Angel Densetsu

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Délit de sale geule

Au lycée, voici qu’un nouvel élève fait son arrivée, précédé d’une réputation flatteuse de premier de la classe. Seulement voilà, aussi doué et gentil qu’il soit, Kitano souffre d’un véritable « délit de sale gueule ». Comprenez par là que toute personne saine d’esprit est pris d’une terreur inextinguible rien qu’en le regardant. Son arrivée va se solder pour lui par une suite de combats tout aussi grotesques que ridicules et qui vont faire de lui le chef des bad boys de son lycée.
Les histoires de bad boys sont un grand classique qui a été décliné en un nombre impressionnant de séries, dont les plus emblématiques en France sont Young GTO, Racaille Blues ou encore Noritaka. Des séries qui ont pour particularité de saupoudrer leurs histoires d’une bonne dose d’humour, parfois même grivois. Mais dans tous les cas, le héros, même s’il fait bien rire, reste un combattant parfaitement accompli qui envoie ses adversaires au sol après un coup de tatane bien placé. Ce n’est pas le cas de Kitano. Lui, il leur fait peur ! Bien sûr, c’est involontaire et toujours plus ou moins à ses dépens.
Notre héros, bien que la nature l’ait doté d’un coeur particulièrement généreux, se trouve en effet affublé d’un visage en parfaite inadéquation avec ses sentiments. Son teint pâle et ses cernes évoquent le drogué en manque, ses yeux de démons sont aussi expressifs que ceux d’un tueur en série et sa bouche laisse entrevoir une dentition à faire pâlir d’envie un tigre. Du coup, notre héros terrorise tous ceux qui s’approchent de lui, d’autant plus lorsqu’il essaie de se montrer sympathique avec eux. En effet, un simple sourire de sa part et même la pire des racailles demandera pitié.

L’auteur : YAGI Norihiro

L’auteur de cette petite trouvaille scénaristique s’appelle YAGI Norihiro. Ce dernier a fait ses débuts dans le manga à l’âge de 24 ans avec une histoire intitulée Anddeadman. Après ce one-shot qui n’a visiblement pas beaucoup fait parler de lui, notre mangaka s’est retrouvé à livrer de petites histoires pendant un moment, jusqu’à un beau jour de 1992 où il décide de créer Angel Densetsu (La légende de l’Ange).
À l’origine, YAGI compte simplement livrer un tome unique d’Angel Densetsu, avant de raccrocher. Seulement voilà, les lecteurs du Shônen Jump (hebdomadaire dans lequel est pré-publié le manga), font un très bon accueil au titre. Finalement, la série durera jusqu’en 2000 avec pas moins de quinze tomes ! L’auteur confessera d’ailleurs dans le second tome qu’il a vraiment été pris de court par le succès, et que l’évolution de son histoire s’est faite de manière quelque peu chaotique. Après Angel Densetsu, sa première série publiée sur le long terme, YAGI a enchaîné avec Claymore. Ce manga conte l’histoire de Cléa, une guerrière au sang de démon qui combat des démons surpuissants, les Yôma. Claymore est présenté un peu partout comme une version féminine de Berserk.

Le vaudeville des Yankees

Dans Angel Densetsu, YAGI arrive à mêler avec bonheur le genre du vaudeville avec celui des Yankees et autre Bozozoku sans foi ni loi. Notre mangaka joue en effet sur les codes narratifs du genre bad boys, à savoir qu’un nouvel élève est systématiquement remis au pas par les voyous du coin, dès lors qu’il arrive avec une réputation de teigneux. C’est ainsi que le chef du lycée, flanqué de ses deux fidèles acolytes, s’en va corriger notre lycéen modèle. Mais il a tellement peur en le voyant qu’il se défoule sur un élève modèle. Ça, c’était pour la partie bad boys.
Mais qu’en est-il du vaudeville me direz-vous ? Eh bien, YAGI s’amuse à faire beaucoup parler ses bad boys au sujet de Kitano. Ainsi, le chef du lycée commente le moindre trait du visage de « tueur » de ce nouvel arrivant, et en fait tout une suite de déductions parfaitement crédibles, mais totalement fausses. En fait, YAGI utilise une technique du théâtre vaudevillesque, qui a maintes fois fait ses preuves : laisser tous les protagonistes dans l’ignorance de ce qui se trame réellement, à la notable exception du spectateur/lecteur qui ne perd pas une miette des tergiversations des voyous.

Ainsi, une relation de complicité s’établit entre le mangaka et le public, puisqu’ils sont les seuls à savoir que Kitano est doux comme un agneau. YAGI va évidemment faire déborder la réputation de Kitano du cadre de son lycée, ce qui attirera, forcément, de nouveaux combattants.
Mais, me direz-vous, comment notre très laid héros fait-il lorsqu’il doit réellement se battre ? Là encore, YAGI va jusqu’au bout de son idée en refusant de donner à son héros un quelconque talent martial. Outre le fait que certains combattants déclarent forfait juste parce que Kitano a essayé de les calmer (ce qui se traduit chez lui par des hurlements et un visage encore plus ignoble que d’habitude), le reste du temps Kitano se fait tout simplement… écraser. Et bien oui ! Il fallait être culotté pour faire d’un héros un moins-que-rien en combat, mais sans cela l’histoire n’aurait pas été aussi drôle. Kitano a tout de même une capacité bluffante à encaisser les coups, et le voir se relever le visage en sang fait aussi son impression.
Dans le second tome, une jeune fille qui pratique les arts martiaux comme une pro, TAKEHISA Yuji, va malgré tout percer son secret. Touchée par la candeur de Kitano, elle ne révèlera rien et sera même sauvée par ce dernier dans un duel cette fois-ci critique, puisque son adversaire a laissé traîner son oreille et connaît le secret de notre héros.

L’avocat du Diable

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux premiers tomes de cette comédie de voyous constituent une très agréable surprise, même si elle n’est pas exempte de défauts. Ainsi, pourra-t-on reprocher à l’auteur un dessin parfois bien maladroit et un certain manque de dynamisme dans les séquences de combat (un comble !). Malgré tout, le manque de finition du graphisme ne gêne que très peu.
On regrettera par contre que YAGI pousse parfois le bouchon un peu loin. Ainsi, Kitano nous est présenté à l’origine comme un garçon au bon coeur, certes naïf, mais pas stupide. Notre héros comprend parfaitement que son visage fait peur aux élèves et qu’il a du mal à s’intégrer. Or, par la suite et pour favoriser le développement de son histoire, Kitano devient naïf au point que lorsqu’un voyou sort un couteau, il s’imagine que ce dernier veut se suicider ! Plus fort, jamais notre héros ne réalise que son apparence affreuse fait peur aux autres bad boys, ni même que si tout le monde l’attaque, ce n’est pas parce qu’il a été simplement malpoli ! Il faut évidemment comprendre que YAGI avait une histoire à faire tourner et qu’il était relativement inexpérimenté au début de la série.

Bien que le genre bad boys soit difficilement renouvelable, YAGI a fait de son manga une oeuvre définitivement à part. Si vous êtes amateur des turpitudes de Noritaka ou de Katsuo, nul doute que ce manga vous séduise. En attendant qu’un éditeur français veuille bien avoir la bonne idée de sortir cette série, il ne vous reste plus qu’à vous mettre au Japonais ou à regarder les jolies images de Kitano essayer de sourire (si vous y survivez).

Merci au GREG Masqué

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