Appleseed

L'avenir de l'animation

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Entraperçu sur un écran d’ordinateur, le film d’Appleseed nous semblait bien décevant : ressemblant trop à une cinématique de jeu vidéo, on faisait la moue, se disant qu’encore une fois, les Japonais avaient mal maîtrisés l’utilisation de la 3D. Puis, quelques temps plus tard, annonce est faite que Kaze animation sortira le film en salles. Surprise, hésitation… On se rend un peu dubitatifs à la projection presse, avec l’esprit de celui qui a déjà condamné le film. Et là, c’est la claque ! Projeté sur grand écran, Appleseed révèle des qualités formelles remarquables et nous donne carrément l’impression de voir LE filmd’animation de la nouvelle génération. Pour nous, pas de doute : voilà une oeuvre qui fera date.

Guerre et Paix

La cité d’Olympus est la plus belle création de l’Homme : utopie faite chair, elle voit l’homme coexister pacifiquement avec les bioroides. Et pour cause, ces derniers sont génétiquement modifiés pour ne pas ressentir d’émotions trop vives, éliminant ainsi tout risque de violence. Mais est-ce cela un être humain ? Certainement pas, d’où le regard inquiet des derniers être naturels sur cette nouvelle race… En parallèle à ces évènements, Dunan Knuts, la militaire la plus aguerrie de sa génération, perdue dans une guerilla interminable, est retrouvée par le SWAT et ramenée à Olympus. Autour d’elle se tisse alors une conspiration visant à l’éradication des bioroides. Mais pourquoi elle ? Et en quoi elle est liée à l’avenir d’Olympus ?

Difficile de faire vivre en une heure trente le complexe manga de SHIROW Masamune dont Appleseed s’inspire. A ce petit jeu, pourtant, l’équipe du film s’en sort avec les honneurs : certes, le scénario reste difficile à suivre, mais moins qu’un Ghost in the Shell. De plus, il propose lui aussi son lot de réflexions philosophiques, mais ces dernières sont bien plus accessibles. Chacun peut se sentir concerné par les nombreuses considérations tournant autour de la bioéthique : la problématique est suffisamment présente autour de nous pour que nous puissions nous faire notre propre opinion. A ce sujet, on appréciera aussi que le film ne prenne jamais d’avis tranché sur le sujet, ce qui est assez courageux, laissant le spectateur trancher par lui-même. Toutefois, interrogé sur laquestion de l’eugénisme, ARAMAKI Shinji, le réalisateur, estime que « s’il se pose encore un grand nombre de questions morale sur ce sujet, le futur nous conduira certainement à la manipulation génétique. »

Un avis faisant un peu froid dans le dos, mais les arguments pour et contre ne manquent pas dans le long métrage. Toutefois, à la différence d’un OSHII Mamoru (Innocence), ARAMAKI a bien compris l’intérêt de ponctuer son film de séquences d’actions laissant le spectateur respirer. Impossible donc, de s’ennuyer devant le métrage, car son rythme et la progression de l’intrigue captive. Le tout, jusqu’à un final assez renversant.

Reste le véritable point fort du film : son visuel. Tourné en cell-shading (de la 3D « lissée » pour donner un effet 2D), avec l’aide de la motion capture (des acteurs ont joué les scènes avec des capteurs reliés à leur corps. Ensuite, leurs mouvements ont été digitalisés sur ordinateur et ont permis de donner aux personnages un comportement réaliste), Appleseed ne ressemble à rien de connu jusque là. Parfaite fusion entre l’univers du jeu vidéo et de l’animation, il place le degré de réalisme à un niveau jamais atteint. Les séquences d’actions collent des frissons de plaisir, les scènes de combats sont tout simplement magnifiques ; seules quelques scènes statiques souffrent d’un aspect quelque peu grossier (le visage d’Hitomi manque cruellement de réalisme. On croirait voir un personnage de Dead or Alive).

