Comme nombre d’auteurs, Moonkey a fait ses premiers pas en créant ses propre fanzines, et en travaillant ses propres histoires, influencées par le manga et l’animation japonaise. Cette passion pour la BD nippone et l’animation poussa le jeune auteur à partir pour le Japon où il décrocha trois rendez-vous avec les plus grandes maisons d’éditions japonaises : la Shueisha, Shogakukan et la Kôdansha. Si ces entretiens ne débouchèrent pas sur un contrat en bonne et due forme, Moonkey attira néanmoins l’attention de la Shôgakukan sur son travail (on lira le trépident récit de cette escapade japonaise sur : le site de l’auteur ). Cette rencontre ratée fut pourtant un élément déclencheur indirect de son embauche dans l’écurie Pika. Voilà pourquoi nous commencerons notre interview sur ce « début dans la vie » bien singulier…
? Tu as suivi un parcours très intéressant comme jeune auteur, dont le point d’orgue a été cette rencontre avec les grandes maisons d’éditions nippones. Comment pousse-t-on le culot aussi loin ?
! Ah… Je dirais qu’il s’agit de l’inconscience de la jeunesse et du désir très fort de travailler là bas. Aujourd’hui, je pense que ça n’aurait pas été possible de gérer les relations avec un éditeur japonais, question temps et compréhension. Je me débrouille en japonais et ma compagne maîtrise mieux la langue, mais bon, cela aurait été trop dur. On fait les choses à fond ou bien on ne les fait pas.
? Après ces rencontres, tu as pris contact avec Pierre VALLS, de Pika, pour travailler dans le Shônen Collection…
! J’ai d’abord travaillé deux ans chez Dybex comme adaptateur graphique sur leur manga et webmaster de leur site. Pour Pika, la rencontre s’est un peu faite par hasard. Dans le premier numéro du Shônen Collection, j’ai lu l’édito où ils annonçaient être à la recherche d’auteurs français. J’ai donc envoyé un e-mail pour obtenir confirmation et, chose que je ne fais jamais, j’ai donné un lien sur mon site pour montrer mon travail. Cela a visiblement convaincu Pierre, d’où une rencontre et une discussion…
? De quoi avez-vous parlés avec Pierre VALLS ?
! Pierre voulait éditer un manga que les Japonais ne puissent faire. Et pour cela, il fallait proposer un manga centrée sur la vie de tous les jours en Europe. Côte à côte dans les rayonnages, face aux maîtres japonais, notre titre devait se singulariser. Après avoir parlé avec Pierre, en rentrant sur Bruxelles, j’ai inventé le concept de DYS et son ossature.
? Quels genres de questions vous êtes vous posés avant de lancer le titre ?
! Au delà du manga en lui même, nous avons du tout construire, puisque aucune structure d’encadrement de l’auteur existait. Coacher quelqu’un devant avoir un rythme à fournir si élevé de page par mois n’est pas si simple, une méthodologie de travail entre les différents intervenants est primordiale et la gestion du temps est devenu notre premier soucis.
? Ton récit renvois à un problème connus par beaucoup de jeunes : la recherche d’emploi. Selon-toi comment un sujet aussi « sombre » peut réussir à amuser et à divertir ?
! En utilisant un ton sarcastique et en épinglant les travers du système, comme le fait de réclamer de l’expérience à des jeunes que l’on n’embauche pas et qui ne peuvent donc pas en acquérir… de l’expérience ! J’ai pas mal fait de boulots un peu bizarres, comme travailler dans un supermarché japonais ou faire livreur pour des sociétés japonaises… L’ambiance était assez spéciale, je ne me sentais pas forcément à ma place : j’ai utilisé tout cela comme inspiration.
? Comment as-tu géré la construction de ton récit, chapitres par chapitres ?
! La prépublication du Shônen Collection imposait, comme au japon, une chute à la fin de chaque chapitre. J’ai aussi déterminé l’ossature de tout le manga, en réfléchissant à tous les développements imaginables, en fonction du succès de DYS. La fin des histoires de chaque personnage m’est d’ailleurs déjà connue : comme ça je peux avancer sereinement dans mon récit.
