Wonderful Days

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Depuis des mois, nombre d’amateurs d’animation attendent Wonderful Days comme une promesse de beauté (au vu de sa bande-annonce), voire comme l’une des pièces maîtresses d’un jeune cinéma d’animation coréen dynamique. Pour mémoire, rappelons que pendant des décennies, la production animée coréenne fut surtout centrée sur la sous-traitance, et que depuis quelques années seulement, divers organismes (KOFIC, KOCCA) et institutions d’Etat telles que les universités, se consacrent de manière volontariste à son financement et sa promotion. Aussi assiste-t-on – depuis le Grand Prix du Festival d’Annecy en 2002 attribué au Mari Iyagi de LEE Sung-gang -, à une offensive coréenne, qui aujourd’hui se concrétise par l’invitation faite à ce pays à l’occasion de l’édition 2004 du même prestigieux festival.

La voie de la superproduction

Au coeur du trousseau coréen d’Annecy, Wonderful Days, bien que ne figurant pas parmi les longs-métrages en compétition, est assurément l’une des têtes d’affiche du festival. Film ambitieux (son budget est le plus important du cinéma d’animation coréen), Wonderful Days est actuellement l’une des trois alternatives les plus intéressantes d’un domaine qui cherche encore ses marques, et en quête, déjà, de reconnaissance internationale. Les deux autres voies étant à ce jour représentées par Mari Iyagi, film intimiste à part dans la production de son pays, et Oseam, conte enfantin résolument ancré dans une identité coréenne, en compétition à Annecy cette année. Wonderful Days joue sur un autre tableau : celui de la superproduction. Cette orientation le distingue de ses compatriotes, conçus avec des ambitions différentes et des moyens bien inférieurs, mais surtout l’externalise d’emblée du champ coréen pour le positionner sur l’échiquier international.

Mais le film a-t-il seulement les moyens de ses ambitions ? Son budget de 10 millions d’euros, comparable à celui des Triplettes de Belleville, est inférieur aux superproductions nippones que sont Le voyage de Chihiro, Innocence ou Steamboy, avoisinant les 17 millions d’euros, légèrement dépassés par l’européenne Kaena (21 millions) (1). Malgré son budget – plutôt serré au regard des autres ambitieux projets animés récents -, le film relève avec énergie le défi du spectaculaire.

Faiblesse du scénario…

Difficile, cependant, de contourner le gros point faible du film qu’est son scénario ; une fragilité partagée par certaines des superproductions mentionnées plus haut. L’histoire réussit l’exploit d’être à la fois pauvre et emberlificotée. En 2142, la terre vit des heures sombres, au propre comme au figuré. Ni les habitants de la riche ville d’Ecoban, ni ceux de la cité-poubelle de Marr, n’aperçoivent jamais le soleil, masqué par d’épais nuages. Jay, citoyenne d’Ecoban et membre de ses forces de sécurité, se souvient d’avoir vu le ciel bleu, enfant, en compagnie de son ami Shua, disparu depuis. La jeune femme découvre bientôt que l’équilibre entre Marr, dépotoir permettant à Ecoban d’exister, et cette dernière, est menacé par des activistes. Et l’un d’eux se trouve être… Shua. La présence de Simon, membre éminent d’Ecoban et amoureux de Jay, complexifie les questionnements politico-sentimentaux de notre héroïne. Le spectateur s’interroge : qui Jay va-t-elle choisir, du poseur romantique Shua ou du ténébreux Simon ? Accessoirement, va-t-elle sauver le monde, et surtout, va-t-il enfin cesser de pleuvoir ?

… Force des images

En dépit de ses dilemmes simplistes, le film tient 1h27 sans que l’on sente vraiment le temps passer, trop absorbés par la beauté des images et l’efficacité des scènes d’action. L’univers de Wonderful Days emprunte à toutes les références incontournables de cinéma de SF de ces trente dernières années, de Star Wars à Final Fantasy, en passant par Blade Runner et Ghost in the Shell. On dénichera aussi ça et là d’autres traces d’inspiration proche du manga et de l’animation japonaise (notamment Gunnm et sa ville-poubelle, Cowboy Bebop et ses bastons élégantes qui finissent en vitraux brisés). Rien de formidablement original donc, mais l’ensemble, soigneusement agencé, présente une cohérence esthétique plaisante. Le réalisateur KIM Moon-saeng (2) reconnaît s’être inspiré, visuellement, aussi bien de l’imagerie coréenne que de la revue « Heavy Metal », et pour l’architecture, complexe, des bâtiments, de l’espagnol GAUDI (3).

Autre réussite, de taille : la mise en scène des scènes d’action. Grâce aux moyens mis à sa disposition, mais surtout à une inventivité épatante, KIM Moon-saeng dope l’animation des séquences d’affrontements ou de poursuites, véritables coups-de-poing visuels. La réalisation pallierait presque l’animation sommaire de certaines séquences : en effet, si le film excelle dans l’action, les passages intimistes se distinguent souvent par leur maladresse d’exécution technique. Cette inégalité de traitement est d’autant plus criante que le mariage entre différents procédés que sont la 2D, la 3D et les maquettes, est lui, convaincant. La démarche de KIM Moon-saeng souhaitait en effet apporter le maximum de réalisme visuel au film, afin de donner l’impression d’un long métrage live à effets spéciaux, et non d’un film d’animation. L’alchimie prend, l’espace d’un plan ou d’une séquence, le spectateur oubliant alors quel « type » de film il a devant les yeux.

Même les rétifs aux longueurs et au romantisme téléphoné trouveront leur bonheur dans la richesse visuelle du film. Les âmes sensibles, elles, goûteront à l’émotion du final au parfum de Magnetic Rose, le premier sketch de Memories, et étoufferont un sanglot à la vue, peut-être, du ciel bleu.

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