#TBT : Crossroad

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Passé en toute discrétion en France, Crossroad fête aujourd’hui ses vingt ans. L’occasion de revenir sur un titre en phase avec la société japonaise du début du millénaire.

À quinze ans, Kajitsu n’a jamais connu une vraie vie de famille. Sa mère, volage, ne cesse de s’enfuir avec un nouveau bon (ou du moins le croit-elle) parti jusqu’à en être déçue, tandis que son père, irresponsable, est toujours absent. Par conséquent, l’adolescente vit avec sa grand-mère… qui vient à décéder. Durant les obsèques, Kajitsu retrouve ses deux demi-frères, Taro et Natsu, perdus de vue depuis sept ans, et sa mère… qui disparaît à nouveau deux jours plus tard, amourachée d’un nouveau tombeur. Mais cette fois, elle laisse sur les bras des trois adolescents une surprise : une nouvelle petite sœur de six ans, Satsuki ! Sans parents ni tuteurs, tous les quatre s’efforcent de créer un noyau familial…

En 1960, on recensait 0,75 divorce pour un échantillon de 1000 personnes au Japon. En 2002, cette statistique passe à 2,30, soit le triple. Cette augmentation reflète l’émancipation des Japonaises, dont les revendications ont été soutenues par la crise économique et démagogique – désormais, les femmes actives sont plus nombreuses. Si, d’un point de vue sociétal, on peut se réjouir de cette évolution (mieux vaut une femme divorcée que malheureuse en couple), socialement parlant, en revanche, elle implique des drames familiaux pour des enfants toujours plus nombreux. Comme toujours, le manga se fait le reflet de son époque, et Crossroad s’attaque au problème avec un angle tragi-comique. Les adultes y sont en effet représentés comme des êtres froids (à quelques heureuses exceptions près) et le personnage de la mère est traité soit avec négativité (elle aime poser des embûches à sa descendance), soit avec une ironie cruelle sur sa situation de femme seule cherchant désespérément un homme duquel dépendre.

C’est le 12 juin 2003 que le premier tome de Crossroad sort en librairie au Japon. Certes, Shioko Mizuki installe un postulat peu réaliste (la vie en colocation d’adolescents), mais il lui permet de traiter avec justesse de thèmes en phase avec la société nippone de ce début de millénaire. On reprochera en revanche la relation ambiguë entre Kajitsu et son demi-frère Natsu, cliché du shôjo qu’apprécie pourtant les lectrices du Gekkan Princess d’Akita Shoten. Au final, Crossroad étendra son intrigue douce-amère sur sept volumes jusqu’en 2005, un joli succès de papier que ne viendra hélas pas couronner une adaptation animée. En France, le manga est sorti chez Taifu Comics, et n’a pas été réédité depuis. Alors que Kana publie Quatre frères pour moi, un retour en librairie de Crossroad permettrait d’évaluer la différence de perception de la cellule familiale en deux décennies !

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon