Je viens de regarder Cult, la nouvelle émission typée “djeuns” et “culture urbaine” de France 5. Avec Ray Cokes à la présentation, des petites interventions humoristiques, plutôt alléchant.
Mais.
Outre la formule de l’émission “plateau déjanté avec des plans de caméra à la moirmoil’, tout le monde qui parle en même temps pour faire vivant et l’intervention récurrente de 4 internautes en direct via leur webcam”, c’est surtout l’inauguration de la rubrique BD dont j’ai envie de parler ce soir :
Une rubrique BD récurrente dans une émission à destination des 15/30, à un horaire raisonnable (bien que la diffusion à 19h, soit non accessible sur le canal hertzien, puisque c’est l’heure de décrochage de France 5 pour le passage de relais à Arte), c’est enthousiasmant.
Mais il ne suffit d’avoir une petite gueule lookée et du bagoût pour défendre les couleurs d’une discipline. Les deux coups de coeur du jour donc, Marjane Satrapi pour son “Poulet aux prunes” et Jiro Taniguchi pour le 2e tome de “Quartier lointain” (présenté comme une nouveauté, alors qu’il est quand même sorti en juin 2003 – raclement de gorge – mais passons). Sélection plutôt intéressante donc, si ce n’est :
– la gentille présentatrice, un peu paumée dans ses fiches, a délibérément transformé le nom de Marjane Satrapi en “Marsapi”, n’ayant visiblement pas de grande acointance avec l’auteur,malgré la véhémence convaincue avec laquelle elle présentait les thèmes abordés dans Persépolis, une BD dont tout le monde parle quand même depuis plus d’un an
– concernant Taniguchi, toujours la même déférence en vogue depuis l’an dernier. Passons sur l’éternel débat concernant l’affiliation franco-belge du trait de l’auteur “oui, mais c’est pas vraiment du manga”, maladroitement recadré par notre animatrice “ah mais si si, c’est de la bande dessinée de manga (sic), et il se trouve que Taniguchi est le maître du manga !”, affirmation péremptoire apposée non comme un avis subjectif, mais plutôt comme une réalité sociologique et historique du Japon lue sur une brève de l’AFP, et revenons encore une fois sur la petite flèche décoché par l’un de nos sympathiques internautes (les “bloggers”) – via sa webcam -, soutenu par l’invité du jour, Bernard Werber (qui soi dit en passant s’auto définit comme le chantre de la littérature underground, avant gardiste et incompris, mouarf) je cite de mémoire : “Taniguchi traite de thèmes comme la nostalgie, ça parle beaucoup dans ses cases, contrairement aux manga qui parlent d’action et d’érotisme. D’ailleurs, manga veut dire ridicule au Japon”. Glurps. Encore une fois, c’est à se demander si la mise en avant d’auteurs comme Taniguchi – et la politique de communication d’éditeurs comme Casterman, via des slogans comme “une fois que vous aurez lu un Sakka, vous ne pourrez plus lire un manga” – fait plus de bien ou de mal à la réception du manga en France (lire à ce sujet notre revue de presse sur le Yéti du mois, et son savoureux article “MON manga dans TA gueule ou MA manga dans TON cul”).
Ces critiques ne sont pas destinées à dénigrer toute tentative d’approche de la BD par des non spécialistes, et je n’ai pas pour habitude de cracher sur France 5, l’une des seules chaînes du PAF qui me fasse payer ma redevance sans trop de pincement au coeur.
Néanmoins, je pense aussi qu’il est important, quand on prétend défendre un sujet, de se renseigner auparavant : tout le monde a le droit de s’attaquer à n’importe quel sujet, aucun domaine n’est la chasse gardée de personne, mais la moindre des choses est de bachoter avant, a fortiori lorsqu’on a la responsabilité d’une émission télé.
Coup de gueule du soir, bonsoir
:pingu: