Bon… ça part un peu en cacahuète… Vous êtes en train de déformer mes propos et de vous éloigner du débat initial. Alors je recadre. Je n'ai jamais dit que Hana était malheureuse à cause de sa vie à la campagne ni que celle-ci était malsaine.
Pour moi, Hana est malheureuse parce que : elle est orpheline, elle n'a pas d'amis, aucun loisir, aucun projet d'avenir… quand elle rencontre un mec et qu'elle choisi d'essayer de le séduire (pour une fois qu'elle choisit, elle se plante), elle trouve le moyen de tomber sur le seul mec qui cache un super secret qu'il est le seul à avoir et qui sera dur à porter. Puis arrivent les deux grossesses, pas forcément faciles, et les accouchements… idem… Puis la mort de père-loup, et la façon dont il est traité devant elle (Hosoda est un vieux sadique, en fait !)… On passe ensuite à l'éducation des enfants comme un truc hyper difficile (nuits de 4h, bordel sans nom…)… Des enfants qui n'écoutent rien et n'en font qu'à leur tête (sales mioches !)… Puis les difficultés liées à la ville (maladie, DDASS…). Elle s'isole alors à triffouilli les oies, retape SEULE une vieille bicoque que ses gamins prendront un malin plaisir à sacager derrière… Et puis arrive la scène du jardinage… et l'échec de la première récolte… Soit Hosoda est ultra-sadique, soit Hana avait un karma hyper chargé ! Puis le stress du secret, puis les problèmes de l'école, puis le job qui rapporte presque rien, la scène dans la montagne (ours, chute…) puis le départ brutal des enfants et, enfin, le retour à la solitude. ça fait quand même beaucoup pour un seul personnage dans un seul film… Je trouve. Surtout un film qui se présente (ou se voit) comme beau / joyeux / un hommage / touchant.
J'ajoute que Hana subit plus qu'elle ne choisit. Ses seuls choix ont été :
– d'aller vers père-loup (le début des emmerdes)
– médecin ou vétérinaire (plus une volonté comique que la possibilité de laisser de vraies options à notre héroïne)
– la région dans laquelle ils allaient vivre ensuite
– la maison, qu'elle a pris sur un coup de tête, sans même chercher à voir l'autre que lui proposait l'agent immobilier et qui était peut-être mieux
Et pour tout le reste, elle est d'une passivité exemplaire.
Je réponds maintenant à rebours :
Akiko :
– “Et si vraiment cette vie ne convient pas, on peut déménager.” : Pour rester dans le film, Hana n'a pas le choix quoi qu'il arrive, puisqu'elle prend cette option pour être tranquille. Donc plus facile à dire qu'à faire.
– “Pour l'isolement je ferai aussi remarquer que ville ou campagne c'est le même combat” : Raison de plus pour ne pas en rajouter des caisses comme l'a fait Hosoda qui s'acharne quand même sur elle.
– “je rappelle tout de même que les gamins hurlent dans l'immeuble” : Des gamins qui hurlent, on les fait taire. Pour que les voisins se plaignent, c'est que c'est déjà régulier. C'est en laissant courir à cet âge-là qu'on obtient des gamins capricieux. (De ce point de vue, le personnage de Yuki est cohérent de bout en bout, y a pas de problème…) Et dans ce cas-là, c'est la faute du parent qui a un déficit d'autorité. Je ne vois donc pas pourquoi je prendrais la défense du parent et ferais preuve de compassion à son égard. Héroïne ou pas.
– “Un enfant qui se transforme en loup à mon avis…” : Ce qui nous ramène à la question à 1 million… Pour raconter les déboires d'une mère et rendre hommage à son rôle essentiel dans l'éducation de ses enfants, quel est, concrètement, l'intérêt d'y intégrer un élément fantastique, et du loup garou en particuliers ?