La voie de l’animation

ARAMAKI a « trouvé sa propre voie » avec ce style en CGI. « Pour moi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute que ce sera le nouveau genre d’animation au Japon. Pour l’instant, il y a eu un certain nombre de réactions négatives, principalement parce qu’on pensait que je ne voulais plus de la 2D. Mais c’est faux ! J’y tiens beaucoup, au contraire. Et je voulais que les personnages aient un aspect 2D. » A ce sujet, travailler sur ce film a été une expérience difficile : « Nous étions environ 80 à oeuvrer dans le même building. Tous les jours, des problèmes de production survenaient et la moitié de notre temps se consacrait à régler ces problèmes. En fait, à l’origine, je voulais utiliser un seul logiciel de travail, mais ce fut impossible. Nous avions donc une équipe très talentueuse, mais plusieurs logiciels et il fallait gérer tout cela. »

Pour un homme plutôt habitué à signer des mecha design ou de la production design (sur Naruto ou Full Metal Alchemist), se lancer dans une telle aventure pouvait surprendre. « A dire vrai, je n’aurais jamais accepté de tourner ce film s’il ne s’agissait pas d’une adaptation de SHIROW. J’ai un immense respect pour lui et je voulais lui rendre hommage. » Mais justement, comment se sont passées les relations avec le fameux mangaka ? « Avec SHIROW, nous ne nous sommes pas rencontrés plus de trois fois sur le tournage. Il a lu le scénario et il m’a dit que j’avais carte blanche, car il s’agissait de mon film. Toutefois, il s’inquiétait de certaines séquences trop difficiles à réaliser selon lui. Une crainte partagée par bon nombres de producteurs ! Lorsque je dessinais des storyboards, on me coupait souvent des scènes, jugées impossible à réaliser. Or, le film fini, j’ai pu prouver à tous que mes idées étaient faisables. SHIROW a d’ailleurs beaucoup aimé le résultat, ce qui m’a rendu très fier ! »

Appleseed II : déjà en préparation

Le film a peine terminé, le studio prend déjà la décision de tourner une suite ! ARAMAKI s’en étonne et surtout s’en inquiète : « J’avais déjà tiré toutes mes cartouches sur Appleseed I. Je ne voyais pas trop quoi raconter d’autre. Mais, SHIROW nous alors assuré de sa participation au second film : travailler avec lui me plaisait beaucoup, j’ai donc accepté de tourner la suite. » Et le producteur de ce second volet ne sera autre que John WOO, le réalisateur de The Killer et de Paycheck ! Impressioné par le premier film, il a accepté de supervisé le second. « Je vois cela comme une excellente opportunité », se justifie ARAMAKI. « Pour Appleseed II, il faudra faire plus fort, aller encore plus loin. WOO et le financement américain vont nous permettre cela. Toutefois, WOO a été très clair : pour avoir été souvent manipulé par Hollywood, il sait bien que le final cut doit revenir au réalisateur. Ce sera donc mon film, pas le sien. »

Si le budget de cette suite reste secret pour le moment, une sortie a été annoncée pour la fin 2006, mais ARAMAKI ne semble pas très optimiste. Tout dépendra, « de la façon dont mon équipe avancera. »

10 ans de réflexions

Pour Kaze, le pari de sortir ce film en France est important. Cela fait 10 ans que Kaze édite de l’animation en vidéo et DVD, mais la première fois qu’ils s’essayent à une sortie cinéma. Entre 40 et 60 salles devraient proposer ce film, prévu pour le 31 août. Cédric LITTARDI, le numéro 1 de Kaze, multiplie donc les avant-premières et espère bien faire parler du film grâce à Annecy. Avec ARAMAKI Shinji à ses côtés, il a bien de la chance, car le réalisateur nippon, à la différence de nombreux de ses collègues, aime à parler de son oeuvre et prend le temps de répondre aux questions de LITTARDI ou de l’assistance avec un luxe de détails assez surprenant.

Assurément, une grande partie du public français risque pourtant de bouder Appleseed : trop connoté jeu vidéo, trop compliqué à comprendre… Les arguments contre seront, assurément, légion. Toutefois, assurer le succès de ce film s’avèrera capitale pour le futur de l’animation au cinéma : si Kaze remporte son pari, ils pourront sortir d’autres films et, pourquoi pas, donner envie à d’autres éditeurs de tenter l’aventure. De plus, et nous le martelons encore une fois, Appleseed marque l’aube d’un nouveau cinéma d’animation d’une qualité jamais vue jusqu’à aujourd’hui. Le futur vous tend les bras, n’hésitez pas…

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