Suite à une annonce tardive, certains ont échappé à la présence d’Akane Torikai durant le festival d’Angoulême… alors que la dessinatrice s’est bien installée sur la scène manga contemporaine.
Reprendre le dessus sur les hommes. C’est là l’une des raisons qui a poussé Akane Torikai à embrasser la carrière de mangaka. Élève indisciplinée, la jeune fille née en 1981 à Osaka trouve du réconfort dans les mangas qu’elle dévore. Quand elle emprunte à une jeune délinquante un magazine de mode, la collégienne découvre les travaux de Kyoko Okazaki. Dans ses nineties particulièrement machistes, le ton féministe de l’autrice qui ne se laisse pas marcher sur les pieds par les hommes marque durablement Akane Torikai, qui souhaite à son tour ajouter sa pierre à l’édifice.
Il faudra cependant attendre qu’elle franchisse le cap de la vingtaine pour entamer sa carrière professionnelle, en 2004, après avoir notamment assisté Minoru Furuya. Des débuts majoritairement sous le signe de nouvelles puisque ce n’est qu’en 2010, soit six ans plus tard, qu’elle entame sa première série dans le magazine Morning Two – ce petit frère du mythique Morning né en 2006 inscrit sa ligne éditoriale dans les thèmes préoccupant la nouvelle génération. Trois ans plus tard, Torikai y frappe un grand coup avec En proie au silence (disponible aux éditions Akata) : en suivant son héroïne enseignante cherchant à se reconstruire après un viol, la série passe au scanner une société misogyne et patriarcale. Les lectrices (et lecteurs) du Morning Two plébiscitent le titre poil-à-gratter, qui s’écoule à plus d’un million d’exemplaires, notamment grâce aux ventes numériques. Suite à ce succès, l’autrice trentenaire est réclamée par de nombreux éditeurs, et multiplie les séries : elle travaille ainsi parfois sur trois titres en parallèle, tout en élevant son fils issu d’un précédent mariage.
S’occuper de son enfant s’avère également complexe quand elle se marie à nouveau en 2018. Elle témoigne de cette expérience dans un manga autobiographique avant de révéler l’identité de son époux, Inio Asano. Mais Akane Torikai est surtout devenue la porte-parole des féministes dans le manga, notamment avec Le siège des exilées (disponible aux éditions Akata), dystopie matriarcale sans concession, ou les courtes histoires centrées sur des adolescentes de Sans préambule (disponible aux éditions Akata). Ses œuvres entrent tellement en phrase avec le ressenti des Japonaises qu’en 2019, Jigoku no girlfriend (ou les tribulations de trois colocataires hautes en couleur) est adapté en drama, cinq ans après sa publication. Elle revient sur le devant de la scène en 2021 avec Saturn Return (disponible aux éditions Akata), qui mêle ses tourments de créatrice à l’anxiété des femmes au foyer. À nouveau en pleine évolution depuis son divorce, c’est une jeune quadragénaire avec de nouvelles ambitions qui est venue rencontrer son public européen lors du festival d’Angoulême. On a hâte de découvrir les œuvres qui pourront découler de ce voyage…
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