Je me permets de vous faire part de ma réaction à la lecture de la revue de presse du site consacrée au Chronic’art # 19, et notamment au commentaire portant sur l’interview de Hirata Hiroshi que j’ai recueillie. Ce passage me semble induir un contre-sens et donc mériter une petite mise au point.
Je cite: “Julien BASTIDE (ex-journaliste au Virus Manga) y recueille les propos d’un HIRATA assez cynique, nonchalant, voir limite méprisant vis-à-vis de son travail d’auteur. Il faudra faire, un jour, une étude sur le non intérêt des mangaka pour leurs œuvres : rien de plus troublant que de lire les propos d’un artiste admiré, et dont on apprend qu’il ne travaille uniquement pour nourrir sa famille.”
Je ne crois pas que Hirata Hiroshi fasse preuve du moindre cynisme lorsqu’il affirme, comme c’est le cas dans cet interview, ne faire de la bande dessinée que pour subvenir aux besoins de sa famille et ne pas sombrer dans la pauvreté, réfutant implicitement la posture de l’artiste au profit de celle de l’artisan. Comme il le rapelle lui-même, Hirata est d’origine modeste et s’est lancé dans la bande dessinée en partie par hasard, et au départ du moins, uniquement pour gagner sa vie, à une époque ou cela représentait pour lui la seule alternative à une vie d’ouvrier. Il faur savoir que c’est également le cas de nombreux d’auteurs de sa génération, notamment dans le registre du gekiga. Yoshihiro Tatsumi, l’initiateur de ce courant adulte et réaliste, ne nous confiait-il pas lui aussi, lors de sa venue au Festival d’Angoulême en janvier dernier, se considérer plutôt comme un ouvrier que comme un auteur?
Mais cela ne signifie pas pour autant que Hirata fasse preuve de désintérêt envers son propre travail. Je pense même au contraire, comme il l’exprime lui-même dans l’interiew, que cet auteur accorde un soin considérable à ses bandes dessinées ; leur exceptionnelle qualité graphique et la reconstitution historique minutieuse sur laquelle sont fondés ses récits suffisent largement à en témoigner. Simplement, Hirata ne perd pas de vue que malgré tous les efforts qu’il peut vouer à son travail, celui-ci reste avant tout un moyen de subsistance, et pour le coup particulièrement éreintant dans le contexte productiviste de la bande dessinée japonaise. Cette posture, que l’on peut interpréter comme une extrême modestie mais en aucun cas du mépris ou de la nonchalance, me semble surtout caractéristique d’une forme de relativisme venant de la part de quelqu’un qui n’a peut-être pas toujours mangé à sa faim. A méditer.