Mais revenons un temps sur cette édition 2015. À part les nombreux hommages à Charlie Hebdo et le climat tendu par les événements du 7 janvier qui ont accru le travail des très nombreux vigiles, l’Asie était cette année bien représentée.
Peu de Japonais, beaucoup de Chinois
Mais ne boudons pas notre plaisir, car ils savent également faire de très bons produits et ils étaient là pour le prouver. Au centre du festival, entre les deux principales bulles se dressait le pavillon de la Chine. À l’intérieur, d’énormes panneaux largement illustrés et commentés offraient un panorama assez éclectique de la production locale. Bien évidemment, l’œuvre de Zhang Leping San Mao, le petit vagabond, le classique de la BD chinoise, y était mise en avant.
D’un autre côté, dans la cour de l’hôtel de ville, se tenait « Little Asia », un pavillon rassemblant les délégations de Taiwan et de Hong Kong. Même programme : présentation des auteurs et séance de dédicace dans une ambiance encore plus conviviale. Il était toujours possible d’acheter des cartes postales, mais pas de se les faire envoyer de Taiwan comme l’an passé. Cependant, qui voudrait s’en séparer ? Certaines étaient superbes et tellement poétiques. La partie dédiée à Hong Kong mettait principalement l’accent sur une résidence d’artiste innovatrice pour la ville : la Comix Home base. Une conférence sur le sujet a même été présentée le vendredi. Elle a permis de comprendre l’énorme travail de rénovation de ce bâtiment dont les fenêtres sont d’inspiration française (cocorico). Le rez-de-chaussée était dédié aux commerces avec deux boutiques de BD et produits dérivés. Quant aux étages, ils sont transformés en restaurant, musée et atelier. Un grand projet pour le rayonnement des artistes hongkongais. Enfin, toujours dans Little Asia, une petite exposition mettait en avant le manhua Seediq Bale de Row-Long Chiu ainsi que d’autres œuvres ayant également pour thème le peuple primaire de l’île de Taiwan.
Remplir son panier
Pour acheter des mangas, il fallait s’aventurer sur le « minuscule » stand de la librairie Cultura dédié exclusivement aux traductions de BD japonaises et aux produits dérivés. Néanmoins, dans la bulle plutôt destinée aux collectionneurs, tout au fond, il était possible de dénicher la boutique Kamiden.fr regorgeant de produits dérivés de la pop culture japonaise. Mais le Saint-Graal n’était accessible qu’après avoir traversé pléthore de stands regorgeant de vieux albums franco-belges, d’artbooks, de sérigraphies ou autres figurines vendues à prix d’or. Finalement, il y avait peu d’éditeurs ayant un catalogue exclusivement composé de titres asiatiques. À part Akata qui venait pour la première fois présenter sa production, qu’elle soit japonaise, taiwanaise ou coréenne. Également présents, les gros éditeurs généralistes avec un rayon manga, comme Delcourt, Glénat, Casterman. Mais aussi des éditeurs plus modestes ayant au moins un titre par un auteur japonais à leur catalogue comme Sarbacanne ou le Lézard noir et surtout les éditions Rue de Sèvres avec à leur catalogue le nouveau Taniguchi : Elle s’appelait Tomoji.
L’expo Taniguchi
Jiro Taniguchi qui cette année était à l’honneur avec plusieurs conférences, la diffusion du film inspiré de Quartier Lointain et une immense exposition au vaisseau Moebius qui est encore en place jusqu’au 8 mars 2015. Répartie sur deux étages, elle affiche de nombreuses planches originales de l’artiste, dont des pages couleur, des couvertures et bien évidemment des planches noir et blanc. C’est l’occasion de découvrir qu’il ne travaille finalement pas sur un format si grand que ça. La scénographie y est très bien travaillée et la présentation est regroupée par album et par thème : le dehors, la mémoire, le muscle… Certains ont leurs alcôves dédiées à l’instar de Icare ou du Gourmet Solitaire. La plupart des œuvres sont accrochées au mur, mais certaines plus importantes sont exposées à plat sur des tables à dessin et avec un éclairage les mettant en valeur. Si vous n’avez pas lu tout Taniguchi, c’est également le moment de vous rattraper dans une des dernières pièces remplies de tables basses et de fauteuils confortables où est proposée à la lecture toute l’œuvre du maître traduite en français. Puis, avant de quitter cette première partie de l’exposition, arrêtez-vous dans une pièce sombre pour apprécier le film tournant en boucle. Ensuite, il faut monter un étage pour voir le reste des planches exposées. Notamment certaines pages couleur de Elle s’appelait Tomoji ou d’autres productions très récentes comme Les gardiens du Louvre ou Venise, une commande du maroquinier Louis Vuitton.
