Trigun : Le blues du pistolero

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Une terre sur laquelle le désert s’étend à perte de vue. Des petites villes isolées qui survivent difficilement. Des saloons enfumés dans lesquels des cow-boys tirent sur tout ce qui bouge. Tout cela ressemble à un bon vieux western, mais nous sommes en fait sur un monde post apocalyptique où la violence et la mort sont monnaie courante. C’est là que vit un certain Vash The Stampede, dit l’ouragan humain, dont la tête ne vaut pas moins de 6 milliards de double dollars. Tout un chacun le craint et sa présence dans une ville est le signe de sa prochaine destruction. Seulement voilà, l’homme le plus recherché au monde a surtout l’air d’un brave type un peu bébête. Surveillé par deux charmantes jeunes femmes, Meryl Stryfe et Millie Johnson qui travaillent pour les assurances Bernardelli, il va entraîner le spectateur dans de rocambolesques aventures.

L’introduction de la série est intéressante, puisque Vash est présenté comme un comique prompt à faire le pitre, poussant le spectateur à s’interroger sur sa réputation d’assassin. Mais si les premiers épisodes sont légers, c’est pour mieux évoluer vers un ton plus mystérieux. Vash est en effet un amnésique qui veut découvrir s’il est le responsable du cataclysme qui a fait de la terre ce monde désertique. Son insouciance n’est là que pour dissimuler son mal être : Vash est un écorché vif qui se refuse à ôter la vie, fut-ce au pire des monstres. Ce qui, du reste, n’empêche pas l’animé de proposer son lot de gunfight, bandits de grands chemins et séquences d’action musclées. L’humour est aussi présent à travers les personnages de Millie et Meryl dont les successives rencontres avec notre pistolero rythment agréablement les histoires. Cerise sur le gâteau, l’arrivée de Nicholas Wolfwood au neuvième épisode, un prêtre qui porte littéralement sa croix sur son dos et qui a une personnalité proche de celle de Vash. Le groupe de nos héros est bien constitué. Le spectateur pourrait croire que Trigun resterait un animé léger mais ce serait une erreur. A partir des épisodes douze et treize, le ton se fait soudain plus sombre et angoissant. De puissants ennemis, mené par le mystérieux Legato, font leur apparition et mettent Vash en danger. Pour un peu, certains épisodes feraient presque penser à du Lain ! L’humour se fait plus rare, les personnages souffrent et la violence est plus dérangeante. Vash révèle sa dimension tragique et Wolfwood un comportement ambigu. Quant à Millie et Meryl, elles se révèlent sous un jour plus adulte. La série continue ainsi jusqu’au final des épisodes vingt-trois à vingt-six, très réussis techniquement et qui concluent la série sur un gunfight épique digne de John WOO lui-même. Dis comme ça, Trigun présente toutes les caractéristiques d’un petit chef-d’oeuvre. Malheureusement, les bons ingrédients ne font pas toujours les meilleurs plats.

