Début novembre 2006, dix studio d’animation japonais étaient en France pour une rencontre avec les studios et les producteurs français, à l’occasion d’un séminaire organisé par l’Agence de développement de Paris Ile de France, du Jetro (Japan External Trade Organisation), l’AFCA (Association française du cinéma d’animation) et l’Association Nerima. Il s’agissait de créer des liens entre les différents interlocuteurs et de mieux connaître les différents systèmes économiques afin d’aboutir à de possibles co-productions.
Une première journée était consacrée à la présentation des différents interlocuteurs. Lors de la seconde, plusieurs visites ont été organisées pour mieux faire connaître le système de production français. Les Japonais ont ainsi pu voir l’école d’animation des Gobelins, France 3, les studios Mac Guff et Franche Connections Animation (qui regroupe entre autres Pumpkin-3D et Bibo Films).
La France et le Japon sont deux grands pays producteurs de dessins animés dont les règles économiques diffèrent grandement. C’est pourquoi jusqu’à présent les tentatives de coproduction franco-japonaises n’ont jamais été totalement concluantes. Dans certains cas, les Français s’occupaient de toute la préproduction (création des personnages, scénario…) ne laissant au Japonais que le travail d’animation en lui-même. En d’autres termes, l’élaboration artistique se faisait d’un côté et les tâches plus ingrates de l’autre.
Il faut dire que les systèmes de production sont très différents. La plupart des studios français cherchent à être subventionné par le CNC qui impose qu’une grande partie du processus de création et de fabrication soit fait en France ou du moins en Europe et certains pays où des traités de collaboration ont été signé (Canada). D’autre part, les diffuseurs ont un droit de regard bien plus important en Europe qu’au Japon où les studios d’animation sont plus indépendants par rapport aux chaînes de télévision. En France, une grande partie des séries est financée par le diffuseur qui demande régulièrement des changements dans les scénarios ou les animations. Ce droit d’ingérence n’existe pas au Japon où les anime sont sponsorisés par des entreprises. Celles-ci ont un poids financier réel et pourraient jouer un rôle comparable à celui des diffuseurs en ce qui concerne le final cut.
Le rythme de production est également très différent. S’il suffit de quatre mois aux Japonais pour produire une série, il faudra tout autant de temps pour que les différents interlocuteurs et décideurs européens lisent le scénario et fassent des corrections.
D’autre part, il est difficile d’évaluer ce qui est réellement rentable dans un pays ou un autre. Si les Mystérieuses cités d’or ou Ulysse 31 ont été des succès en France, ce n’est pas le cas au Japon. Les codes culturels divergent et ce qui fait sourire les uns peut choquer les autres. La violence n’est pas ressentie de la même manière en France et au Japon. C’est pourquoi les diffuseurs ou les sponsors sont toujours plus ou moins enclins à effacer ce qui ferait trop français ou trop japonais afin de séduire un maximum de publics, ce qui tend à édulcorer l’oeuvre originale.
Un rare exemple récent de co-production avec le Japon, Oban Stars Racers, a tenté de renouveler le schéma économique et artistique liant studios occidentaux et japonais. Toute l’équipe artistique principale du studio Sav the World s’est en effet établie au Japon pour créer une véritable collaboration avec leurs partenaires japonais – ce qui ne s’était jamais fait auparavant a un tel niveau. Si la série marche en Europe et en Amérique, la diffusion au Japon n’a pour l’instant commencé que sur le câble. Il faudra encore attendre quelques mois pour véritablement connaître les réactions du public japonais dans son ensemble, les négociations étant actuellement en cours pour une diffusion prochaine sur une chaîne hertzienne.
Que sont venus chercher les studios japonais en France ? Bien des choses divergentes. Le Studio Cats est un prestataire de service qui propose plusieurs équipes d’animation dans différents pays d’Asie. Office Pri-on cherche des financements pour la production d’un long-métrage adapté d’une oeuvre de Leiji Matsumoto (Sexaroïds), tandis que Hibari propose de créer une nouvelle série du Captain Harlock (Albator). Broccoli Co souhaite développer ses licences à l’étranger tandis que Studio-Za Endo cherche un diffuseur pour un long-métrage. Bien d’autres étaient intéressés par la création d’anime à destination d’un très jeune public (preschool), séries encore peu courantes au Japon alors que c’est le cas en France.
La plupart des studios japonais présents, mis à part la Toei animation, ne sont pas des acteurs très connus du marché nippon. Ils viennent tous de Nerima, un des vingt-trois arrondissements formant Tôkyô. C’est là que Tezuka avait implanté son premier studio d’animation. Notons que, par ailleurs, Nerima a été le lieu de creation du premier film anime couleur, Hakujaden (Toei), et de la premiere serie TV, Astroboy (Tezuka Pro.)
Que recherchent les Français ? Des partenaires qui puissent être à la fois des investisseurs financiers, des interlocuteurs possédant un savoir-faire technique de qualité et un diffuseur. À l’heure actuelle, il est difficile de dire si des contrats ont été signés à la fin de ce séminaire. Mais ce qui est sûr, c’est que de nouvelles tentatives de collaboration ont été évoquées.
Les studios japonais en visite en France :
Studio Cats, Inc
Studio-Za endo Inc
Retrouvez des mini-interviews avec plusieurs studios présents lors de cette rencontre en cliquant ici.
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