Les conférences
Bien évidemment, chaque jour offrait son lot de conférence ou de manifestation sur le thème du manga ou de l’Asie. La journée la plus éprouvante fut le vendredi avec une succession de rencontres internationales avec trois ténors du manga qui s’enchaînaient entre midi et 19h30 : Eiji Otsuka, Jiro Taniguchi et Junji Ito. Ce fut à chaque fois une heure et demie rempli d’anecdotes qui ont permis de mieux découvrir leurs talents. Junji Ito est revenu le vendredi lors d’une rencontre dessinée où l’auteur a encré ses planches en direct, le tout retransmis sur grand écran pendant que le public pouvait lui poser des questions sur sa méthode de travail. Le jeudi et le vendredi, Eiji Otsuka a revêtu son habit de professeur lors de masterclass où il a guidé de jeunes apprentis mangaka à mettre en image un scénario qu’il leur avait spécialement concocté.
Si ce programme déjà chargé ne suffisait pas pour étancher notre soif de culture, différentes conférences sur le manga étaient également programmées. Le vendredi, nous avons eu droit à un historique de la saga des Chevaliers du Zodiaque avec en avant-première la diffusion du long métrage 3D, le samedi à une rencontre avec les auteurs de Last Man pour décortiquer « l’influence du manga et de l’animation sur la jeune garde française » et le dimanche, Hervé Brient a continué sa revue annuelle des « maîtres du manga » avec une rétrospective de l’œuvre de Rumiko Takahashi (Lamu, Ranma 1/2).
Récompenses
Aucun prix cette année pour le manga malgré la présence d’Atsushi Kaneko en compétition dans la catégorie polar avec Wet Moon, prix qui est revenu à Florent Chavouet pour Petites Coupures à Shioguni aux Éditions Picquier. Dans la partie patrimoine, c’est le recueil San Mao, le petit vagabond chez Fei édition qui a été primé.
Angoulême 2014 fut donc une année faste pour les amateurs de manga et autres productions asiatique. Avec Ôtomo aux commandes en 2016, cela risque d’être grandiose. Rien que pour l’exposition qui lui sera consacrée, il y a matière à faire de jolie chose tellement son univers est vaste et éclectique. Vivement l’année prochaine.
Gwenaël JACQUET.
Pas de commentaire
L'expo Taniguchi est un peu limite tout de même. Tous les originaux sont magnifiques et bien mis en valeur mais je n'ai pas vu l'intérêt d'exposer toutes ces "épreuves numériques" qui n'apportent rien par rapport à la lecture d'un manga.
Elle aurait été amputée de ces repros qu'elle n'en aurait été que meilleure et il y aurait eu la place pour une deuxième expo différente.
Quant à la sécurité c'était un peu n'importe quoi, autant samedi matin en entrant dans le monde des bulles n'importe qui aurait pu passer sans problème sans se faire contrôler l'intérieur du sac tellement les quelques agents étaient débordés, j'en ai d'ailleurs vu passer tranquillement sur les côtés, autant l'après-midi des amis ont été refoulés de l'expo Taniguchi car leurs enfants de moins de 10 ans n'avaient pas un petit carton que la billetterie n'avait pas jugé bon leur donner… merci pour la queue !
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