Le triomphe du crowdfunding pour célébrer les dix ans de Mawaru Penguindrum prouve à quel point Kunhihiko Ikuhara a toujours su être en phase avec les attentes des jeunes générations.
Ses débuts professionnels ont déterminé la carrière de Kunihiko Ikuhara. Une fois diplômé de la faculté d’art et de design de Kyoto, le jeune homme originaire d’Osaka monte à Tokyo où il est aussitôt embauché par Toei Animation. Nous sommes en 1985, et le débutant de 21 ans fait preuve d’une polyvalence inattendue sous la houlette de Junichi Sato, pilier du studio. Il travaille ainsi sur un titre kawaii, Les Petits Malins, puis sur Akuma-kun, série fantastique adaptant le manga de Shigeru Mizuki, inspiré par les créatures diaboliques de divers folklores. Après un passage par l’humour absurde de la star Fujio Akatsuka (Moretsu Ataro), l’équipe s’attaque ensuite à une comédie shôjo, Kingyo Chuuiho, sur laquelle Ikuhara obtient pour la première fois le poste de réalisateur en dirigeant plusieurs épisodes. Tout va alors s’accélérer avec un titre catalyseur : Sailor Moon. Il en réalise la majeure partie des épisodes sur les deux premières saisons, avant d’hériter du poste de réalisateur de la série à partir de la troisième, Sailor Moon S, qui lui permet également de diriger son premier long métrage cinématographique.
Mais, à 32 ans, Kunihiko Ikuhara a désormais envie de créer ses propres univers, ce qu’il ne peut faire chez Toei, qui lui assigne encore et toujours des adaptations d’œuvres préexistantes. Il claque donc la porte du studio pour former un cercle d’artiste, les Be-Papas. Leur premier projet, Utena la fillette révolutionnaire, condense tous les genres qu’a abordés Ikuhara jusqu’ici : magical girls, fantastique délétère, humour absurde et créatures kawaii. Produits au studio JC Staff en 1997, les 39 épisodes de la série (disponibles chez Kazé) font fureur au Japon et à l’international grâce à leur aspect novateur, tant sur le fond que sur la forme. Digne héritière du surréalisme de Dali, Utena explore le mal-être adolescent et particulièrement les sexualités alternatives, le duo d’héroïnes Utena/Anri devenant aussitôt des icônes pour la communauté LGBT. Le long métrage, sorti deux ans plus tard, poussera les curseurs encore plus loin, avec notamment une scène de transformation en voiture dans un lavomatic restée dans toutes les mémoires.
Pour avoir porté à bout de bras le projet Utena, Ikuhara se retrouve épuisé au tournant du siècle, et prend une pause d’environ dix ans (tout au plus retrouve-t-on son nom aux storyboards de Nodame Cantabile et Aoi Hana). En 2011, c’est via le studio Brains Base qu’il fait son retour en grâce avec Mawaru Penguindrum (disponible chez Kazé) qui, là encore, dévoile les failles et angoisses de la jeunesse japonaise sous un vernis surréaliste, selon un axe plus social cette fois. Le réalisateur s’intéresse à nouveau à l’homosexualité au féminin en 2015 avec Yurikuma Arashi (disponible chez Crunchyroll) produite chez Silver Link, puis au masculin avec Sarazanmai (disponible chez Wakanim) produite en en 2019 chez MAPPA. Bien qu’il ait franchi les 50 ans, Ikuhara comprend toujours les tourments de la jeune génération, qu’il rencontre dans les festivals et conventions à travers le monde (il est ainsi venu à Japan Expo Sud en 2013 et Paris Manga en 2017). À leur écoute, il a ainsi décider de célébrer les dix ans de Mawaru Penguindrum à travers, notamment, un film récapitulatif financé participativement. Il n’aura fallu que 150 secondes pour atteindre l’objectif de 10 millions de yens (80 000 €), la campagne en ayant rapporté dix fois plus au final. Preuve, si besoin était, qu’entre les mains d’artistes comme Ikuhara, l’animation sait aborder les sujets sociétaux aussi bien, voire mieux, que d’autres médias.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.