[Test Jeu Vidéo] Life is Strange : Double Exposure

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Succès critique et commercial, la licence Life is Strange revient pour un 5ème opus (The Awesome Adventures of Captain Spirit étant considéré comme un spin-off). Même si la saga a parfois manquée d’inspiration, elle n’a jamais été médiocre, et le savoir-faire du studio américain Deck Nine accompagné de Square Enix n’est plus à prouver. Ils remettent les couverts avec Life is strange : Double Exposure  et le retour de l’emblématique héroïne du premier volet, Maxine Caulfield. 

C’est sur une intro’ tout en musique et plutôt réussie que démarre nôtre nouvelle aventure. On retrouve Max Caulfield forçant la porte d’un vieux bowling abandonné. Elle n’est pas venue seule : Son amie Safyia, qui a trouvé ce lieu, l’accompagne et va donc permettre à Max de s’adonner à sa passion : La photographie. Les deux complices vont déambuler dans le bowling. Entre rires, anecdotes et prises de photos que l’on partage sur les réseaux sociaux, l’endroit est idéal pour servir de tutoriel et nous familiariser avec les commandes.

Après cette escapade on se retrouve au Snapping Turtle, c’est « the place to be ». Toute l’université de Calderon s’y rend, les étudiants, les profs et même la directrice (Yasmine qui est la mère de Safy). On y attend Moses, le troisième de la petite bande. L’établissement est tenu par Amanda, « la cool » pour qui Max a un crush. On visite le lieu, on interagit avec les autres pour trouver la bonne « disquette » de drague et même voter pour le prochain menu. Une fois au comptoir on se lance maladroitement dans une drague avec Amanda et…le reste sera à vous de le découvrir en fonction de vos choix.

Puis nous retournons à notre table et discutons avec Safi. On y apprend que Max, devenue une artiste renommée, a errée pendant des années à travers les Etats unis pour se reconstruire après les évènements d’Arcadia Bay (Life is Strange). Encore fragile et rongée par les remords, on comprend qu’elle a refoulée ses pouvoirs (Max pouvait remonter le temps). La voilà aujourd’hui installée depuis quelques temps à Lakeport en tant qu’invitée artistique. Moses notre ami astrophysicien, le geek du trio, nous rejoins et propose d’aller observer une pluie de météorites à son observatoire. Evidemment on y va ! Nous voici dans les hauteurs du campus, la nuit est froide, enneigée mais chaleureuse en cette période de noël et le trio se retrouve sous une pluie d’étoiles (et des couvertures) à savourer du champagne ramené, bien sûr, par la maligne Safi qui souhaite fêter, sans nous le dire, une bonne nouvelle.

On blague, on boit, on prend des selfies dans cette douce nuit ou l’amitié et la complicité règnent, ou chacun peut se laisser aller à rêver ou à ses occupations. Mais quelle bonne nouvelle Safi garde-t-elle secret ? On veut savoir ! Alors on interroge Moses, qui apparemment, n’en sait pas plus que nous mais nous donne un « tips » pour faire parler Safi .

À nous de jouer, à nous de choisir la bonne approche pour « cuisiner » Safi . Bingo ! On arrive à savoir ce que notre amie, l’étudiante en lettres, nous cachait. Notre défi réussi, on se permet un moment de réflexion sous les météorites. Moses, absorbé par cette nuit, ne lâche pas son télescope et recueil des données. Safi , suite à un coup de fil, nous dit qu’elle doit partir. Comme il se fait tard Max décide d’en faire de même.

Nuit étoilée, musique dans les oreilles, le retour à la maison va être doux et agréable.  On prend le temps d’admirer les environs, les bâtiments, la nature, une fontaine avec, posée dessus, une jolie chouette. Max veut immortaliser cet instant. Elle saisit son appareil, cadre…

Tout à coup un mal de tête surgit violemment. On tombe. Un coup de feu retentit. On se relève et se dirige vers l’origine du bruit. On aperçoit une silhouette assise sur un banc, on s’approche…C’est Safi ! Inanimée… Une balle dans la poitrine…Moses arrive et voit notre amie dans nos bras…Safi est morte…Noir. Musique. Générique…TUDUUMMM

Alors c’est ça le multivers ?!

