Ce titre a beau avoir fêté ses cinquante ans, il reste toujours aussi moderne, ses personnages étant des icones pour les Japonaises d’aujourd’hui. Retour sur le plus français des mangas !
En 1755, non loin du château de Versailles, le général de Jarjayes est père pour la sixième fois… d’une sixième fille. Désespéré de ne pas avoir d’héritier mâle, il la baptise Oscar et décide de l’élever comme un garçon. Au programme : équitation et escrime, qu’elle pratique en compagnie du petit-fils de sa nourrice, André, son meilleur ami. Cette même année 1755, naît Marie-Antoinette, consacrée reine de France aux côtés de Louis XVI. Le destin réunit les deux jeunes femmes puisqu’Oscar, en atteignant le grade de commandant de la Garde royale, se retrouve en charge de la sécurité de la reine. Bien que les deux femmes soient de plus en plus complices (la militaire conseille la reine quant à sa relation adultérine avec Axel von Fersen), Oscar se préoccupe de plus en plus de la manière dont le peuple est traité par la royauté alors que la Révolution monte. Et, plus intimement, étouffe dans le carcan de son rôle de façade masculin, souhaitant pleinement exprimer son amour pour André…
Riyoko Ikeda a beau passer deux ans à accumuler la documentation pour dessiner une biographie de Marie-Antoinette, elle se retrouve face à deux obstacles. Tout d’abord, les réticences de Shûeisha à publier un manga historique. Mais surtout, la représentation d’un militaire crédible et convaincant, un type de personnalité que la dessinatrice n’a jamais exploité jusqu’ici. Elle résout ce problème en faisant d’Oscar François de Jarjayes une femme travestie… qui devient rapidement le porte-étendard de toute une génération de Japonaises ! Alors que la seconde vague féministe parcourt le Japon en cette année 1972, les lectrices se reconnaissent dans ce personnage qui, à poste égal, s’avère aussi compétente, si ce n’est plus, qu’un homme. Et que dire de Marie-Antoinette, dont les rêves et aspirations se retrouvent brimés par un mariage malheureux ? Au final, ce sont plus de vingt millions d’exemplaires de La rose de Versailles qui s’écouleront au Japon… mais c’est à travers d’autres supports qu’Oscar atteindra son statut de personnage-culte sur l’archipel.
Pour commencer, la série animée produite en 1979 reste dans toutes les mémoires. Supprimant toutes les virgules humoristiques du manga, elle insiste sur le souffle épique et romanesque de la saga. Portée par le chara-design de Shingo Araki et Michi Himeno, la série prend toute son ampleur à partir du 19e épisode, quand Osamu Dezaki reprend la réalisation après Tadao Nagahama, victime d’une hépatite. Elle sera renommée en France Lady Oscar, en s’inspirant du titre de l’adaptation en prises de vue réelles par Jacques Demy sortie en salles en 1979. Point commun entre la VF et la VO : dans les deux pays, le générique fait toujours un carton dans les soirées karaoke ! Enfin, ce personnage travesti était du pain bénit pour le théâtre takarazuka, interprété uniquement par des comédiennes. La pièce tirée du manga a été jouée devant plus de cinq millions de spectateurs depuis 1974, et il suffit de lire Kageki Shôjo pour voir à quel point l’aura d’Oscar marque cet univers. Responsable d’une véritable passion de la part des Japonaises pour la France, et plus particulièrement le château de Versailles, Versailles no bara a valu à son autrice d’être faite chevalier de la Légion d’honneur en 2009 ! Le Japon, pour sa part, célèbre les cinquante ans du manga avec la production d’un nouveau film animé : de quoi inciter les Japonaises à reprendre le flambeau du féminisme ?
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