéreuse ; seules quelques grosses boîtes peuvent se le permettre, comme sur des séries comme les Zinzins de l’espace, Oggy et les cafards, Lucky luke. Chaque étape de travail est vérifiée au fur et à mesure par le réalisateur, puis vient l’étape du mixage : il s’agit de récupérer l’ensemble des sons réalisés durant la semaine et de les ajuster les uns par rapport aux autres en les situant dans l’espace.
AL : Comment travaillez-vous ?
SvN : Avec Elude, nous voulions prouver que l’on pouvait faire de la qualité tout en faisant du volume. C’est une question de méthode et d’organisation. Une grosse discussion est auparavant nécessaire avec le réalisateur, il faut une grande complicité pour comprendre l’esprit qu’il veut donner à sa série. Le studio comporte des postes spécialisés, qui fonctionnent tous en réseau : des postes hybrides de montage son/ mixage, un auditorium pour le doublage et le bruitage (situé dans les anciens studios mythiques de Boulogne, et un plus gros studio de mixage équipé 5.1. Il faut en moyenne cinq à six jours de travail pour un épisode. (1/2 journée pour le doublage, 1 journée pour le bruitage, 3 jours pour les effets et les ambiances, 1 jour pour la musique, 1 journée pour le mixage). Plusieurs épisodes sont ainsi traités en parallèle. Au début, on se répartissait le boulot entre nous trois ; maintenant, nous sommes cinq permanents au studio, et on travaille aussi avec des intermittents.
Le travail sur Funky Cops a commencé fin novembre ; il y en a pour environ 6 mois. Les manières de travailler sur le live et l’animation sont très différentes : les séries animées réclament un travail court et intensif, revient donc plus cher par rapport au travail sur la fiction ou le long-métrage. Pour un long-métrage, on prend davantage de temps. Le long-métrage « les vertiges de l’amour » nous a demandé 8 semaines de travail.
AL : Quels sont vos projets en cours ?
SvN : Hormis Funky Cops, nous travaillons actuellement sur la dernière saison de Mona le Vampire, sur le mixage 5.1 des films d’Evangelion pour le DVD à sortir chez Pathé, sur Fred the Caveman d’AnteFilms. Nous travaillons également sur des projets qui ne sont pas de l’animation, comme la série Urban Myths (Gétévé), divers téléfilms, puis des pilotes comme la nouvelle création des réalisateurs des Lascars, NADJET et DOUMA, qui revisite le concept de la série mais en live. Pour le futur proche, de nombreux projets sont a l’étude.
Remerciements à Satchi Van NEYENHOFF, à Gil CARPIO et à toute l’équipe du Studio Elude.
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