Les Mages Noirs du Chaos, Livre IV
– Sais-tu donc ce qu’est cette chose, cher disciple ?
Akiko tira une feuille de papier de sa poche, soigneusement pliée en quatre.
– Un papier ? avança Vongola au hasard, perplexe. Peut-être une lettre ?
La Maîtresse du Chaos ricana.
– Erreur, mon petit, erreur !
Elle déplia lentement la feuille. Ses yeux brillèrent d’une lueur de folie, tandis qu'un rictus mauvais s’esquissait sur sa bouche.
– C'est un arrêt de mort.
Peu avant le départ de toute l’école à Ibuta, Akiko avait reçu une curieuse missive, dépêchée par un hibou pouilleux : "Je ne nuirai pas à ton chat s’il ne s’approche pas de moi et si tu oublies Nael. Baklael, élève à Serpentard". Tout d’abord interdite, elle avait éclaté de rire devant la grossièreté de l’action. Ainsi donc, un gamin se croyant plus fort que tous osait la défier ? C’était tout simplement ridicule, insensé, burlesque presque ! Mais il fallait reconnaître que la plaisanterie était bonne, très bonne. Tellement collector qu’Akiko avait décidé d’ouvrir un nouveau cahier, un recueil de blagues où elle consignerait avec soin ce courrier et toutes les autres lettres de menaces à venir. Au moins, si tout venait à disparaître dans le Chaos, elle emporterait ce carnet dont la lecture lui garantirait une bonne humeur quotidienne.
– Il est temps que je te donne une petite leçon d’Imperium Vongola, déclara-t-elle. Et nous allons donner un cours de savoir-vivre à ce sorcier noir du dimanche.
Akiko savait le désordre mental dans lequel elle avait laissé le petit Serpentard de pacotille, à sa sortie de la Salle sur Demande. Elle avait lu dans ses yeux tant de confusion, et ses joues avaient viré à un tel niveau de rouge écarlate, qu’elle se doutait bien qu’il déplacerait sans tarder son précieux œuf de basilic. L’occasion était trop belle pour ne pas être saisie ; elle allait fait d'une pierre deux coups.
Depuis plusieurs soirs déjà, les membres de l’Ordre des Mages Noirs du Chaos se relayaient dans le couloir du septième. Enfin, au bout de plusieurs semaines d’attente, la montre volée à un petit Serdaigle afficha un message en provenance de Sellenee : « Il sort son œuf. Faites-vite ».
Akiko sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Enfin, c’était le grand soir !
Elle courut aussi vite que possible à la Salle sur Demande. Vongola était déjà là, tout essoufflé et les yeux hagards, une page d'un livre de potions encore imprimée sur sa joue. Sellenee, quant à elle, tenait Baklael en respect, baguette levée. Les yeux vides, celui-ci suivait le moindre de ses mouvements avec docilité, sous le coup d’un puissant sortilège.
– Impero !
Akiko avait levé sa baguette à son tour. D’une volonté ferme et puissante, elle ordonna au Serpentard de se diriger vers la Forêt Interdite, en prenant garde à son sac à dos qui contenait l’œuf convoité.
– C'est bon, il va marcher tout seul maintenant, affirma-t-elle d’une voix satisfaite. Ne vous privez pas de lui donner des ordres annexes, surtout toi Vongola. On n’a pas souvent l’occasion de s’exercer avec un aussi bon client !
Le Disciple de l’Apocalypse jeta un œil timide au grand rouquin qui partait maintenant vers l’escalier d’un pas résolu. Que pouvait-il bien lui ordonner de plus ?
– Je peux ?
Sellenee prit la main avec une satisfaction non dissimulée.
– Voyons-voir s’il peut descendre les escaliers au Moonwalk.
Baklael se mit soudain à cracher des sons avec sa bouche, en fredonnant une chanson moldue intitulée « Billie Jean » (me semble-t-il). Ses pieds glissèrent sur le sol alors qu’il marchait en arrière, bousculant allègrement Rozen Angel et Félicitée qui passaient par là. Les deux jeunes femmes lui lancèrent un regard noir, emprunt d’étonnement. Que fabriquait donc leur collègue, avec cette attitude étrange ? Sans chercher à comprendre, elles se détournèrent.