Cette longue « intro » pétrie de bons sentiments, un peu niaise pour mieux nous faire basculer dans le drame est plutôt réussie et fait son effet. L'(en)quête de vérité commence et l’université de Calderon sera votre terrain de jeu.

On doit aller voir Yasmine mais les maux de têtes s’intensifient. On entend des voix (Safi ? Moses ?). Max le sent, le sait. Ses pouvoirs enfouis veulent refaire surface et tente de les utilisés. Non sans efforts Max réussie mais ce n’est pas ce qu’elle croyait ! Fini le « rembobinage » du temps. Cette fois Max peut voir des « spectres », on les voit vivre, parler. D’où viennent-ils ? Max comprend que les voix étaient bien celles de Safi et Moses se donnant rendez-vous.

D’une simple pression sur la touche on peut activer ou désactiver cette « vision » qui s’étend d’une dizaine de mètres autour de nous et permet d’être spectateur de cette « vie ». On voit le spectre de Moses et décidons de le suivre avec notre nouveau pouvoir afin de retrouver Safi . On aperçoit son spectre discutant avec celui de Moses. Max veut à tout prix entrer en contact avec son amie. Elle redouble d’effort en utilisant sa nouvelle capacité. Tout à coup une brèche se créée, une réalité, un monde parallèle s’ouvre. Safi est bien vivante, on la voit et elle nous voit ! Elle nous parle, comme si rien n’était arrivé. Max se retrouve dans cette réalité alternative, similaire en tout point, ou son amie est en vie. On pourra « passer » d’un monde ou Safi est morte (le monde de la mort) à un monde où elle est vivante (le monde de la vie) sans soucis mais pas sans conséquences…Bienvenue dans le multivers !

Tout au long de notre périple on alternera les allers et venues entre ces deux réalités. Contrairement à notre vision, que l’on peut activer à tout moment, les voyages entre les deux mondes se font via des « passages » disséminés un peu partout dans le jeu. Pas de panique, ils sont extrêmement nombreux et jamais loin de Max ou des objectifs. Nous tairons le reste car l’histoire vous appartiendra en fonction de vos décisions.

Du côté du gameplay, l’alternance des deux mondes permet des possibilités uniquement dictées par le jeu. Par exemple : On doit récupérer des clefs dans le monde A pour les utilisées dans le monde B, ou alors couplé à notre vision, on peut espionner, écouter une conversation de l’autre monde. Quelques variations feront leurs apparitions plus tard et on verra même les prémices d’un pouvoir qu’on n’utilisera jamais…Dommage.

Vioilà des capacités intéressantes sur le papier mais aux potentiels inexploités. L’utilisation des pouvoirs est simple et sans accroc mais parfois incongrue. Max peut « voyager » littéralement à deux mètres des personnes sans que personne ne le remarque ou ne soit choqué. Dans l’absolu ce n’est ni dérangeant ni rédhibitoire mais la cohérence et l’immersion en prennent un (petit) coup. Même si le cœur du jeu n’est pas là (c’est avant tout une enquête), les commandes sont très sommaires, presque rudimentaires. Limitées mais suffisantes.

Quant au monde lui-même, nous sommes cantonnés à l’université et ses alentours. Vous ne pourrez pas vous écarter des sentiers ni visiter le campus, les routes barrées et les murs invisibles vous ferons rebrousser chemin. Les interactions sont limitées, on examine/regarde des objets, tableaux, posters. Tout cela pour cacher des indices ou approfondir le lore. Là encore c’est très rudimentaire. Chaque porte que l’on ouvre a droit à un temps de chargement. Cela peut s’expliquer par la multiplicité des choix et embranchements. C’est très dirigiste et l’impression de « couloir » est bien (trop) présente.

Dès le début du jeu, et ce, jusqu’à la fin on a la sensation d’être pris par la main pour ne pas dire guidé. Tout est mis en œuvre pour que vous ne manquiez rien ou presque au niveau de l’enquête et des indices. Si vous vous écartez ou ne trouvez pas, par une pensée ou un commentaire Max vous rappellera votre objectif prioritaire. Vous l’aurez compris, la liberté n’est pas de mise.

La création et l’imagination non plus. Les photographes en herbes seront frustrés. Les prises de photos sont dictées et les moyens limités. Un léger cadrage, un zoom avant, un zoom arrière, une surimpression…Voilà. Un comble pour une héroïne photographe. Idem pour notre smartphone qu’on peut consulter à tout moment dans les deux mondes avec les messages et commentaires propres à chacun. C’est davantage un journal intime qui réunit nos pensées. Les applications sont elles aussi réduites mais suffisantes. Nous avons une messagerie ou l’on peut lire les messages de notre entourage et parfois y répondre (encore une fois dicté par le jeu), un réseau social (mix d’Instagram, X et Facebook) pour voir nos publications et photos (toujours faites par le jeu) et celles des autres. Cela contribue au background du jeu et un peu plus…

Nous passerons sur les choix vestimentaires qui sont de l’ordre de l’anecdotique. La liberté passera par vos choix. L’essence du jeu est bien là, dans vos choix et leurs conséquences. L’ordre des interactions ou interrogations n’a que très peu d’importance. La plupart du temps cet ordre est respecté. Evidemment certaines décisions seront plus radicales que d’autres mais retenez qu’il n’y a pas de mauvais choix, uniquement des choix. Le jeu étant divisé en plusieurs épisodes, vous pourrez voir à la fin de chacun les choix des autres joueurs (comme dans beaucoup de jeux du genre), ce qui est toujours sympathique.

FLOU ARTISTIQUE

Pour son retour Life is Strange : Double Exposure ne renie pas son passé mais tend vers plus de réalisme graphique. Les personnages et décors sont moins « cartoonesques » mais ce côté hybride laisse parfois une impression d’inachevé. Les protagonistes ne sont pas tous logés à la même enseigne. Certains, avec moins de finesse, ont un effet « Fortnite » un peu dérangeant contrairement à Max et les plus proches qui ont bénéficiés d’un meilleur traitement ou la subtilité des expressions et sentiments est très bien retranscrite. Ce contraste est d’autant plus flagrant avec des décors aux textures parfois grossières et une rigidité ambiante globale.

Côté réalisation la formule fonctionne bien, très bien même ! Tous les codes et chartes des séries actuelles sont présents et respectés. Les musiques jouent un grand rôle et donnent le ton. Elles accompagnent et renforcent les moments cruciaux avec brio. Nous formulerons un reproche : elles auraient gagné à être moins en retrait quelquefois.

Au niveau de l’écriture, Maxine et les autres sont relativement bien travaillés, les armures tombent, les apparences sont trompeuses et les twists s’enchainent au fur et à mesure qu’on avance. Certains personnages se révèlent pendant que d’autres disparaissent aussi vite qu’ils étaient venus sans réellement impacter l’histoire. Aussi, on n’évite pas certains clichés typiques d’une série pour adolescents mais rien de trop caricatural et les nuances apparaissent au fil de l’histoire. Le format en plusieurs épisodes est toujours aussi efficace malgré un manque de rythme général et souvent rattrapé sur les fins d’épisodes avec des cliffhangers percutants (certains plus mémorables que d’autres).

On l’a compris, le studio DECK NINE n’a rien perdu de sa maîtrise du genre et nous fait, une fois de plus, bénéficier de son savoir-faire en la matière. On est accroché, on n’a qu’une envie, celle de passer à l’épisode suivant pour connaitre la suite jusqu’au dénouement final (l’aventure vous occupera une quinzaine d’heures environ) avec sa fin ouverte et prometteuse pour la suite (n’oubliez pas la scène post-générique !).