Ce qui mine le plus la série, c’est un mélange des genres pas toujours très réussi. Mêler l’humour à la tragédie est ambitieux, mais difficile. Ainsi, les changements de rythme au sein d’un épisode -voire au sein même d’une scène, ce qui est encore plus problématique- sont parfois mal gérés. On a l’impression que les producteurs ont cherché à réunir le plus d’éléments fédérateurs pour capter l’attention du public. Ainsi Meryl et Millie évoquent à la fois les animés Kawaï pour Otaku (en gros, des jolies filles gaffeuses) et un duo à la Gunsmith Cats. Elles nous sont présentées tout à la fois comme capable de se défendre (Meryl cache cinquante pistolets sous sa cape et Millie porte une mitrailleuse sous sa robe) mais totalement impuissantes à d’autres moments (capturées à répétition ou Millie qui ne semble plus aussi forte qu’avant). Cet aspect confus des personnages vaut aussi pour Vash et Wolfwood. Vash évoque tout à la fois Cobra pour son style acrobatique et son apparente nonchalance et Ryo Saeba pour son attitude libidineuse envers les femmes et ses revirements sérieux lorsque la situation l’exige. En plus, il faudrait rajouter l’influence d’un personnage de comics comme Wolverine pour l’aspect ” suis-je réellement un homme et puis-je maîtriser mes instincts ? “.
Quel melting-pot ! Si l’on prend Wolfwood, le problème persiste puisqu’il y a aussi en lui du Nicky Larson pour le style décontracté et viril, mâtiné de Lupin III pour l’aspect bouffon et roublard. Là encore, on peut imaginer qu’un personnage comme Gambit à pu plus ou moins servir de modèle. Autant dire que les deux héros ratissent large à la manière d’un animé comme Cow Boy Be Bop. Mais là où ce dernier puise ses influences pour les mettre au service d’une vision, le réalisateur de Trigun semble souvent se contenter de filmer sans réelle conviction son histoire.
Mais, le problème le plus sérieux vient des origines de Vash. Au fur et à mesure des épisodes on attend avec impatience de savoir ce qui lui est arrivé pour qu’il devienne le typhon humain que tout le monde redoute. Et quand le mystère est levé, le spectateur a envie de s’écrier ” Et c’est tout ! “. A aucun moment, n’est-on invité à se poser des questions. Aucun indice n’est là pour nous permettre de participer à la découverte. En plus, ses origines sont dévoilées subitement et sans raison. Autre exemple : à un moment de la série, Vash retourne voir des amis de son passé qui vivent sur un vaisseau volant. Aucune explication ne nous est donnée sur qui ils sont, d’où ils viennent et quand Vash les a précisément rencontrés. Il faudra attendre les derniers épisodes pour connaître de manière lapidaire les circonstances de leur rencontre !

On ne risque pas de se tromper en affirmant que la motivation essentielle du staff aura été de livrer un bon produit commercial fédérateur. La série tient en fait totalement grâce au charisme de ses héros. Qu’on y songe : Vash a un look qu’on n’oublie pas avec ses cheveux dressés sur la tête et son style à la mode des groupes de Visual Rock. Il porte un long manteau rouge et un pistolet stylisé qui lui donne un look terrible de rebelle solitaire. A cela s’ajoute des lunettes qui feraient la joie d’une fashion victim. Wolfwood a lui aussi un style remarquable, vêtu d’un costard comme les mafieux des films de Hong-Kong les affectionnent et traînant une énorme croix/arme à feux dont le concept est un petit bijou d’originalité. Nos héros sont des poseurs, qu’on se le dise ! Les méchants ne sont pas en reste avec un Legato au look sombre, sexy et mystérieux qui a du faire craquer les petites Japonaises et une bande de tueurs et bandits avec une tête, une attitude, et un design qui va du glamour joueur de saxo, au ridicule robot de combat. Tout est bien pensé jusqu’aux personnages féminins qui sont à la fois jolis et sensibles. Les filles, comme les garçons, seront donc ravies par l’apparence des protagonistes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la série a donné naissance, à l’instar d’un animé comme Love Hina, à tout un tas de goodies. Porte-clés, bustes, poupées, statues, CD… Preuve supplémentaire que la série a été bien pensée, elle a su aussi passionner le public américain, comme le prouve le nombre de publicités importantes concernant la série, et la sortie chez McFarlane Toys d’une figurine de Vash à côté d’autres grands héros d’animés.

Trigun n’est quand même pas un mauvais animé. Il est même plutôt agréable, bien que techniquement pas toujours au niveau de ce que réalise habituellement le studio Madhouse. En fait, il fait partie de ces séries comme Slayers ou Orphen qui s’avèrent être de bons divertissements mais qui ne défendent pas de réelles idées scenaristiques ou de mise en scène, même si on est en droit de trouver certains épisodes très réussis. La série est en cours de diffusion sur Game One et le 1er DVD édité par Dynamic Visions vient d’arriver dans les bacs. Il ne vous reste plus qu’à choisir votre arme !

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