Tristan et Iseut

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On fait donc tout d’abord la connaissance de Puck, facétieux hôte des bois et de sa fidèle petite fée Clochette… euh pardon, Teazle, qui nous serviront de guide pour cette « véritable histoire de Tristan et Iseut ». Fondu.
Pour échapper à un mariage arrangé, Tristan de Lyonnesse qui aspire plus à devenir chevalier, s’embarque pour la Cornouaille. Fortuitement il y rencontre Iseut, fille du roi Mark ennemi de son père, dont il tombe éperdument amoureux. Avec l’aide de Puck, Tristan vaincra le dragon du coin, déjouera les plans du perfide Ganelon, conseiller du roi Mark et unifiera les deux pays par son mariage avec la belle Iseut. Pour être honnête, le film commence bien. On se laisse porter par l’histoire, pourtant moult fois rabâchée, et l’on attend d’être surpris, séduit. Attente vaine, hélas, plus le film avance, plus la déception grandit. Scénaristiquement, le film se révèle sans surprise, linéaire, presque disneyien dans son manichéisme. Les vilains seront punis, les gentils se reproduiront comme des lapins.

Mais c’est techniquement que l’on en arrive à un haut degré d’incompréhension. Le film tente le pari d’être réalisé en motion capture intégrant de la 3D, ce qui certes n’est pas un petit défi. Mais celle-ci semble bien mal maîtrisée. La course de Tristan pour rattraper son cheval étonne : le héros a les pieds qui ne touchent pas le sol, ne s’adaptent pas aux décors. Ceux-ci sont certes très beaux, mais l’intégration avec la motion capture gène l’oeil. De plus, la plupart du temps, on assiste à l’animation d’un personnage sur fond fixe, et toute la façon de filmer tend à retrouver ceci le plus souvent possible.
Point d’animation de foule également pour la scène finale qui se déroule dans la ville étrangement vide de tout habitant. Les personnages eux-mêmes sont assez raides, aux visages peu expressifs, et l’on relève quelques problèmes de textures (transparence, brillance…) sur les vêtements ou les parchemins. Les vêtements, plus étonnant encore, sont assez mal animés : les animateurs font ainsi passer le vent dans les manches de Tristan, mais nulle part ailleurs dans son habit. On atteint le summum lorsque, ralliant Lyonnesse en bateau, Tristan sort du port maritime de Cornouaille et déploie ses voiles : horreur ! on s’aperçoit que toutes proportions gardées, le bateau ne pourrait pas passer la porte du port avec ses voiles dépliées. Une erreur de proportion qui laisse pantois.

Pantois, en effet, car on attendait un bon film de Thierry SCHIEL qui a déjà prouvé sa valeur de nombreuses fois. Issu des Gobelins, il fut animateur sur Astérix et le coup du menhir et Babar avant de devenir superviseur de séquences d’animation pour Steven SPIELBERG. Sa société de production (dont il fut PDG, administrateur, directeur et gérant), Oniria, travaille en outre sur une adaptation du Roman de Renard.
Alors que s’est-il passé ? L’auteur reconnaît que son travail n’est pas fini, le pari d’un film en motion capture était assez audacieux pour être très risqué, et avance que l’un des principaux problèmes vient de ce que l’animation fut faite en Europe. Certes, mais il apparaît après visionnage qu’inéluctablement, le film semble avoir pâti d’un manque de temps, ou d’argent, voire des deux.

Malgré quelques bonnes pioches et la présence toujours agréable de Jacques BALLUTIN au doublage, ce film, qui a généré 5 ans de travail, ne remplit pas plus ses objectifs qu’il ne remplira de salle. Au final donc, on se retrouve avec un film pour enfants au propos bien trop simpliste, qui tend vers du mauvais Disney, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en scène le baiser tant attendu entre Tristan et Iseut, un soir d’été, sous une pluie d’étoiles filantes et une envolée de flamands roses sur une musique et un chant kitschissimes.

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