Mais à 11h ce matin, les clients sont rares. A côté pourtant, ils se pressent pour obtenir, qui une photo, qui une dédicace de Bill PLYMPTON. Mais combien parmi eux savent que c’est grâce à Spike que PLYMPTON a connu l’une des premières diffusions de son film ? « Le festival de Spike and Mike a créé une grande partie de mes fans de base », commente même l’intéressé (1).
Mal connu de par chez nous, le Spike and Mike’s Festival of Animation est une institution aux Etats Unis, importé au festival d’Annecy depuis 5 ans. Peep show de lapins en peluche, ninjews sauvant le petit enfant Juif contre la vermine porcine (sic), bonhomme de neige disséqué par les extra terrestres…
Le festival itinérant de Spike and Mike défriche l’animation underground américaine depuis 27 ans, pour en tirer la substantifique moëlle. Le spectateur, ébahi, se gausse du déluge de foutre, de caca, de sang et d’humour trash qui emplit l’écran, en enfournant ses lunettes 3D et ses dents de vampire, le sac à vomi distribué pour l’occasion toujours à portée de main.
Activistes de l’animation underground
Craig « Spike » DECKER et Mike GRIBBLE, activistes de l’animation underground, défricheurs de talents, producteurs à leurs heures, mettent aussi occasionnellement la main à la pâte : « on a colorié certains films, on fournit aussi des gags qui deviennent des idées ». Ils fondent dans les années 70 la société de production Mellow Manor, initialement prévue pour promouvoir les groupes de musique underground en projetant de vieux courts métrages d’animation comme Betty Boop ou Superman.
Le premier festival alors appelé Classical Festival – naît en 1977. 1977, l’année officielle de la naissance du punk en Angleterre, çane s’invente pas : « il y avait un esprit à la fin des années soixante et au début des années 70, qui tend à se raréfier aujourd’hui. » Fédéré autour du groupe de rock dans lequel officie alors Spike, le festival propose concerts, documentaires rock, courts métrages ; puis l’animation prend le dessus : « on a bien vu que c’est ce que les gens préféraient ; ils rigolaient et en redemandaient, et moi, je veux faire rire les gens ! ».
De ce premier concept pluridisciplinaire, le Classical Festival conservera le goût de l’entertainment, et sera épaulé en 1990 par un petit frère nettement plus subversif, le Sick and Twisted Festival. « Nous essayons toujours de créer l’événement, on convie des gens sur scène, et on prévoit toujours une petite panoplie surprise pour les spectateurs ; il nous est aussi arrivé de faire monter sur scène la nana avec les plus gros seins… ». Le Spike and Mike Festival of Animation a même tourné il y a deux ans avec le groupe Korn.
Depuis le décès de son confrère, en 1994, Spike assume seul le rôle de Monsieur Loyal trash. A Annecy, Spike exhibe ses (faux) muscles, appelle à la rébellion, chauffe les troupes, et… le public suit. A l’issue de la séance en plein air projetée mercredi soir, le collègue de Spike qui présentait les DVD sur scène s’est littéralement fait assaillir par une foule en délire, bravant barrières et agents de sécurité, pour s’arracher les produits convoités. Qui sème l’esprit de subversion…
Producteurs du premier Beavis and Butthead
Grâce à cette démarche, ce sont de grands noms de l’animation qui ont émergé : John LASSETER, Pete DOCTER, Bill PLYMPTON, sans compter les Powerpuff girls et, dernière trouvaille en date, les Happy Tree Friends. « Nous avons produit le 1er film de Beavis and Butthead, mais aussi celui de Pete DOCTER. Nous avons aussi produit et réalisé les couleurs du premier film de Andrew STANTON (futur réalisateur de Finding Nemo, NDLR), et nous en sommes très fiers. »
Comment sont repérés les films ? « On fouine, on a trouvé beaucoup de choses au National Film Board of Canada ; les gens nous envoient aussi leurs oeuvres, et on a surtout un bon réseau d’amis. Happy Tree Friends par exemple, ce sont des amis de San francisco. » De là naît une sélection, nouvelle chaque année, divisée entre le volet « classique » et le second, plus « rock’n’roll », du Sick and Twisted. En 27 ans, des mythes ont eu le temps de s’installer : ainsi en est-il de l’inénarrable Bambi meets Godzilla (tout est dans le titre et dans… l’icono, voir ci contre), de Marv NEWLAND (1969). Le court connaît un tel succès dans le milieu underground qu’un hommage lui est rendu, 30 ans après, en… 3D (Son of Bambi meets Godzilla, de Eric FERNANDES, présenté lors de cette édition 2004).
Comment se sent-on quand on contribue à faire découvrir de grands noms, tout en restant dans l’ombre ? « Aujourd’hui, je me réjouis de leurs succès respectifs, je sais que nous les avons aidés. J’entretiens de très bonnes relations avec certains d’entre eux, notamment Pixar, et John LASSETER, qui est un gars formidable ; mais d’autres ont pris la grosse tête, et oublient de nous rendre la pareille quand nous les sollicitons ! ».
Et si Spike appelle sur scène le public à « fumer le plus de joints possible », ne croyez pas pour autant qu’il soit un soixante-huitard dépassé par les événements. Ses projets ? Investir davantage le Net, et même, pourquoi pas, se lancer dans l’animation sur téléphone portable. Et surtout, développer une série en laquelle il croit beaucoup : Hut Sluts (épisode téléchargeable sur le site officiel de Spike and Mike).
La proposition d’une autre animation
Car pour Spike, la proposition d’une autre animation est toujours possible. « Mike et moi, nous avons toujours défendu une idée différente de l’animation. A travers nos programmes, nous montrons que des choses vraiment folle peuvent être réalisées. Nous avons produit 45 courts métrages, j’ai maintenant une société à Los Angeles, avec 40 000 pounds de négatifs ! ».
Mais le rêve de Spike, c’est surtout d’avoir sa propre émission télé. « Maintenant, je voudrais présenter des films hors des USA, en Europe, au Japon, et surtout… avoir ma propre émission TV. Aux Etats unis, ça devient dur, y a qu’à voir le récent scandale du téton de Janet Jackson à la télé… Des chaînes comme Fox ou Spike TV semblent intéressés, mais rien de concret pour l’instant. Comme à l’époque de l’émergence du punk, les gens sont encore frileux ! ».
Et d’exporter son Spike and Mike Festival à l’étranger : « en Europe, au Japon, les gens auront peut-être l’esprit plus ouvert. Hier à Annecy, nous avons touché 700 personnes : je veux en toucher 7 millions ! ».
A lire : Outlaw animation, cutting edge cartoons from the Spike and Mike festivals, de Jerry BECK.
Plus d’infos : www.spikeandmike.com
Pour envoyer vos vidéos au Sick and Twisted Festival : envoyez VHS ou DVD en NTSC ou PAL à l’adresse suivante :
Spike and Mike’s
7488 La Jolla Blvd
La Jolla, CA 92037
USA
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