– L’escalier risque d’être dur à négocier…, s'inquiéta Vongola à mi-voix.
Après avoir tenté le coup et ramassé Baklael les quatre fers en l'air sur le palier du sixième, Sellenee décida qu’il était moins dangereux de le faire glisser sur la rampe. S’il existe une entité supérieure au-dessus de nous, nul doute qu’elle était avec le pauvre Baki ce jour-là ; c’est par miracle qu’il parvint au rez-de-chaussée sans la moindre nuque brisée.
Davantage d’élèves circulaient dans le hall, mais Sellenee ne leva pas le sort pour autant. Après tout, s’il avait vaincu l'escalier, il pouvait bien vaincre le ridicule… ou pas. Bub observa sa chorégraphie avec grand intérêt : l’impact de la pop-culture moldue sur le monde sorcier était décidément un vaste sujet, qui pourrait bien faire l’objet de son second mémoire.
Baklael se heurta à Otakugirl puis à Kinara, envoyant ses livres et sa bouteille de jus d’orange voler dans toutes les directions.
– Tu peux pas regarder où tu vas ?
Le Serpentard se retourna sur elle, les yeux flamboyants.
– Laisse-le-moi Sellenee, s’il te plaaaaît !!! frétilla Akiko, visiblement très enthousiaste.
Sellenee obtempéra, tandis que son amie brandissait sa baguette.
– Tu me cherches ou quoi…
– Tu me cherches ou quoi, lança Bakael avec colère.
Il décoiffa ses cheveux et les hérissa de mille pointes.
– Très bien, si c’est ce que tu veux, c’est l’heure du du-du-du-du-du-DUEL !!!
Kinara, impressionnée, ravala sa salive, ramassa cliques et claques et déguerpit.
Crabbe, qui avait observé toute la scène, leva ses sourcils surpris aussi haut qu’il le put.
– Tu es sûr que tout va bien Baklael ?
– Hum, oui oui, répondit celui-ci en tournant les talons.
Mais Akiko se ravisa. Elle avait noté le lien ambiguë entre Baki et « son gros Crabbe », et comptait bien pousser le bouchon…
Baklael fit volte-face, les joues toutes roses.
– En fait non, mon gros Crabbe. Je dois t’avouer quelque chose qui me pèse sur la conscience depuis trop longtemps déjà…
Le garçon le regarda s’approcher avec un mélange de curiosité et de crainte. Cette attitude était de plus en plus étrange, presque effrayante !
– C’est gênant à avouer vois-tu, surtout à un être faible tel que toi, mais j’aime bien cette petite expression que tu as lorsque je te réprimande, en fait j’aime beaucoup de choses chez toi, et…
Sellenee et Vongola s’esclaffèrent derrière les manches de leur robe.
Baklael marqua une pause, à présent rouge comme une tomate.
– Tu sais, ce n’est pas facile d’avouer ses sentiments à quelqu’un, alors…
Il fit un pas vers Crabbe. Mais à la surprise des Mages Noirs, celui-ci ne recula pas d’un poil. Il avait à son tour viré au cramoisi, ses yeux semblaient complètement troublés.
– Je comprends ce que tu veux dire, tu sais moi-même…
Vongola, Akiko et Sellenee échangèrent un regard interloqué… puis, ne pouvant se retenir plus longtemps, hurlèrent de rire en se tenant le ventre.
– C’est trop, c’est trop ! articula Akiko tant bien que mal. Vongola, tu ne dois pas voir ça !
Baklael recula et fit un signe de la main à « son gros Crabbe ».
– On se voit ce soir…
L’intéressé approuva d’un « oui » timide de la tête.
– Mwahahahahahaha !!!