Plus globalement, Hosoda pouvait très bien se focaliser sur le stress causé par la ville et le coût excessif de la vie pour justifier un départ à la campagne. ça ne changeait rien à l'évolution du récit, ça valorisait la vie à la campagne, ça n'impliquait aucun jugement sur les personnages (mère ou voisins ou services sociaux) et ça aurait montré un vrai choix de vie de la part de Hana. Un simple détail aurait pu modifier radicalement la perception de toute cette séquence, sans en modifier le contenu ni l'évolution de l'histoire.
Passons à Tom…
– “tu admets qu'élever un enfant peut être difficile.” : je n'ai jamais prétendu le contraire. Je dénonce simplement le fait que Hosoda (qui a reconnu ne pas avoir lui-même d'enfants) présente l'éducation comme un vrai chemin de croix. Alors que, comme le disait Sharbett, chaque cas est différent et que ça peut très très bien se passer.
Ces dix dernières années, les Japonais ont été confrontés à trois problèmes de taille :
– abandon des campagnes au profit des villes,
– baisse drastique de la natalité (sachant que ceux qui choisissent de faire des enfants en font généralement plusieurs),
– abandon des vieux (parents).
Or. Que nous montre le film de Hosoda ?
– que vivre à la campagne c'est compliqué si t'as pas de voiture ni le permis (le vélo à trois dans les pentes qui montent, c'est hard, surtout sur 15 km), que la nature est hostile (bêtes, jardinage…) et que les gens de la ville en général ne tiennent pas 3 mois (ce qu'on nous dit 2 fois !). Sans parler de la difficulté de trouver un travail en adéquation avec ses études ou compétences.
– que faire des enfants c'est compliqué, surtout avec un père absent, que ce sera difficile et que ça nécessitera une tonne de sacrifices
– et, à la fin, les gamins ingrats abandonnent leur pauvre mère
En clair, tout ce qui faut pour agraver la situation ^_______^
Et pendant ce temps-là, Hiromu Arakawa (Fullmetal Alchemist) réalise une comédie péchue qui présente de façon ludique et positive le cursus pour devenir agriculteur et tout ce que ça peut apporter de bien malgré les difficultés du métier…
Citation
Hana et papa loup ont deux enfants à un an d'intervalle. Comme ils n'ont plus leur propres parents (on ne sait pas ce qu'est devenue la mère de Hana), ils doivent tout apprendre par eux-même.
Et se poser la question AVANT de faire les gamins, non ? Trop facile ? Elle apprends que son mec est un homme loup, et le premier truc qu'elle fait c'est coucher avec sans contraceptif… Baaah… C'est quand même l'art et la manière de se créer des problèmes… (sans compter qu'une nouvelle fois on essaye de nous inculquer que donner la vie est une preuve d'amour ultime… Si ça c'est pas de la pression sociale…)
Citation
comment penses-tu que réagiraient la plupart des gens/médecins/baby-sitter s'ils voyaient que le môme qu'on leur a confié se transformait tout d'un coup en loup? […] Si tu comprends que Hana vit dans la peur constante de la réaction des gens s'ils découvraient le secret de sa petite famille, j'espère que tu peux comprendre pourquoi elle est obligée de s'isoler et de s'occuper de tout toute seule.
Contrairement à Hana, je couche pas avec n'importe qui, et dans mon quotidien, j'envisage les conséquences avant d'enclencher les causes.
Citation
Tu crois qu'en deux heures on a le temps d'expliquer tous les petits détails de sa vie
Déjà, vu le nombre de scènes contemplatives qu'il nous a balancé pour faire joli, il aurait eu le temps de rajouter des détails… Ensuite, quand un réal choisit d'explorer la vie d'une personne sur une longue période il est forcé de faire des choix, c'est évident. C'est pour ça que chacun d'eux est important : soit parce qu'il s'agira d'évènements représentatifs dans la vie du personnage, soit parce que ce sont ceux qui l'ont amené à se construire. Dans tous les cas, ils amènent le spectateur à avoir une vision précise du personnage. Ce n'est peut-être pas la seule, mais c'est celle que le réalisateur voulait qu'on voit. Je considère donc que ce qu'on voit dans le film est représentatif de la réalité et du quotidien de Hana.