? Combien de tomes comptes-tu tenir ?
! Je verrais bien DYS tenir en 15 volumes. Mais tout dépend du temps que cela me prendra : je ne vais pas non plus passer ma vie sur ce titre ! En tout cas, je sais où je vais et les personnages ont tous une place cohérente. Avoir tout bien préparé en amont a convaincu Pierre : il a vérifié les 4 premiers chapitres et ensuite il m’a laissé carte blanche.
? Comment sont nés les personnages de DYS ? T’es tu inspiré de personnes de ton entourage ?
! Non, pas vraiment. J’ai construit le personnage de Max et ensuite, tous les héros secondaires. J’ai fait des projections pour les tester et m’assurer qu’ils ne fassent pas doublons et qu’ils puissent bien interagir avec Max.
? Pourquoi as-tu fait de Max un enfant surprotégé ?
! En fait, Max a beaucoup évolué au cours des étapes tests. Il me fallait un personnage capable de faire tenir le scénario. Pour devenir le moteur du récit, il lui fallait une motivation forte. Vouloir se démarquer de son père me semblait pouvoir générer pas mal d’histoires. Son père représente la façon don la Société veut modeler Max.
? Il y a de très nombreuses scènes de bureau dans ton manga : comment rendre dynamique un récit se déroulant dans un endroit aussi difficile à mettre en scène ?
! Bonne question ! (Rire, NDLR). Il s’agit effectivement d’un endroit assez difficile à traiter. J’ai un goût plus prononcé pour les matières organiques, arbres comme zombies… Alors, pour rendre plus dynamique les scènes de bureau, j’ai d’abord pensé à l’histoire et ce qui devait s’y passer, puis imaginer une pièce en 3D comme dans les jeux de rôle avec une façon bien particulière de placer ma « caméra » et de changer régulièrement les angles de prise de vue pour ne pas lasser.
? Ca ne doit pas non plus être facile de mettre en place une chronique de la vie quotidienne ?
! J’ai toujours eu un regard décalé sur les choses, donc cela n’a pas été trop difficile… Sur chaque chapitre, je me mets en danger pour trouver un nouveau souffle. Par exemple, dans le volume 2, on trouve un chapitre dans lequel Max reste rigide. Il ne bouge pas de tout le chapitre, mais les personnages secondaires s’agitent autour de lui.
? Quant tu as commencé la BD, une fois le 1er chapitre publié, quelle avance avais-tu sur la suite de l’histoire ?
! J’avais en tout sept chapitres d’avance.
? Une avance confortable en somme, non ?
! Non, en fait (rires, NDLR). Je devais livrer deux chapitres par mois, soit plus ou moins 44 pages. Mais, je ne peux produire autant et je n’arrive pas encore à dépasser 22/24 planches mensuelles. Donc, j’ai progressivement grignoté mon avance… Je travaille tous les jours dessus, dix heures par jour, et ce sept jours sur sept.
? Tu vis ce que vivent les mangaka en fait ?
! Oui, je me sens comme eux, dans les anecdotes de début de tomes : Je rate les films au cinéma, j’achète des manga et des DVD mais je n’ai pas non plus le temps de les lire ou de les regarder !
? Quand sortira DYS et à quel rythme ?
! Le premier tome sera édité le 18 janvier et je viendrais le défendre à Angoulême… le second sera normalement disponible en avril.
? Est-ce que tu as eu du retour de lecteurs ?
! Lors de l’annonce qu’un manga européen allait être édité par Pika, pas mal de personnes sur les forums étaient dubitatives voir même franchement négatives. Ensuite, lors de la publication du premier chapitre l’accueil s’est avéré moins froid que prévu : des lecteurs pas forcément emballés au départ ont aimés… J’ai même reçu un peu de courrier avec par exemple des remerciements des gens du fanzinat, heureux de voir un Français passer professionnel. Pika a reçu un peu de tout les avis, positifs comme négatifs et même des lettres du genre : « DYS est bien, mais comme ce n’est pas Japonais, je lui mets zéro ! »…Finalement, on ne sait pas réellement comment les lecteurs en général perçoivent DYS… et se sont les ventes qui nous diront tout sur l’opinion du lectorat.
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