Akiko dût faire tous les efforts du monde pour se reprendre. Baklael avait maintenant franchi la grande porte et marchait dans le parc de Banquiselard.
– A toi Vongola, amuse-toi un peu !
Celui-ci prit la main à son tour et s’exerça à l’Imperium tout au long du chemin. Baklael raconta ainsi tour à tour des blagues potaches aux corbeaux qui passaient par là, confondit une citrouille avec son cousin Jean-Pierre, exécuta une magnifique Danse des Canarticho, j’en passe et des meilleures.
Enfin, les choses sérieuses reprirent, dès qu’ils arrivèrent à la lisière de la forêt interdite.
– Nous allons attendre ici, déclara Akiko. Il va y aller tout seul.
Elle le fit s’enfoncer sous le couvert des arbres, contrôlant par la pensée ses moindres actions, se projetant à travers ses pupilles pour voir le terrain. Après une longue marche, il finit de traverser le territoire des accromentules et parvint aux terres du domaine des basilics.
– Basilic, amène-toi ! siffla le Serpentard en Fourchelang.
Les feuilles tressaillirent aux alentours. Baklael était observé, peut-être même cerné.
Il tira l’œuf de Nael de son sac à dos et le posa par terre.
– Alors, où sont les parents de cet ignoble garnement ? Vous savez, celui que j’ai volé ? Non parce que vraiment, Nael est une plaie, je ne m’en occuperait pas une seule seconde de plus vous m’entendez, pas une SEULE SECONDE !!
Des yeux jaunes flamboyants percèrent à travers un buisson. La forme glissa silencieusement sur le sol, sinueuse, gigantesque. Elle se dressa devant Baklael, menaçante, la gueule grande ouverte.
– Ainsi donc, c’est toi le sinistre voleur qui a pris Nael…
Une seconde forme se profila à travers la végétation, puis une troisième.
– Tu vas le payer de ta vie !
Le basilic fondit sur le sorcier apeuré, qui roula sur le côté en évitant ses crochets. Rapide comme l’éclair, un second basilic se rua sur lui, le manquant de peu mais arrachant un pan de sa robe.
L’un des serpents géants siffla ce qui ressemblait à un rire.
– Tu es fini, ça ne sert à rien de résister !
– Sectumsempra !
Le basilic fit un écart, le sort manqua sa cible. D’un coup de queue, il envoya le jeune homme s’écraser sur le tronc d’un arbre.
– A la base, je ne voulais pas le tuer, s’inquiéta Akiko. Il est tellement drôle avec ses blagues… Sellenee, sauve-le ! Ainsi, nous pourrons encore jouer avec lui.
Sellenee leva les yeux au ciel. C’était toujours la même chose, à chaque fois c’était elle qui devait sauver les ennemis, les rafistoler pour que leur torture dure encore et toujours…
– Quoique, l’idée en elle-même ne me déplaît pas, pense-t-elle avec satisfaction.
Elle prit la relève et lança l’Imperium.
Baklael se redressa difficilement, la tempe en sang.
– Endoloris !
L’un des basilic fut frappé de plein fouet et s’écroula sur le sol, secoué de spasmes violents.
Furieux, les deux autres se précipitèrent sur le jeune humain, qui choisit l’option fuite.
– Plus vite, plus vite, cours !!!
Baklael courait en zigzag entre les arbres, comme jamais il n’avait dû courir de toute sa vie. Sa baguette lançait des sorts compulsifs sans toucher ses ennemis rapides.
– Endoloris ! Endoloris !
– Lance un Feudeymon ! cria Akiko. Tant pis si tout doit cramer, ça nous fera un peu de pub.
– Feudeymon !
Des flammes immenses surgirent entre les serpents et Baklael, qui réussit à prendre un peu d’avance sur ses adversaires. Ceux-ci reculèrent instinctivement mais n’abandonnèrent pas pour autant. Ils se lancèrent de toute la vitesse de leur corps élastique à travers le feu, avec une rage rarement vue.
– Ils ont traversé !
– Impedimenta !
