Voilà déjà quarante ans qu’Isao Takahata transposait à l’écran le roman de Kenji Miyazawa. Retour sur Gôshu le violoncelliste, œuvre marquante de la culture nippone.
Au cœur de la campagne japonaise d’avant-guerre, l’orchestre municipal d’un petit hameau accompagne en musique les projections de cinéma muet. Parmi les musiciens, Gôshu subit la colère du chef d’orchestre, qui ne supporte pas la maladresse de ce violoncelliste, et encore moins l’absence d’expression dans ses interprétations fadasses. Il ne saurait rendre honneur à la 6e symphonie de Beethoven dont la représentation est prévue dans dix jours ! Gôshu entame donc des répétitions en solitaire chaque soir afin de donner enfin de la personnalité à son jeu. Ce sont des animaux qui vont, tour à tour, l’aider à s’améliorer, que ce soit sur sa technique (le tanuki le guide sur le rythme avec son ventre-tambour, le coucou sur sa mélodie avec son chant) ou sur l’expression de ses sentiments, du chat lui apprenant à laisser cours à sa colère à la souris lui laissant dévoiler sa gentillesse…
Issu d’une famille paysanne, l’écrivain Kenji Miyazawa s’est passionné très tôt pour les études scientifiques, notamment dans le domaine de la fertilisation des sols, afin de favoriser les conditions de travail des agriculteurs. Il deviendra d’ailleurs enseignant dans un lycée agricole, où il aidera élèves et voisins à développer leurs connaissances et leur créativité artistique. Cette empathie et cette générosité se retrouvent au cœur de ses œuvres, étudiées par tous les écoliers japonais, à commencer par Gôshu le violoncelliste (disponible en français aux éditions Ynnis). Dans ce court récit, le personnage principal est un homme d’âge mûr, qui passe de médiocre musicien à virtuose en apprenant à s’accepter comme un individu avec sa personnalité propre, et non comme un simple exécutant au service du groupe ou des artistes. Ainsi, la moralité de la nouvelle (qui incite lectrices et lecteurs à développer leur culture personnelle et à l’exprimer) touche aussi bien les enfants que les adultes.
En l’adaptant pour le grand écran, Isao Takahata apporte donc un changement radical, puisqu’il fait de Gôshu (transposition en japonais du mot français « gauche », pour maladroit) un tout jeune homme. Il s’agit moins de s’adresser à un jeune public que de retranscrire ses souvenirs de jeunesse ainsi que ceux de son équipe. Tel un chef d’orchestre, Takahata laisse à ces derniers une grande latitude d’expression : il faut dire qu’avec le budget réduit attribué par la société Oh ! Production (qui cherche à se faire connaître grâce à ce projet), certains travaillent parfois bénévolement ! Entamée en 1975, la production du film durera six années, interrompue à plusieurs reprises par d’autres projets que doit gérer le réalisateur (Kié la petite peste, Marco…). Au final, c’est le 23 janvier 1982 que le film de 63 minutes sort dans les salles obscures nippones, recevant un accueil critique chaleureux – il remportera le prix Noburô Ôfuji durant le vénérable festival du film Mainichi. Depuis, Gôshu le violoncelliste est devenu un classique diffusé dans les écoles nippones durant les cours de musique, afin que les enfants découvrent des morceaux du répertoire classique (Beethoven, donc), la bande originale de Michio Mamiya, mais également un morceau composé par Kenji Miyazawa lui-même !
Retrouvez plus d’informations sur le film et sur son réalisateur Isao Takahata dans le mook-hommage paru aux éditions Ynnis !
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