Son nom est injustement méconnu en France, pays qui avait toute son affection. Avec AnimeLand, (re)découvrez Eiko Hanamura, pionnière du shôjo manga décédée à 91 ans… dont 61 de carrière.
Descendante d’une longue lignée de marchands, les Shobei Sagamiya, l’artiste voit le jour en 1929, dans la ville de Kawagoe, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Tokyo. Peu après sa naissance, son père divorce et, avec une mère absente, la petite-fille se retrouve élevée avant tout par sa grand-mère, pourtant en charge du commerce familial. Cette dernière décède à la fin de la seconde guerre mondiale, alors que Shobei rentre au lycée pour filles de sa ville, relativement épargnée par les bombardements. Passionnée par le graphiste Jun’ichi Nakahara (à qui l’on doit en partie les yeux démesurés des héroïnes de shôjo), elle intègre l’université d’art et de design Joshibi, à Tokyo… qu’elle abandonne pour se marier avec un comédien de théâtre.
Au rez-de-chaussée de l’immeuble où vit le jeune couple, se trouve une librairie où l’on peut louer des mangas, notamment ceux d’Osamu Tezuka ou Sampei Shirato. Conscient de la popularité de ce nouveau support, le patron de la boutique dessine lui aussi des mangas pour ce circuit de prêt, et propose à la jeune femme de travailler pour lui. Imitant son style, elle crée ses premières planches… et obtient ses premières payes, bien supérieures à ses cachets d’actrice! Empruntant le nom de scène de son mari, Eiko Hanamura se lance donc dans la voie des arts graphiques à la fin des années 50. Alors que les shôjo manga, genre tout juste émergent, sont majoritairement dessinés par des hommes, les éditeurs donnent sa chance à une femme, plus à même de toucher un public féminin selon eux. Elle est ainsi publiée dès 1963 dans Nakayoshi, avec sa série Shiroi Hana ni Tsuzuku Michi. Trois ans plus tard, son titre pour Margaret, Kiri no naka no shôjo, révolutionnaire pour l’époque (elle y évoque les relations adultérines des parents de l’héroïne), deviendra le premier shojo manga de l’histoire à être adapté en drama en 1975.
À cette même période, Eiko Hanamura prend un virage artistique, abandonnant les fillettes pour se tourner vers un lectorat plus mature. Elle se tourne ainsi vers des magazines josei, où elle publie des titres pionniers du genre lady comics (Fugiken kazoku, Hanakage no onna…). En parallèle, des auteurs prestigieux de romans à suspense/mystère (Yasuo Ichida, Shizuko Natsuki, Keigo Higashino…) demandent à collaborer avec la mangaka, qui ajoute une touche kowai à son style kawaii. Reconnue par ses pairs pour son apport au manga moderne dès ses débuts balbutiants (elle est nommée directrice de l’Association des Dessinateurs du Japon), Eiko Hanamura parachève sa carrière en adaptant des grands classiques de la littérature nippone en manga (Ochikubo monogatari, Genji monogatari). Particulièrement liée à la France, dont elle était membre permanent de la Société des Beaux-Arts, elle est venue à de nombreuses reprises y promouvoir la BD japonaise, sa dernière invitation remontant à décembre 2018 au Salon des Beaux-Arts du Louvre. Deux ans plus tard, elle pousse son dernier soupir, le 3 décembre 2020, laissant une œuvre colossale étalée sur six décennies.
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