– Déroute-les ! Attaque les yeux et les oreilles !
– Assurdiato ! Conjonctivis !
Une gueule béante s’abattit sur Baklael, puis une seconde. Heureusement, les réflexes de Sellenee étaient bons, mais la situation était inextricable.
– Il est foutu…
Baklael n’avait plus la force de courir. Un coup de tête l’envoya à nouveau rouler sur le sol, les os de ses membres craquèrent avec un bruit sourd.
– Il lui faut une volaille d’urgence, lança Akiko. Accio coq !
– Accio… coq, réussit à articuler le Serpentard, malgré sa mâchoire brisée.
Un poulet ahuri surgit entre les arbres, arraché de force à la paisible basse-cour d’Hagrid. Les yeux jaunes des basilics s’emplirent d’horreur devant le petit animal : s’ils entendaient son chant, ils tomberaient aussitôt morts ! Sans attendre la funeste échéance, ils prirent leurs écailles à leur cou et s’évanouirent entre les arbres.
– Accio Baklael !
Le corps du jeune sorcier lévita entre les arbres, avant de s’écrouler aux pieds des Mages Noirs.
– Il a pris cher, sourit Akiko, satisfaite. Ca lui fera une bonne leçon.
– Comment veux-tu que je soigne ça ?! s’indigna Sellenee. C’est un miracle qu’il respire encore !
– Vraiment Akiko, tu aurais pu abréger ses souffrances, déclara une voix grave.
Sebby trottina tranquillement vers le petit groupe, à peine visible dans la pénombre du soir.
– Je hais soigner mes ennemis, mais si c’est pour prolonger leur souffrance, alors…
Le chat lança un sortilège qui aveugla momentanément tout le monde.
– Ile ne veut pas que je vois sa vraie forme, pense Akiko, furieuse d’avoir été prise de vitesse.
Quand le sort se dissipa, Baklael dormait paisiblement. Le sang sur son visage avait disparu, ses os ne décrivaient plus des angles étranges ses vêtements étaient même comme neufs.
– J’ai effacé tous ses souvenirs, de tes agissements comme de son œuf. Il ne se rappelle plus de rien, à part qu’il est un gentil sorcier ordinaire élève à Banquiselard.
– C’est irréversible ? demanda Vongola, impressionné.
– Absolument. Ces données sont à jamais perdues, rien ne pourra les ramener. Rentrez vite, avant que tout le monde ne débarque ici.
Le chat contempla la forêt, dont le cœur se consumait toujours suite au sortilège de Feudeymon.
– Je vais éteindre ça pour le moment. Je le relancerai ce soir avec quelques flammes supplémentaires et une Marque du Chaos. Restez dans la Grande Salle d’ici là.
Vongola, Sellenee et Akiko repartirent vers le château. Baklael marchait devant eux, à nouveau sous leur emprise.
Ce soir-là, dans la Grande Salle, Baklael se réveilla d’un long rêve en mangeant une cuisse de poulet grillé. Un moment troublé, il reprit rapidement ses esprits, pensant à un vertige ponctuel… Peut-être la fatigue. Il ne comprit pas l’attitude bizarre de Crabbe, mais remarqua ses regards insistants qui le mirent mal à l’aise…
Des cris retentirent soudain, tandis que la porte s’ouvrait à la volée.
– Le feu, le feu…, hurla Hagrid, complètement affolé.
Le directeur Feanor se leva vivement.
– La forêt…, balbutia le semi-géant. La Marque du Chaos !
Des gémissements apeurés s’élevèrent des tables, un mouvement de panique s’empara des étudiants comme des professeurs. Dans un même élan et une forte bousculade, tous sortirent du château pour constater les dégâts.
Après le bâtiment principal, c’était maintenant la Forêt Interdite qui se consumait de plusieurs départs d’un feu qui n’avait rien d’ordinaire. Dans le ciel, l’étoile à huit branches de la Marque du Chaos brillait de tous ses feux, rappelant à tous que la menace planait toujours… Et qu’elle était sur eux.