Un beau jour, la lune se trouve envahie par une forêt vivante qui, traversant sa surface, la fait voler en éclat. La pluie de météorites dévaste la Terre et, depuis, notre planète vit ce que l’on appelle une ère post-apocalyptique. La civilisation humaine survit pourtant, soumise au bon vouloir de la même forêt occupant une partie de la Terre. Si elle a une existence matérielle, elle s’incarne aussi sous la forme de deux soeurs, esprit même de la Nature, qui octroient l’eau aux humains… Dans ce contexte assez singulier, Agito, un garçon quelque peu turbulent, pénètre par hasard dans un sanctuaire où dorment les humains du passé, ceux qui connaissaient la Terre du XXIe siècle. Notre héros réveille alors Toola, une jeune fille jolie et bien mystérieuse. Mais, les esprits de la forêt s’affolent : pour eux, cette Toola est dangereuse et pourrait bien causer leur destruction…
Scénario catastrophe
On doit le concept d’Origine à Umanosuke Iida. Ce dernier a travaillé sur les designs de certains grands classiques de Hayao Miyazaki comme Nausicaä de la vallée du vent et Laputa, le château dans le ciel. On lui doit aussi le storyboard et la réalisation de Gundam et la supervision des décors de Yukikaze. Sans aucun doute Iida a-t-il voulu rendre hommage à deux grands metteurs en scène du cinéma d’animation japonais, à savoir Katsuhiro Otomo et, bien sûr, Hayao Miyazaki. De Miyazaki, on retrouve la présence de la nature dans une époque difficile ; une nature avec laquelle l’humain garde un lien ténu, complexe. Ce rapport à Miyazaki est tellement fort que, bien souvent, on a l’impression de retrouver dans Origine des personnages de ses films comme ceux de Laputa ou Princesse Mononoke : une présence se faisant sentir tant du point de vue de l’écriture que du visuel. D’Otomo, c’est plus vers Striker qu’il faut se tourner. Dans ce film inédit en France, produit par le créateur d’Akira, on retrouve le même danger : celui d’une Terre sur le point de disparaître. Ainsi, le chevalier Shunack d’Origine évoque le cruel Colonel de Striker. Et, si vous regardez la pièce dans laquelle lui et Toola pénètrent à la fin du film, vous reconnaîtrez celle de l’arche de Striker. Enfin, la métamorphose d’Agito, et sa difficulté à contrôler la transformation de son corps, ne peut qu’évoquer Tetsuo dans Akira…
Un script, surtout pour une premier long métrage, rend souvent hommage aux maîtres du genre. À la fois parce que ce sont eux qui ont inspiré les créateurs et leur ont donné envie de s’essayer au cinéma, mais aussi parce que les oeuvres de Miyazaki et d’Otomo sont devenues des classiques imparables. Ce n’est donc pas l’influence qui pose problème. Mais lorsqu’un film semble n’avoir aucune âme, et ressemble à une simple copie d’oeuvres maîtresses, là, un problème se pose…
De plus, Gonzo a livré un film techniquement très faible. Les arrières plans donnent l’impression de reproduire ceux de Princesse Mononoké. Plus grave, le film ne tient visuellement pas la route face aux standards actuels. Pourtant, les directeurs artistiques sont réputés : Akira Satô (Karas, The Big O), Masanori Kikuchi (Cannon Fodder – sketch de Memories de… Katsuhiro Otomô ! et Nadia, le secret de l’eau bleue, déjà plus qu’inspiré par Laputa !), et Rei Nakahara (Blue Seed) ne sont pas des débutants, loin de là ! Mais alors, comment expliquer les couleurs passées, ou une intégration plus que maladroite de la 3D (réalisée par Ryukô Masuô), jurant totalement avec personnages et décors ?
Quant au character design, signé par Kôki Ogata (le très classe Boogiepop Phantom), il déçoit fortement, avec des personnages donnant l’impression de ressembler à d’autres héros, sans avoir d’originalité (Agito est le héros tout feu tout flamme qui va vite mûrir ; Toola est jolie et mystérieuse… On retrouve aussi la nunuche de service, le bon copain pas très futé, le méchant un rien ténébreux…). Impression renforcée par un doublage peu inspiré, sans doute à cause des dialogues d’une grande pauvreté… (au passage, les héros répètent leurs prénoms respectifs au point où cela en devient insupportable. La projection au Décavision s’est terminée par des parodies du doublage avec des « Agitooooo ! » et des « Toolaaaaaaaaa ! » représentatifs de ce que l’on a du endurer durant de très longues minutes). Ce mélange un peu difficile aurait pu bien passer si la réalisation avait été à la hauteur. Keiichi Sugiyama, pourtant responsable de l’excellent épisode 5 d’Evangelion, mais aussi de Macross ou des films télé de City Hunter, livre ici une mise en scène commune au possible, stéréotypée, et impersonnelle.
Stéréotypes
Le film suit un cheminement typique de nombreux anime : un jeune homme trouve un but à sa vie en rencontrant une jeune fille aussi jolie que mystérieuse. Tête brûlée égoïste, il apprendra à mettre sa force au service de l’intérêt général, et gagnera au passage des pouvoirs faisant de lui un demi-dieu. Par la même, il changera d’apparence et atteindra une sérénité faisant de lui un sage. Des scènes du film ont été ainsi vues et revues dans un nombre incalculables d’anime, de Sailormoon à Evangelion, pour ne citer que ceux-là. Allons même plus loin : ce film porte trop bien son nom, tant on a l’impression de voir une production des années 80 ! Fallait-il revenir aux « origines » du boom économique de l’animation japonaise pour exprimer son amour du genre ?
Alors, à quoi bon sortir un tel film ? Le pari de Kaze est là : Origine a été diffusé il y a seulement six mois de cela au Japon ! Rarement aura-t-on eu le droit à une sortie aussi rapide d’un long métrage en France ! Pour l’éditeur de G.T.O., sortir ce premier film de Gonzo a un double but : valoriser l’animation japonaise, et créer un événement destiné à faire prendre conscience aux exploitants cinéma de la popularité et de la vitalité de l’animation japonaise en salles. Car, hors Miyazaki, les cinémas ne croient guère au genre.
Il y a donc un enjeu crucial derrière la sortie de ce film. Votre serviteur n’a, vous l’aurez compris, pas du tout aimé ce premier métrage de Gonzo. Néanmoins, force est de reconnaître que le film peut trouver son public, à condition d’être vu par les bonnes personnes (à savoir un public jeune ou de néophytes de l’animation japonaise). Le pari de Kaze est donc très (trop ?) osé : promouvoir un film bancal pour assurer, en salles, la sorties de nouveaux longs métrages japonais. On regrette simplement que l’éditeur n’ait pas choisi un film de la trempe d’Appleseed, qui nous avait enthousiasmé l’année dernière.
Sortie en salle le 28 juin 2006.
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