Quelqu'un a d'ailleurs fait remarquer que si les enfants avaient toujours les mêmes fringues, Hana changeait souvent. Ce détail ne m'a pas marqué, perso, mais ça montre bien que les choix du réal influencent notre perception des personnages.
Citation
Je te rappelle que Hosoda a quand-même une histoire à raconter et qu'il doit un peu tailler dans le vif pour que tout ça tienne dans son film et que le spectateur ne lâche pas prise entre-temps.
C'est son job, c'est lui qui a choisi. Et j'ai le droit de ne pas aimer ses choix 😁
Sinon, j'ai profité du petit dej pour revoir Totoro… Alors, je ne vais pas faire de comparatif avec les Enfants Loups parce que c'est clairement un mix entre Twilight et Totoro pour les éléments clés, ça fait un peu peur…
Mais l'approche de Miyazaki est totalement à l'opposé de celle de Hosoda. Contrairement à ce que tu disais, le père est visible pendant la moitié du film (soit une quarantaine de minutes quand même – dans mon souvenir, c'était beaucoup moins, avec moins de répliques aussi). Lorsqu'il est absent, il est remplacé par Totoro. La mère à l'hopital apparaît 3 fois (et tjs avec le sourire malgré la situation) : la première, ses filles viennent la voir pour prendre soin d'elle. La seconde, elles lui écrivent et lui font un petit dessin pour lui remonter le moral, et la dernière, elles veillent discrètement sur elle du haut de l'arbre et lui offrent un épi de maïs en cadeau. Si le père n'est pas franchement tactile (la gd-mère d'à côté l'est beaucoup plus) avec ses enfants, il n'en reste pas moins prévenant, attentif, attentionné, de bon conseil et toujours avec bienveillance. Les gamines jouent bcp mais n'en oublient pas de rendre service en effectuant des petites tâches à droite à gauche. Quand ils arrivent dans la maison, la vieille voisine se précipite pour se présenter et les accueillir, s'excuser de ne pas avoir mis d'ordre avant leur arrivée et proposer son aide. Plus tard, Satsuki passera également chez elle, il y a un véritable échange. Et lorsque Mei disparait, TOUS les gens du coin partent à sa recherche (oui, le père est absent – mais c'est l'arrivée de la lettre juste après l'annonce de sa rentrée tardive qui entraine la disparition de Mei). Chaque scène (y compris celles du générique de fin qui prolongent l'histoire) met en avant l'aspect collectif, les préoccupations des protagonistes pour la personne en face. Il y a une vraie empathie pour autrui. Ce qui n'arrive que rarement dans les Enfants Loups (je dirais 3 à 5 fois maximum), beaucoup plus centré sur la solitude et l'égoïsme.
Sharbett :
Citation
Sans doute parce que je considère qu'avant d'évoluer, il faut se protéger, et qu'il est vain de lutter pour faire changer des gens qui ne veulent pas s'en donner la peine.
Mais pourquoi vouloir faire changer les autres ? Attention à ne pas confondre “s'assumer” et “s'imposer”. Assumer ses différences pour être soi-même épanouï ne doit pas impliquer d'imposer ces mêmes choix à autrui.
Citation
Dans des conditions de solitude et de précarité, c'est difficile.
Je suis à la fois d'accord et pas d'accord. Pas d'accord, car ce n'est pas en restant isolé qu'on sort de la précarité. Au contraire. Et c'est bien pour ça que je n'ai pas aimé le propos du film parce que tout conduit l'héroïne a rester enfermée dans sa solitude. Mais je suis d'accord : ce n'est pas facile d'en sortir quand on est dedans.