De Steamboy, ce n’est sûrement pas le scénario que l’on retiendra. L’histoire du jeune Ray devant protéger une Steam Ball d’inventeurs fous n’a rien de bien original. D’ailleurs, ÔTOMO accorde lui-même peu d’importance au scénario de son film. Non, le principal intérêt de Steamboy tient à ses thèmes : le refus du manichéisme, la rébellion, et la science comme expression d’une Nouvelle Humanité.
I fought the law
Dans Steamboy, se pose d’emblée la question de savoir qui est méchant. Or, si la question paraît simple, la réponse ne suit pas naturellement. Prenons le père et le grand-père de Ray, le jeune héros : le premier a été relooké façon Dark Vador et a sombré dans un délire de savant fou, mais il ne tire pas moins de cette folie le rêve d’une Nouvelle Humanité. Le grand-père, pour sa part, paraît le plus sensé des deux, puisqu’il tente d’arrêter son fils ; la séquence de pré-générique nous le présente cependant comme un homme possédé et sans âme, dont les exactions ont sans doute poussé son enfant dans la folie. Le fait qu’il cherche à racheter ses fautes ne l’absout pas de fait de ses pêchés. En parallèle, le professeur Stephenson – auquel Ray doit remettre la Steam Ball tant convoitée – a tout de l’homme de science honnête et droit, mais le spectateur découvrira que les apparences sont parfois trompeuses. Il en va d’ailleurs de même pour son assistant… Finalement, on ne peut faire confiance à personne.
Dès lors, les cartes sont brouillées, et ÔTOMO insuffle une bonne dose d’ambiguïté dans un film pourtant destiné aux enfants. Mais le message n’a rien de malsain, bien au contraire : en refusant de donner un visage stéréotypé à ses personnages, ÔTOMO présente à son jeune public une vision certes angoissante de la réalité (l’incertitude étant source de tension), mais malheureusement réaliste, l’être humain n’étant pas à un paradoxe près.
Héros
Mais que penser du personnage de Ray ? Face à ces adultes coincés dans leurs paradoxes et leurs haines, il incarne le principe vivant du mouvement. Depuis sa première apparition jusqu’à la toute fin du film, Ray ne cesse jamais de se débattre face aux évènements, les subissant parfois, concourrant à leur développement à d’autres.
On retrouve là la volonté d’ÔTOMO de dépeindre une jeunesse pleine de vitalité déjà présente dans le manga d’Akira, et les films de Spriggan ou Perfect Blue canalisant la violence de la société pour en tirer une force active et positive. Car cette jeunesse ne cède pas face à la violence, mais réussit au contraire à l’exploiter pour renverser l’ordre établi. Ray incarne donc ce principe, mais symbolise aussi l’essence même de la science : l’évolution. Il remet ainsi en cause les valeurs de ses aînés, bouleversant les règles d’un revers de main. ÔTOMO conclut même le film sur la vision d’un Ray super héros : ayant revêtu la combinaison de pilote, il vole, évite les tirs de mitrailleuse et sauve Londres de la destruction. Tel une loi scientifique, Ray a évolué d’hypothèse à réalité. Et les images du générique de fin laissent à penser que Ray a enfin trouvé sa voie : celle d’un justicier, combattant les exactions de ses contemporains. Voilà pour la post-humanité.
Steamboy n’a pas convaincu, et ce au sein même de la rédaction d’AnimeLand : pourtant, dans cet article, nous ne faisons qu’effleurer une partie des enjeux thématiques, esthétiques et narratifs du film. En fait, la grande faiblesse de Steamboy est de taire ses prétentions, et donc de passer à côté de son public. Il faut donc voir derrière les apparences et faire l’effort de décrypter les indices semés par ÔTOMO. À ce prix, Steamboy prend toute sa valeur.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.