De plus, le jeu se permet une grande rejouabilité grâce à ses multiples embranchements et très nombreuses fins (dixit les créateurs) que nous n’avons pas pu exploiter dans son entièreté par manque de temps (une vie parallèle aurait bien aidé !!). Oui, le retour de Max est globalement réussi. La recette fonctionne toujours aussi bien sans renouveler le genre. On y rejouera en attendant la prochaine saison de cette série interactive et voir ce que le(s) futur(s) nous réserve(nt).

ALLAN WOKE ?

Oui le jeu est ouvertement « woke » et ce n’est pas une surprise. Donc inutile de jouer les effarouchés ! Max et la majorité des personnages n’appartiennent pas à une communauté ici. Il n’y en n’a pas. Pourtant elle est citée et suggérée. Contradictoire ? Pas vraiment. Ici il n’y a pas ce sentiment d’appartenance car l’intégration, la tolérance et la bienveillance font parties intégrantes de cette université, de ce monde progressiste. Pas de militantisme frontal, pas de discriminations ni conflits rétrogrades. Aucunes « frontières » sexuelles, religieuses ou genrées. Le tout, intelligemment fait, sans vulgarité ni obscénité. Seuls quelques drapeaux et affiches montrent ce soutient. Tout ceci est un peu trop beau, trop parfait voire même sirupeux direz-vous ? Peut-être…Assurément.

Nous sommes dans un jeu, un univers fictif bien loin de notre réalité ou les querelles, les divergences, l’intolérance et les oppositions pullulent. Peut-on en vouloir à une communauté trop longtemps cachée, ostracisée, condamnée (comme beaucoup d’autres) d’en faire un peu trop ? De montrer ce que l’on a voulu longtemps mettre sous silence ? Non.
La liberté de chacun, l’acceptation de soi et la tolérance sont les maîtres mots de cette œuvre. N’essayez pas de ressembler aux autres. Soyez vous-même, acceptez-vous. En espérant que le jeu évitera l’idiot et inutile bashing comme réservé à d’autres lors d’un passé (trop) récent.

Les plus :

  • Le retour de Max et ses nouveaux pouvoirs…
  • Les musiques parfaitement calibrées.
  • Des personnages attachants.
  • Une belle rejouabilité avec une fin ouverte prometteuse.
  • La réalisation maîtrisée et réussie…

Les moins :

  • …mais manquant parfois de rythme
  • Une écriture inégale
  • Une technique en dents de scie.
  • Trop dirigiste, on est pris par la main du début à la fin.
  • Gameplay limité.

Graphismes : ★★★☆☆3 étoiles
Jouabilité : ★★★☆☆
Durée de vie : ★★★★☆
Gameplay : ★★☆☆☆
Note globale : ★★★☆☆

Life is Strange : Double Exposure nous laisse cette double saveur, le doux amer. Le très bon et le moins bon. La dualité entre le fond et la forme. Pour la forme, le studio Deck Nine nous gratifie d’une nouvelle saison de qualité. Sa réalisation et sa narration maîtrisées nous donne pleinement le sentiment de jouer à une série interactive avec les codes actuels du genre. Le fond lui, pêche par manque de rythme et des capacités sous exploitées. Le tout peu aidé par une technique inégale.

N’attendez donc pas une révolution. Sans se renouveler, la formule reste efficace pour le retour de Max et ses nouveaux pouvoirs au premier plan.
Mais ne vous y trompez pas ! Le plaisir de jouer et les émotions sont bien au rendez-vous malgré quelques imperfections. Avec sa fin ouverte et prometteuse, la saga pourrait nous réserver quelques belles surprises à l’avenir.

FICHE TECHNIQUE :

Editeur : Square Enix
Plateformes : PS5 / Xbox Series / PC / Switch
Genre : Aventure/Point and click/Série interactive
Date de sortie : 29/10/24
Prix : 59,99 euros

*Test réalisé sur PS5

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A propos de l'auteur

Hushush